NESTOR BASSIERE, 1er vice-président de l’UNIR/PS
Ministre de l’Environnement, de l’économie verte et du changement climatique, Nestor Bassière est également le 1er vice-président de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste. C’est lui, l’invité de « Mardi Politique » de ce jour 30 juin 2020. Au menu de cet entretien : l’actualité de son ministère, l’alliance UNIR/PS-MPP, la vie du parti, les prochaines élections,…Prudent dans ses réponses, l’homme ne fuit toutefois pas les questions. Lisez plutôt !
« Le Pays : Comment êtes-vous arrivé à la tête du département de l’Environnement ?
Mon combat politique pour le changement dans la gestion de la cité date de depuis longtemps. Et qui parle de combat politique, sait déjà la finalité d’un tel engagement qui n’est rien d’autre que la conquête du pouvoir d’Etat, sa gestion et sa conservation selon les règles édictées par la démocratie. En ce qui concerne ma responsabilité présente à la tête du département du ministère en charge de l’environnement, je pourrai dire qu’elle relève d’une évolution d’étape où les circonstances des élections de 2015 nous ont conduits à une alliance entre mon parti, l’UNIR-PS et le MPP dans la gouvernance de notre pays. De ce point de vue, ce n’est ni par accident, ni par coïncidence mais par la volonté des deux forces politiques de regarder dans la même direction pour mieux servir le peuple. Soyez sûrs qu’on ne devient jamais député, ministre, conseiller, maire par accident ou par coïncidence.
Est-ce que vous aviez le profil de l’emploi ?
Je suis financier de formation et cela peut paraître incompréhensible de prime à bord. Cependant, vous conviendrez avec moi que le premier profil, c’est d’être conscient que notre environnement est menacé et qu’il est urgent de savoir poser le diagnostic et envisager avec sérénité les solutions. De plus en plus, il est question que l’environnement arrive à financer l’environnement, d’où ce profil constitue un atout dans la réalisation d’une telle mission. Nonobstant tout cela, c’est la conjugaison de toutes les compétences disponibles au sein d’un département ministériel qui permet l’atteinte des résultats, d’où la concertation et les échanges sont les leviers sur lesquels je pose mes actions.
Vous êtes l’un des ministres les moins médiatisés. Quelle en est la raison ?
La communication est très importante dans notre contexte et nous faisons de notre mieux pour informer les populations des actions que nous menons et les résultats auxquels nous parvenons à travers la direction de la communication. Nous avons un site internet, des bulletins périodiques de même qu’une page Facebook où nous postons régulièrement des informations concernant notre département. Nous partons aussi vers la presse quand nous avons de grands évènements, pour solliciter son accompagnement. Effectivement, c’est insuffisant et nous voyons cela sous deux angles. Soit c’est nous qui ne partons pas vers la presse, ou c’est la presse qui ne s’intéresse pas trop à l’environnement. Pour notre part, nous convions la presse à chaque fois que de besoin. Peut-être que c’est de vous dire, vous la presse, de vous intéresser davantage à l’environnement, de vous spécialiser également à la problématique environnementale qui est une préoccupation centrale mondiale de nos jours, aussi bien de nos nations que des entités régionales et internationales.
Vous voulez dire que la presse ne s’intéresse pas aux questions environnementales comme vous l’auriez souhaité?
Pas du tout ! Nous tenons à remercier la presse pour ce qui est déjà fait. Mon souhait est de voir continuellement la presse parler de la problématique de l’Environnement. A l’environnement, il faut parler, toujours parler pour sensibiliser quand on sait que l’environnement est une question de comportement.
Est-ce que le ministre de l’Environnement s’intéresse aussi à la presse ?
Bien sûr ! La preuve, c’est qu’on est là dans le cadre de cette interview. Je reste disponible. Qui mieux que la presse pour porter haut les informations, surtout la vraie, à l’endroit de nos concitoyens?
En acceptant d’être ministre, quel était votre objectif de départ ?
Pour moi, être ministre n’est pas un simple titre, mais une fonction qui demande un engagement et surtout, un don de soi. Pour moi donc, c’est une tribune, un des tremplins pour apporter ma pierre à l’édification d’une nation plus prospère. Concernant le ministère de l’Environnement, une meilleure gestion de nos ressources naturelles au profit des générations présentes et futures.
