SOMMET DE N’DJAMENA SUR LE TERRORISME : Quel avenir pour le G5 Sahel ?
N’Djamena, la capitale tchadienne, abrite depuis hier, 15 février 2021 et ce, pour deux jours, le sommet du G5 Sahel qui réunit les présidents burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, nigérien, Mahamadou Issoufou, mauritanien, Mohamed Ould Gazouani, malien, Bah N’Daw, autour de leur hôte tchadien, Idriss Déby Itno, sur la problématique de la lutte contre le terrorisme dans ladite région. Un sommet qui s’est ouvert sur fond de manifestations contre un sixième mandat du président Déby. Le président français, Emmanuel Macron, prend part à ce sommet par visioconférence, pour, officiellement, des raisons sanitaires liées à la pandémie du coronavirus. L’une des questions fondamentales de ce sommet, est l’avenir de la force française Barkhane engagée aux côtés des armées africaines dans la lutte contre les forces du mal dans cette partie du continent noir.
Mais au-delà de la force Barkhane, on peut s’interroger sur l’avenir même du G5 Sahel face au péril djihadiste qui semble justifier encore la présence des forces françaises sur le terrain des opérations.
C’est à se demander si le Sahel n’est pas en train de devenir un bourbier pour les troupes françaises engagées au combat
La question est d’autant plus importante qu’entre le sommet de Pau, en France, l’année dernière, et celui de N’Djamena qui se tient en ce moment au Tchad, la problématique de la présence continuelle de la force française au Sahel, revient comme une ritournelle dans laquelle on croit lire une volonté de changer son fusil d’épaule, de la part de la France, dans la lutte contre le terrorisme, à défaut d’un désengagement pur et simple pour laisser les pays du Sahel à leur sort. Dans un premier temps, cela a été ressenti dans la « convocation » du sommet de Pau, l’année dernière, en raison de la montée, dans les pays du Sahel, d’un sentiment anti-français qui frisait, pour le locataire de l’Elysée, l’ingratitude de la part des Africains.
Dans un second temps, le scénario qui se dessinait à l’orée du sommet de N’Djamena, était celui d’un réajustement à la baisse des effectifs de Barkhane, auquel le lourd bilan humain payé par la France et qui a rendu une certaine opinion nationale française très critique envers les autorités de Paris, ne semble pas étranger. C’est à se demander si le Sahel n’est pas, si ce n’est déjà le cas, en train de devenir un bourbier pour les troupes françaises engagées au combat, au point que Paris cherche une porte de sortie pour se décharger les épaules. L’un dans l’autre, on peut aisément comprendre la volonté de plus en plus affichée de désengagement de la France dans cet espace sahélien devenu un véritable guêpier pour ses troupes qui y laissent régulièrement des plumes, au contact des forces du mal. Même si globalement, la France se félicite des résultats obtenus et parle « d’un clair renversement du rapport de forces » dans la zone dite des trois frontières, entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, où elle avait choisi de concentrer ses efforts au sortir du sommet de Pau. A présent, il s’agit de capitaliser ces efforts et Paris se voit bien dans le rôle du pêcheur de gros poissons, qui accentuerait la pression sur la hiérarchie des groupes terroristes, au moment où ces derniers nourrissent des ambitions expansionnistes vers les pays du golfe de Guinée, à en croire le patron de la DGSE sorti, il y a quelques jours, de son silence pour sonner l’alarme.
Il est temps, pour les pays du G5 Sahel, de penser à s’autonomiser
Pendant ce temps, il est demandé aux dirigeants des pays du Sahel de travailler à « compléter la dynamique militaire par un sursaut sur le plan politique et civil », en accélérant le retour de l’Etat dans les zones occupées et en offrant plus de perspectives aux populations locales à travers la mise en œuvre de projets de développement. C’est dire si en attendant d’en savoir davantage sur ses conclusions, le sommet de N’Djamena ne manque pas d’intérêt.
Cela dit, si l’avenir de Barkhane continue de questionner du côté de Paris, celui du G5 Sahel devrait questionner davantage du côté des chefs d’Etat africains. Car, si Paris venait à se retirer prématurément du Sahel, ce serait un véritable coup dur pour ses partenaires de cette région qui ne sont visiblement pas encore totalement outillés sur tous les plans, pour faire convenablement face à la situation. Mais après huit ans d’un partenariat solide avec la France voire d’assistanat, il est peut-être temps, pour les pays du G5 Sahel, de penser à s’autonomiser pour éviter que la question récurrente du retrait de ce partenaire privilégié, soit vécue avec angoisse par des dirigeants africains conscients de leurs limites. Car, tôt ou tard, la France sera appelée à partir du Sahel. Et, il faudra s’assumer pour faire face à la situation.
En tout état de cause, s’il est vrai que Barkhane n’a pas vocation à s’éterniser au Sahel, il paraît évident que plus vite les pays sahéliens prendront leur destin en main dans la lutte contre le terrorisme, mieux cela vaudra. Il y va de l’intérêt de tous. A commencer par les têtes couronnées du continent qui sont bien imprégnées de la sagesse africaine qui enseigne que « quand on dort sur le natte d’autrui, on dort par terre ». C’est pourquoi, pour plus d’efficacité, il est impératif, pour la coalition antiterroriste ouest-africaine, de gagner en quantité, en s’élargissant aux pays du littoral tout aussi menacés par l’hydre tentaculaire, mais aussi en qualité par la montée en puissance de la force conjointe et des armées nationales respectives. C’est à ce prix que l’on pourrait espérer réduire a minima la marge de manœuvre et la voilure de ces criminels armés sans foi ni loi, qui profitent toujours de la porosité des frontières pour commettre leurs basses besognes.
« Le Pays »