SOMMET DU G5 SAHEL
Six mois après le sommet de Pau, en France, qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, le président français, Emmanuel Macron, et ses pairs des cinq pays du Sahel regroupés au sein du G5 Sahel, ont tenu, hier, 30 juin 2020, un conclave en terre mauritanienne, sur l’évolution de la situation sécuritaire dans la sous-région. L’objectif est de faire le point sur la lutte anti-djihadiste dans la région, depuis le sommet de Pau où ils avaient décidé de l’intensification de leurs actions pour mieux faire face à la recrudescence des attaques terroristes. On se rappelle, ces incursions répétées des forces obscurantistes avaient fini par créer un climat de défiance croissant de certaines populations de ces zones vis-à-vis des forces françaises accusées, à tort ou à raison, d’inaction si ce n’est de jouer à un jeu trouble avec l’ennemi. Une situation qui avait connu le développement d’un sentiment anti-français qui avait eu le don d’agacer fortement Paris au point de valoir une « convocation » en règle des dirigeants africains pour une rencontre de « clarification ».
La crise sanitaire ne saurait occulter la crise sécuritaire qui reste toujours préoccupante
Six mois après, les voyants de ces relations franco-africaines ne semblent plus au rouge. Car, non seulement les mouvements appelant au départ des troupes françaises des pays du Sahel se font de moins en moins entendre, mais mieux, à en croire certains sondages, plus de 50% des populations de ces zones voient désormais d’un bon œil la présence des troupes étrangères sur leur sol. C’est dire si dans l’intervalle, la force française Barkhane n’a pas chômé aux côtés de ses partenaires du Sahel, multipliant les offensives dans la zone où des coups largement médiatisés, ont été portés, par endroits, à la bête immonde. La plus emblématique étant l’élimination, en début juin au Mali, du leader d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Abdelmalick Droukdel. De quoi largement justifier la satisfaction du côté de l’Hexagone où la ministre des Armées, parlant du Sahel, a récemment annoncé que « la situation s’améliore » même si elle « reste profondément fragile ». Dans ces conditions, Nouakchott valait bien un détour pour que le président français se tape un aller-retour dans la même journée, pour un sommet en présentiel avec ses pairs, en pleine crise sanitaire du Covid-19 où la plupart des rencontres du genre se tiennent par visioconférence. C’est dire si l’importance de ce sommet de la capitale mauritanienne n’est plus à démontrer. A tout le moins, il est la preuve que les dirigeants de ces pays et leurs partenaires prennent à cœur la question de la lutte contre le terrorisme dans la région. Car, la crise sanitaire ne saurait occulter la crise sécuritaire qui reste toujours préoccupante, avec des attaques terroristes qui n’en finissent pas d’endeuiller le Mali, le Niger et le Burkina Faso où la problématique des déplacés internes du fait de l’insécurité, reste encore une équation bien difficile à résoudre. A côté de cela, les velléités à peine voilées de la pieuvre d’étendre ses tentacules jusqu’aux pays du littoral, doit être un appel au renforcement de la coopération militaire entre pays de la sous-région. Dans cet ordre d’idée, on se demande s’il n’y a pas lieu de songer à élargir le G5 Sahel aux autres pays de la sous-région qui semblent aussi dans le viseur des terroristes.
Seule la conjugaison des efforts peut permettre de venir à bout du terrorisme
En témoigne la récente attaque de Kafolo en Côte d’Ivoire contre des bases des Forces de défense et de sécurité, au moment où les terroristes se signalent aussi au Togo et au Bénin. Car, il est bien connu que le terrorisme n’a pas de frontières. Et l’un des défis majeurs dans cette lutte contre les jihadistes, est la collaboration dans une synergie d’actions pour éviter que ces croisés des temps modernes ne se jouent de tous en trouvant dans les pays voisins, des zones de repli après leurs actions meurtrières. Récemment, la collaboration entre les armées ivoirienne et burkinabè dans l’opération « Comoé », a permis la destruction d’une base terroriste à la frontière des deux pays. Cela vaut son pesant… de sécurité pour les populations de ladite région, même si cela n’a pas empêché le pays d’Allassane Ouattara d’être frappé quelques semaines plus tard, dans ce qui paraît à bien des égards comme une opération de représailles. En tout état de cause, cet énième sommet du G5 Sahel est la preuve, si besoin en était encore, que seule la conjugaison des efforts dans un engagement militaire conséquent, peut permettre de venir à bout du terrorisme. C’est pourquoi, au moment où le Conseil de sécurité de l’ONU vient de procéder à la prorogation du mandat de la Minusma, la force onusienne au Mali, l’on se demande s’il n’y a pas lieu, au-delà de cette prolongation, d’aller à un renforcement de son mandat pour lui permettre d’être plus offensive sur le terrain. Cela pourrait non seulement permettre un retour rapide de la paix ou, à tout le moins, de faire bouger les lignes dans le sens de réduire considérablement la voilure des terroristes. Au-delà du Mali, le Sahel entier a tout à y gagner.
« Le Pays »