Voici les motivations qui justifient mon acceptation au poste de ministre.
Sur le plan social, le ministère de l’Environnement est très calme. Est- ce lié à votre capacité de management ou bien ici, tout le monde mange bien ?
Ah bon ? (Rire). Vous savez, là où on mange, il y a toujours du bruit. Si on ne fait pas de bruit, peut-être qu’il n’y a pas à manger au ministère de l’Environnement. Pour revenir très sincèrement sur cette question, je pense que nous avons mis au centre de notre préoccupation, le dialogue social, parce que tout, pour nous, toutes les questions de gouvernance, de gestion de notre département ministériel doivent se faire en concertation avec l’ensemble des acteurs. Avec les partenaires sociaux du ministère, on n’est toujours pas en phase sur tous les points, mais nous avons toujours privilégié le dialogue pour chercher le consensus. Je pense que c’est ce qui fait la force du ministère. Vu de l’extérieur, on penserait que tout est calme, paisible ; ce n’est pas évident. Il y a toujours des questions en discussion avec les partenaires sociaux tels que l’indemnité de risque, l’organisation du corps… Mais nous sommes toujours en pourparlers en privilégiant la discussion et la sincérité dans les échanges. Car, comme le dit l’adage populaire, « si tu ne peux pas courir laisser quelqu’un, mieux vaut l’attendre ».
« Il faut accepter les critiques, parce que personne n’est parfait »
C’est la personnalité du ministre Batio Bassière qui fait que les partenaires sociaux sont attentifs à son discours ou bien ce sont d’autres paramètres qui entrent en ligne de compte ?
Il est difficile de m’apprécier moi-même. Peut-être les autres partenaires pourront dire réellement qui je suis, mais moi, dans ma vie, j’ai toujours privilégié l’écoute d’abord et travaillé pour le consensus. Je me suis toujours dit que pour avancer, atteindre son but, il faut écouter. Il faut accepter les critiques, parce que personne n’est parfait. Face aux défis, j’écoute. J’analyse et j’essaie de voir comment trouver des solutions consensuelles. Pour moi, je suis d’abord un simple commis de l’Etat, un fonctionnaire du ministère de l’Economie et des finances. Je serai appelé à d’autres fonctions. Mon devoir, c’est d’œuvrer à créer les meilleures conditions de travail pour l’ensemble du personnel de mon département. Comme je le dis, cela doit être fait dans un cadre règlementaire. Donc, c’est pour dire qu’il s’agisse des partenaires sociaux, ou même avec mes collaborateurs, je privilégie ce dialogue.
Est-ce à dire que dans les ministères où il y a la grogne, vos collègues n’ont pas la bonne méthode ?
Je ne dirai pas cela, parce les contextes au sein des ministères ne sont pas les mêmes et chacun a son approche. Moi, à mon niveau, cela m’a toujours réussi, je continue et je pense que je suis sur la bonne trajectoire. C’est pour cela que je continue de travailler dans cette concertation mutuelle avec l’ensemble des acteurs, pour que nous puissions, ensemble, trouver des solutions à nos problèmes.
Combien d’agents compte le ministère de l’Environnement?
A nos jours, le ministère de l’Environnement a un effectif de 3995 agents, dont 2572 forestiers,
458 environnementalistes. A cela, il faut ajouter les autres collaborateurs et le personnel d’appui.
Avez-vous les moyens de votre politique pour réaliser vos objectifs ?
Le ministère de l’Environnement est un ministère qui est confronté à beaucoup de difficultés d’ordre naturel, humain et matériel. C’est dire que les besoins sont également énormes pour pouvoir faire face à la sauvegarde de notre environnement. Nous savons également que les ressources propres sont rares et les besoins multiples. Le ministère bénéficie, chaque année, d’une allocation en deçà de ses besoins réels mais il faut le situer dans le contexte global du budget (question sécuritaire, mouvements sociaux…). Pour cela, je pense qu’il est difficile de dire que nous avons les moyens. Mais nous travaillons avec le minimum alloué pour faire face à nos défis. Gérer avec rigueur le peu de moyens dont nous disposons est l’un des principes qui nous permet de réaliser nos actions.
