INCIVISME ET DEFIANCE DE L’AUTORITE DE L’ETAT
Si la palme d’or de l’incivisme et de la défiance de l’autorité de l’Etat existait en Afrique et devrait être attribuée à un pays, le Burkina serait le candidat qui a toutes les chances de la décrocher. Et pour cause : chaque jour que Dieu fait, des actes d’incivisme et de défiance de l’autorité sont posés. L’acte le plus récent de cette nature a été le blocage, par des Koglwéogo, de la Nationale n°04 (Ouaga-Fada). C’était le jeudi 26 décembre dernier. La raison avancée est l’arrestation du chef koglwéogo de Boulsa, El hadj Boureima Nadbanka, interpellé dans le cadre de l’affaire Yirgou. La veille déjà, c’est-à-dire le mercredi 25 décembre, les syndicats des commerçants et des transporteurs de Boulsa avaient exigé la fermeture des boutiques, des stations-services et des débits de boisson. Les autorités ont tenté d’abord, par la négociation, de faire lever le blocus de la RN4. Mais les croquants n’ont pas bougé d’un iota. Pour eux, la libération de leur chef n’est pas négociable. De guerre lasse, les forces de sécurité ont utilisé la manière forte pour libérer la voie. Les usagers de cette route, et Dieu seul sait s’ils sont nombreux, ont applaudi des deux mains. Et tout le monde sait que la vie du Burkina dépend de cette route. La bloquer, ne serait-ce que pendant une heure, s’apparente à un acte délibéré d’asphyxie du pays. La situation commandait donc que l’on utilise la pédagogie du bâton. Sans encourager l’Etat à adopter les méthodes dignes des pays de dictature, l’on peut se risquer à dire que face à certaines situations, l’Etat ne doit pas hésiter un seul instant à recourir à la force. Et un Etat qui ne dispose pas de cette prérogative, n’en est pas un. Même à l’échelle de la famille, il faut savoir, selon la situation, brandir tantôt le bâton tantôt la carotte. Pour le cas précis du Burkina, l’on peut aisément faire le constat que le recours aux méthodes molles et aux pourparlers à n’en pas finir pour régler les actes de défiance de l’autorité de l’Etat, a apporté toute la preuve de son inefficacité.
Les Burkinabè doivent cesser de vouloir une chose et son contraire
L’on peut même avoir l’impression que la méthode douce les y encourage. Dans le même registre, l’on peut évoquer le cas de ces élèves qui, prétextant l’assassinat de leurs camarades, prennent pratiquement en otage, entre novembre et décembre, la ville de Ouagadougou où ils se livrent sans aucune modération, à des actes de défiance de l’autorité de l’Etat. Le Burkina en a trop souffert. Dans un Etat de droit, les manifestations sont autorisées. Mais de là à s’en servir pour mettre en danger toute la communauté nationale, il y a un pas que certains Burkinabè ont allègrement franchi depuis longtemps. Une démocratie suppose d’abord le respect des lois de la République. Sans ce préalable, le vivre-ensemble n’est pas possible et le retour à l’état de nature n’est pas loin. C’est pourquoi force doit rester à la loi. C’est pourquoi également l’Etat doit se donner les moyens de la faire respecter. En tout état de cause, face à l’incivisme et à la défiance de l’autorité, une thérapie de choc s’impose. Cette année, lorsque l’Etat a bandé les muscles en alpaguant quelques élèves casseurs et cagoulés, la situation s’est vite normalisée et les populations n’ont pas manqué d’exprimer leur soulagement. Et puis, les Burkinabè doivent cesser de vouloir une chose et son contraire. En effet, ils crient à l’indolence de la justice et dès que cette dernière commence à faire diligence pour traiter des actes d’incivisme et de défiance de l’autorité de l’Etat, ce sont les mêmes qui sont prompts à s’y opposer. Et puis, l’on peut avoir l’impression que certains Burkinabè ont une curieuse compréhension de l’adage selon lequel « nul n’est au-dessus de la loi ». Ils sont nombreux, peut-on dire, ceux qui pensent qu’il s’applique aux autres. Il se pose dès lors la nécessité pour tous de se convaincre que la loi s’applique à tous : citoyens lambda, ministres, fonctionnaires, élèves, Koglwéogo, etc. Pour inverser de manière significative les tendances, il faut un Etat fort, juste et soucieux de l’intérêt général. A l’occasion de la présentation des vœux du personnel de la Présidence du Faso au chef de l’Etat, ce dernier a prononcé un discours dont un passage a retenu notre attention. Le voici : « Je serai toujours ferme face à tout manquement qui viendrait à remettre en cause la crédibilité de notre institution ». C’est bien mais l’on peut lui suggérer d’aller au-delà de la Présidence pour appliquer la même fermeté à l’ensemble de la communauté nationale. Car le manque de fermeté est en train de faire trop de mal au Burkina.
Sidzabda