Quels sont les principaux défis ?
Qui parle de développement durable, parle d’une gestion rationnelle de ses ressources naturelles. Vous savez qu’aujourd’hui, le Burkina Faso est un pays pratiquement à 90% agricole. Plus de 90% de la population vit de ressources naturelles. Comment gérer au mieux ces ressources pour les générations présentes et futures ? C’est une problématique très importante. Non seulement il faut exploiter ses ressources au présent, mais aussi il ne faut pas condamner les générations futures en termes de conservation et de préservation de ces ressources. Le défi majeur, c’est comment protéger ces ressources naturelles et les gérer de façon rationnelle. En termes d’évaluation de couvert végétal, le Burkina Faso est à 14% pour un taux de 30% comme la norme. Il faut travailler à relever ce défi si nous voulons réussir dans le combat contre l’avancée du désert. La préservation même de la qualité de l’environnement à travers la lutte contre le péril plastique, les pollutions dues aux substances chimiques, la résilience face aux changements climatiques dont les effets s’avèrent désastreux pour les populations, sont autant de défis pour mon département.
Avez-vous le sentiment qu’on donne les moyens nécessaires à votre département pour faire face aux défis environnementaux ?
On peut dire que les ressources du budget sont allouées en fonction des priorités du gouvernement et surtout, en tenant compte du contexte dans lequel s’exécute le budget. Mon département bénéficie des ressources budgétaires, même si celles-ci ne couvrent pas entièrement nos besoins comme je l’ai mentionné plus haut. Nous saluons l’engagement de son SEM le Président du Faso pour ses actions en faveur de l’environnement à travers des allocations spéciales au corps des Eaux et forêts. Dans d’autres pays, le ministère de l’Environnement est un ministère d’Etat (en France par exemple,…). Au Burkina Faso, c’est vrai, nous ne sommes pas un département d’Etat, mais aujourd’hui, au regard de notre lettre de mission, de l’accompagnement du gouvernement, nous ne pensons pas que nous sommes des laissés-pour- compte. Et comme je le dis souvent, il faut travailler à améliorer davantage l’environnement. Quelqu’un disait que lorsque vous avez un environnement sain, vous réglez à plus de 50%, un certain nombre de problèmes (de santé, de sécurité alimentaire, d’assainissement, d’eau …). Si l’environnement est malade, il faudra donc doubler, voire tripler les ressources pour réparer les conséquences. On pourra dire que l’environnement est capital et par conséquent constitue la base des départements ministériels. Notre souhait serait de voir l’environnement érigé en un secteur de planification.
Quelles sont vos principales réalisations qui vont rester dans la mémoire au niveau national ?
Sans pouvoir citer toutes les réalisations de mon département qui découlent du programme présidentiel, je citerai quelques-unes qui me tiennent à cœur. La gestion des ressources forestières a été l’un de mes premiers défis. En effet, nous avons hérité des zones classées depuis le temps colonial, mais ce classement n’a pas abouti car il fallait que le processus aille jusqu’à l’immatriculation. On constate des forêts classées avec une superficie de 350 ha mais la réalité sur le terrain est tout autre. Pour nous, il fallait d’abord travailler à sauver l’existant, d’où la mise en œuvre de la délimitation en vue de l’immatriculation de l’ensemble des forêts et cela, grâce à l’appui du gouvernement et des partenaires techniques et financiers. Le renforcement de la capacité opérationnelle du corps des Eaux et forêts à travers l’équipement, la formation, pour lui permettre de faire face aux questions sécuritaires et aussi de participer aux côtés des autres Forces de défense et de sécurité (FDS), aux différentes opérations de sécurisation du pays ; la mobilisation des financements innovants à travers l’accréditation de deux entités au Fonds vert pour le climat, à savoir le Fond d’Intervention pour l’environnement (FIE) pour les projets étatiques et Coris Bank International pour le secteur privé ; l’élaboration des stratégies nationales en matière d’économie verte et de création d’éco-villages ; l’identification de 2000 éco-villages et la transformation en cours de plus de 40 éco-villages dont 13 pilotes ; l’institutionnalisation d’une Journée nationale de l’arbre (JNA) en vue d’une mobilisation citoyenne pour lutter contre l’avancée du désert ; l’élection du Burkina Faso à la vice-présidence de l’Assemblée générale des Nations unies pour l’environnement pour représenter les pays africains ; l’érection du Bureau National des évaluations
environnementales (BUNEE) en agence.
« On peut avoir un sachet de couleur noire mais biodégradable »
Quelles sont vos actions qui n’ont pas finalement abouti ?
Les actions auxquelles je m’attendais à un meilleur résultat, je pourrai citer la gestion des sachets plastiques. La loi 017 portant interdiction partielle des sachets plastiques n’a pas connu le résultat attendu. En effet, de nos jours, on constate de plus en plus de sachets plastiques sur l’ensemble du territoire national, malgré les multiples efforts consentis. Cette difficulté est due au caractère partiel de la loi qui n’est pas une interdiction totale. Pour y remédier, un avant-projet de loi portant interdiction totale de sachets plastiques a déjà été examiné et des orientations ont été données pour une large concertation en vue de sa finalisation. Néanmoins, nous avons réalisé des constructions de centres de traitement et de valorisation de sachets plastiques dans six (06) régions, ce qui permettra de réduire un tant soit peu le péril plastique à travers sa valorisation Je voudrais rassurer la population qu’il existe bel et bien des sachets biodégradables au Burkina Faso mais que la couleur du sachet n’est pas liée à sa biodégradabilité. On peut avoir un sachet de couleur noire mais biodégradable.
Pourquoi n’avez-vous pas réussi cette activité ?
Vous savez, ces questions sont d’ordre social. Quand vous prenez les sachets plastiques au Burkina, on les utilise partout. Vous avez la maman qui a son petit frigo et qui attache de l’eau dans ces sachets pour aller les vendre afin d’avoir des revenus pour subvenir aux besoins de sa famille. Celui ou celle qui va à la boutique au marché également en utilise. Nous avons travaillé avec l’ensemble des acteurs dans le cadre de l’implémentation de la loi. Leurs préoccupations tournent autour des solutions alternatives et comment les disponibiliser sur le territoire national. Dans tous les cas, nous travaillons à pouvoir prendre en compte tous les amendements afin de pouvoir soumettre la loi à l’Assemblée nationale qui nous a plusieurs fois interpellés à travers des questions orales.
Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées?
La principale a été la question sécuritaire. Elle a eu un impact sur nos forêts qui sont devenues des refuges pour terroristes. A l’Est, toutes nos concessions de chasse ont été détruites ainsi que certains postes forestiers. Le Burkina Faso est l’un des pays de la sous-région qui dispose d’un riche cheptel faunique. On y trouve pratiquement toutes les espèces. On ouvrait la chasse du 1er décembre jusqu’au 31 mai. Aujourd’hui, ces concessions ne sont plus accessibles, alors qu’elles étaient des concessions a gestion tripartite : Etat, secteur privé et les populations riveraines. Les recettes perçues sont réparties entre les différents acteurs. Aujourd’hui, aucun touriste ne peut aller à l’Est ; toutes les concessions ont été détruites, brûlées. Dans ce contexte, il est difficile de lutter contre le braconnage. Vous savez aussi que les forestiers seuls ne peuvent pas protéger les forêts dans cette situation d’insécurité. Aujourd’hui, nous travaillons en lien avec les FDS pour voir dans quelle mesure on pourra sécuriser ces zones forestières et permettre à l’administration forestière d’occuper ses bases. Autre difficulté, on peut citer la pratique de l’orpaillage dans nos entités forestières, l’utilisation des pesticides, des produits chimiques, etc.
Peut-on évaluer le coût financier de cette situation d’insécurité ?
Nous n’avons pas les chiffres en tête mais nous avons élaboré une étude. Nous avons évalué l’ensemble des concessions qui ont été totalement détruites. Nous avons évalué en termes de perte en biodiversité et en termes de faune. Nous avons également élaboré un rapport pour expliquer l’impact de l’insécurité et les pertes engendrées.
Que devient le dossier de la forêt de Kua ?
Je pense que Kua est là (rire). Le Premier ministre, lors de son passage à l’Assemblée nationale, a été clair. Le dossier de Kua est en instruction. L’étude d’impact environnemental et social est terminée. Ce dossier pratiquement bouclé, sera transmis au chef du gouvernement pour décision. C’est pour vous dire que le dossier de Kua est au stade final.
D’aucuns vous accusent de ne pas être transparent dans la gestion de ce dossier. Qu’en dites-vous ?
Je pense que le ministère a été même très transparent, tout simplement parce qu’un dossier de déclassement ou de classement est un processus. Le Gouvernement nous a instruit de conduire le processus du choix du site conformément aux textes. Nous avons suivi le processus qui est d’ailleurs participatif et inclusif. Un Comité national d’aménagement a été mis en place. Dans sa composition, vous avez des OSC, des ONG et des représentants des départements ministériels. Moi, je n’y étais pas. Il a produit un rapport et ce rapport a été soumis au chef du gouvernement. Quand le gouvernement examinera le dossier, l’information sera portée à la connaissance de tous. Il ne revient pas au ministre de l’Environnement de prononcer le déclassement ou non d’une forêt.
On a l’impression que dans cette affaire de forêt de Kua, tous les acteurs ne sont pas de bonne foi. Est-ce une bonne impression ?
Dans un dossier pour le choix de site de la construction d’un hôpital, on n’avait pas besoin d’en arriver là. Mais on est dans cette situation parce que tout simplement, des gens ont voulu en faire un débat politique. Je pense que le gouvernement est responsable et peut décider par rapport au choix du site et s’assumer. Au regard du statut de Kua, le gouvernement a donc demandé au ministre de l’Environnement, d’instruire le dossier. Que les uns et les autres attendent les conclusions du dossier pour en parler. De toutes les façons, comme je l’ai toujours dit, le classement et le déclassement relèvent du Conseil des ministres. Il y a beaucoup qui se sont agités autour du dossier. Ce n’est pas parce que les gens s’agitent qu’on se laissera divertir. Le dossier technique sera instruit ; le gouvernement analysera le dossier et prendra la décision qui s’impose. C’est pour vous dire qu’en réalité, il y a certaines préoccupations qui se posent. Quand le politique s’y met, on oublie l’aspect technique. Je suis ministre de l’Environnement, je n’ai pas de pression du gouvernement. J’ai les pleins pouvoirs d’instruire le dossier conformément aux textes et de le soumettre au gouvernement. Attendons de voir !
« L’hôpital de Bobo-Dioulasso sera construit à Bobo-Dioulasso. C’est un engagement du Président »
Bobo-Dioulasso c’est votre «bled», et la construction d’un hôpital d’une telle envergure fera probablement la fierté des fils de la localité. Quel sentiment avez-vous aujourd’hui de voir que les travaux de construction n’ont pas encore démarré ?
Je me rappelle, lorsque j’ai pris fonction, la construction de l’usine CIMASSO était dans le même processus. Quand nous sommes arrivés, l’étude d’impact environnemental et social avait déjà été délivrée sous la Transition. Quand nous avons voulu défendre le dossier, on nous a traités de tout. Mais aujourd’hui, CIMASSO fait la fierté de Bobo-Dioulasso. Mais ce qui ne pouvait pas être fait hier, peut être fait aujourd’hui parce que la technologie a évolué. Donc, pour moi, il y a un certain nombre de questions sur lesquelles on ne devrait même pas mener de débat. Mais comme la loi a prévu un cheminement, on s’y conforme. Même CIMASSO, on nous a demandé de reprendre l’étude par un cabinet indépendant. L’hôpital de Bobo-Dioulasso sera construit à Bobo-Dioulasso. C’est un engagement du Président. Il s’agit, pour nous, de rassurer la population de Bobo-Dioulasso que l’hôpital sera bel et bien construit et dans les jours à venir, le gouvernement se prononcera.
Nous sommes à quelques mois de la fin de l’année et de votre mandat. Pour les mois qui restent, quels sont les grands dossiers de votre ministère ?
Nous avons ouvert des chantiers en cours d’exécution. Pour nous, il ne s’agit pas d’ouvrir plusieurs fronts. Il faut achever ce que nous avons commencé. Donc, pour nous, c’est de finaliser l’immatriculation d’un certain nombre de forêts parce que nous avons l’accompagnement de Luxembourg. Deuxièmement, c’est de finaliser l’accréditation du Fonds d’intervention pour l’environnement au Fonds vert climat ainsi que le processus de Coris Bank. Troisièmement, la création d’une unité spéciale au niveau du corps des Eaux et forêts, pour en faire un corps d’élite, et la police environnementale pour lutter contre la pollution de l’environnement. Quatrièmement, la poursuite de l’apurement de nos forêts classées pour les libérer des occupants illégaux. Et enfin, la construction de la Direction générale des Eaux et forêts dont la pose de la première pierre a déjà été faite, pour offrir un cadre idéal à la hauteur de la noblesse des agents des Eaux et forêts.
Quelle est la différence fondamentale entre la gouvernance décriée de Roch Marc Christian Kaboré et celle de Blaise Compaoré?
Gouvernance décriée du Président Roch, je n’y crois pas. Au contraire, ces deux époques ne sont pas comparables. D’un côté, une gouvernance de Blaise Compaoré décriée par son peuple dont l’aboutissement a été l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. De l’autre, une gouvernance de SEM Roch Marc Christian Kaboré qui se met en œuvre pour le bonheur des populations dans un Etat de droit où toutes les institutions fonctionnent normalement et de façon indépendante. Sous la gouvernance du président Roch Marc Christian Kaboré, nous avons une Justice totalement indépendante, qui place tous les citoyens égaux devant la loi. Alors que sous Blaise Compaoré, cela relèverait d’une utopie. Aucun de ses anciens ministres n’a été déposé à la MACO pour mauvaise gestion. Pourtant, des dossiers existent. De même, c’est une première de voir un magistrat aller en prison. Nous notons une liberté d’expression et un dialogue au cœur de la gouvernance du Président Kaboré. Sur des questions d’intérêt national, le chef de l’Etat consulte régulièrement la majorité présidentielle et le Chef de file de l’opposition politique. Les partenaires sociaux sont régulièrement invités à la table du dialogue. Le Burkina est en chantier dans tous les secteurs de développement de notre pays. En un mot, ces deux gouvernances sont totalement différentes.
Après l’insurrection, les Burkinabè s’attendaient à une rupture dans la gouvernance. Le constat aujourd’hui est que la rupture souhaitée tarde à venir. Quelles en sont, selon vous, les explications ?
La rupture est en marche sous la gouvernance du Président Roch Kaboré, même si cela n’est pas au rythme voulu par le peuple.Cette rupture est attendue aussi bien au niveau des gouvernés que des gouvernants. Au niveau des gouvernants, nous pouvons dire que la rupture est là ; elle s’apprécie à l’aune de notre Justice où tous les cas révélés de mauvaise gestion sont traités avec la plus grande attention. Nous comprenons parfois les citoyens qui veulent qu’au moindre soupçon, des mesures de répression soient prises. Mais il faut donner la chance à ceux qu’on accuse de se justifier. Au niveau des gouvernés, la rupture tarde aussi à venir et les actes inciviques sont récurrents aussi bien dans les services publics que dans le privé. Il est donc nécessaire que la rupture soit opérée tant au sommet qu’à la base, pour notre vivre-ensemble. Tout le monde veut la rupture, mais tout le monde ne veut pas aller au changement de comportement. Notre rôle est de donner le bon exemple, de multiplier les sensibilisations et l’éducation populaire pour avoir des citoyens et des gouvernants respectueux des valeurs de notre société.
Est-ce que Bassière et ses camarades sankaristes se sentent à l’aise dans la gouvernance actuelle ?
Nous assumons notre choix. Par conséquent, nous sommes comptables des résultats obtenus. Nous apportons notre touche à la gouvernance. Nous sommes à l’aise avec notre allié tout comme le peuple l’a été au soir des élections de 2015.
Vous êtes sankariste et vous vous retrouvez dans une majorité dont la gouvernance est décriée. Cela a été presque dit lors de votre dernier congrès extraordinaire. N’êtes-vous pas gêné par la tournure des évènements ?
Une gouvernance décriée, cela n’a pas été dit au cours de notre congrès. Au contraire, nous avons salué le bilan positif du président du Faso tout en prenant une recommandation en vue de son amélioration. Nous constatons effectivement que des insuffisances subsistent et qu’il faut œuvrer à les corriger. Nous avons noué une alliance stratégique avec le MPP. Si on n’était pas à l’aise dans la gestion du MPP, on serait parti depuis longtemps du gouvernement.
D’aucuns estiment que vous avez trahi l’idéal sankarariste en vous alliant au MPP. Qu’en dites-vous ?
Nous ne sommes pas au MPP (nuance), mais plutôt en alliance avec le MPP. On n’a donc pas trahi l’idéal sankariste. Si on avait choisi d’être avec le Chef de file de l’Opposition politique, on allait nous demander si on se sent bien avec le CDP. Où voulez-vous qu’on aille ? En politique, les alliances existent et sont fonction de l’analyse contextuelle de chaque formation politique. Notre choix a été responsable et nous l’assumons.
Le projet de société des sankaristes, « le Programme alternative sankariste (PAS) » est-il toujours d’actualité ?
Ce programme est toujours d’actualité. Nous ne sommes pas au gouvernement pour la mise en œuvre du PAS. Nous sommes au gouvernement pour la mise en œuvre du programme du président Roch Marc Christian Kaboré pour lequel il a été élu. Ce n’est pas parce que nous sommes en alliance avec le MPP que nous perdons nos valeurs. Nous sommes sankaristes, nous gardons nos valeurs en tant que parti politique.
Quelle est l’ambition de l’UNIR/PS dans les temps à venir ?
Comme tout parti politique, notre ambition, c’est la conquête et la gestion du pouvoir.
Etes-vous prêts à soutenir la candidature de Roch ?
C’est une décision que vous connaîtrez bientôt. Nous avons fait notre congrès ; mandat a été donné au Secrétariat exécutif national de décider de cette question et bientôt, vous connaîtrez le candidat de l’UNIR/PS à la présidentielle.
Votre alliance avec le MPP a-t-elle renforcé ou écorché la crédibilité de votre parti ?
L’expérience a montré que dans les alliances politiques, il y a des points aussi bien positifs que négatifs. Pour nous, cette alliance nous a permis d’une part de renforcer notre capacité de gérance de la chose publique, l’élargissement de la base sociale, et d’autre part, notre visibilité au plan politique a aussi pris un coup.
« Le chemin du combat est tellement long que les plus pressés finissent par tomber dans le désespoir et pensent s’accrocher à tout ce qui brille »
Plusieurs militants de l’UNIR/PS ont démissionné ces dernières années. Cela ne signifie-t-il pas qu’il n’y a pas la sérénité dans vos rangs ?
Il faut toujours regretter le départ même d’un simple militant. Quand vous perdez un militant, vous perdez une voix et même plusieurs. A un certain moment donné, des camarades ne se sont plus sentis à l’aise dans notre parti et sont partis ailleurs. Nous avons pris acte et il s’agit pour nous de travailler à combler ces départs. Sur ce point, nous avons enregistré des adhésions, même si on n’en parle pas. Ainsi va la vie des partis politiques.
Des militants de Bobo-Dioulasso viennent de claquer la porte, avec à leur tête un ancien cadre qui a été particulièrement dur à l’encontre de vous-même et du président du parti. Que pensez-vous de ces démissions et des accusations portées contre vous par le sieur Barro ?
Avant la réaction officielle du parti suite à la démission de l’ex-coordonnateur des Hauts-Bassins, je voudrais tout simplement dire que le relèvement du coordonnateur de ses fonctions dont il a reçu copie de la décision, est conforme à nos textes. On aura l’occasion de revenir sur ce dossier et inviter les structures de la région à la sérénité pour une victoire éclatante aux élections de novembre 2020.
Du reste, dans l’évolution des partis avant-gardistes comme le nôtre, nous parlons toujours de décantation et d’assainissement. Le chemin du combat est tellement long que les plus pressés finissent par tomber dans le désespoir et pensent s’accrocher à tout ce qui brille. Alors que tout ce qui brille n’est pas or.
Votre ami Alexandre Sankara est-il toujours militant de l’UNIR/PS ?
Rappelons que le camarade Alexandre Sankara était un cadre de l’UNIR-PS, qui ne participe plus à la vie du parti depuis longtemps et conformément à nos textes, le parti a constaté, de fait, sa démission du parti.
Que devient le projet de l’unification des sankaristes ?
Pour avoir présidé la dernière convention sankariste qui devrait, en principe, consacrer l’unité des sankaristes avec la participation de Mariam Sankara, je crois que l’unité des sankaristes n’est pas pour demain. La route est encore longue mais tôt ou tard, l’unité devrait se réaliser si les sankaristes veulent conquérir démocratiquement le pouvoir d’Etat.
Lors du dernier congrès extraordinaire du parti, Me Sankara a démissionné de la tête du parti avant d’être presqu’immédiatement reconduit à son poste. Que s’est-il passé ?
Effectivement, le camarade Président a démissionné de son poste de président et le congrès a pris acte de sa démission. Face à un certain nombre de préoccupations, le congrès a reconduit le camarade président et son Secrétariat exécutif pour assurer la vie du parti jusqu’au prochain congrès qui devrait voir le renouvellement des instances du parti. Le Président Sankara est dans la dynamique de préparer sa succession. Volontairement, il a démissionné et volontairement, il a accepté assurer la transition jusqu’au prochain congrès en 2021.
Certains ont vu cette démission-reconduction comme du théâtre !
Vu de loin, cela peut paraître ainsi, mais ce n’est pas le cas. Je suis bien placé pour vous dire que ce n’est pas du théâtre mais le début d’un processus. Attendons de voir à notre prochain congrès ordinaire de 2021.
Vous avez été dans l’opposition pendant longtemps. Du haut du pouvoir aujourd’hui, comment jugez-vous l’action de l’Opposition politique ?
Nous avons travaillé à installer le CFOP avec à sa tête Me Benewendé Sankara comme premier Chef de file de l’opposition. Je me rappelle qu’il disait préparer cette place pour le CDP. En écoutant les déclarations du Chef de file actuel, on sent qu’il n’y a pas la cohésion au sein du groupe. Au niveau de l’action, je pense que le CFOP doit aller dans le sens des propositions tout en critiquant pour améliorer la gestion du pays. Le débat politique doit être relevé. Malheureusement, l’Opposition et le citoyen lambda sont au même niveau de débat.
Pour les prochaines élections, d’aucuns donnent déjà le pouvoir perdant. Votre avis ?
Il y a ceux qui parlent et il y a ceux qui votent. J’ai trois mandats successifs et je sais de quoi je parle. Aujourd’hui, nous sommes confiants au regard des résultats de l’action du président Roch Marc Christian Kaboré en terme de bilan, très positif. Malgré le contexte national difficile, on peut affirmer qu’il gagnera les prochaines élections.
Comment éviter le piège du repli identitaire dont on parle de plus en plus dans notre pays ?
Quand on observe les pays qui ont connu des crises similaires avant nous, on pourrait dire, sans se tromper, que c’est l’évolution normale du terrorisme. Il commence par petits groupes, ensuite il oppose les groupes ethniques et enfin vous faites la guerre entre vous. C’est le scénario que les terroristes veulent imposer aux Burkinabè et nous ne devons donc pas tomber dans ce piège. Nous devons être forts et très soudés pour garder notre savoir-vivre ensemble et chacun doit y contribuer. Nous devons nous convaincre que nous appartenons tous à la mère-patrie et que l’arc-en-ciel doit sa beauté à la diversité de ses couleurs. Le professeur Joseph Ki-Zerbo disait que c’est réunis, que les tisons brûlent. Séparés, ils s’éteignent.
Quel message au Burkina ?
Je voudrais saisir l’occasion pour présenter mes condoléances à tous les Burkinabè tombés sur le champ de bataille pour la préservation de l’intégrité de notre territoire. Aux blessés, je leur souhaite un prompt rétablissement. Au personnel du ministère de l’Environnement, toute ma satisfaction pour son accompagnement dans la mise en œuvre de ma lettre de missions. Aux paysans, une bonne saison pluvieuse pour des récoltes abondantes. A tous les Burkinabè, une union autour des valeurs sacrées de notre Nation sous le leadership de SEM Roch Marc Christian Kaboré. En un mot, il nous faut la cohésion sociale pour vaincre.
Interview réalisée par Michel NANA