INCULPATION DE MOUSSA DIAWARA DANS L’AFFAIRE DU JOURNALISTE BIRAMA TOURE
L’affaire du journaliste malien Birama Touré, vient de connaître un rebondissement avec l’inculpation et le placement sous mandat de dépôt, du général Moussa Diawara, ancien directeur des services de renseignements du Mali, pour « complicité d’enlèvement, de séquestration, de tortures ». S’achemine-t-on vers la lumière ? C’est peut-être trop tôt de l’affirmer car l’inculpé bénéficie pour l’heure de la présomption d’innocence. Mais d’ores et déjà, cette décision du tribunal de la commune 4 de Bamako constitue un réel espoir pour la famille de la presse et celle biologique du journaliste qui, depuis cinq ans, réclament à cor et à cri, justice. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les lignes commencent à bouger. C’est d’autant plus vrai que dans le même dossier, un mandat d’arrêt international avait été émis contre l’ex-député Karim Keita, fils de l’ancien président malien, Ibrahim Boubacar Keita. Et comme le dit l’adage, faute de grives, on mange des merles. A défaut de mettre la main sur ce gros poisson qui se la coule douce en Côte d’Ivoire et sur qui pèsent des soupçons de disparition de l’intrépide journaliste d’investigation, il faut se contenter de la prise de cet alevin qui, à bien des égards, constitue tout de même une grosse prise. Car, sous nos tropiques, les patrons de renseignements sont craints comme la peste du fait qu’ils disposent de grands pouvoirs de nuisance. C’est dire s’il faut se féliciter de cette inculpation du général Diawara ce d’autant qu’il pourrait faire de graves révélations car, d’après ce qu’on dit, le journaliste aurait passé quelque temps dans les locaux des services de renseignements avant que sa famille ne perde définitivement ses traces. En tout cas, le témoignage de Moussa Diawara dans cette affaire pourrait contribuer à faire jaillir la vérité. Cela dit, il faut inviter la Justice malienne à tout mettre en œuvre afin que Karim Keita soit extradé vers son pays pour répondre des faits à lui reprochés. Il devrait, lui-même, s’il est blanc comme neige, se présenter à la Justice. L’argument de cabale politique derrière lequel il se cache pour fuir la Justice, ne résiste pas à une solide analyse.
On ne saurait pleurer son sort
Tout porte à croire que cet ancien fils à papa craint autre chose. En effet, l’ex-puissant homme de Bamako qui, dit-on, faisait et défaisait les ministres au Mali, pourrait se faire humilier, ramené pieds et poings liés à Bamako. Mais à qui la faute si on devrait en arriver là ? Evidemment à son géniteur ex-président. Ces déboires judiciaires de Karim Keita ne sont autre que la rançon de l’implication de la famille dans la gestion du pouvoir d’Etat. On ne le dira jamais assez : la démocratie n’est pas la monarchie. Autrement dit, la gestion du pouvoir d’Etat n’est pas une question de famille avec tout ce que cela comporte comme abus de la part de gens qui se croient souvent tout permis. Pour ne l’avoir pas compris, bien des dirigeants africains sont en passe de creuser la tombe politique de leurs proches dont certains sont petit à petit en train d’être rattrapés par leur passé. Et les exemples ne manquent pas. A commencer par celui de François Compaoré, le frère cadet de l’ex-président burkinabè Blaise Compaoré, dont les déboires judiciaires dans l’affaire de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, qui durent depuis près de deux décennies, attendent toujours de connaître leur épilogue. Il en est de même pour Karim Wade, nommé « ministre du Ciel et de la Terre », aux pouvoirs les plus étendus, de son ex-président de père, Abdoulaye Wade, dont les déboires judiciaires pour enrichissement illicite, se sont terminés dans les conditions que l’on sait. Et que dire du cas de Belhassen Trabelsi, beau-frère de l’ex-président tunisien, Zine Abidine Ben Ali, poursuivi en justice, après la chute du régime, pour délits financiers et accusé d’avoir « pillé des entreprises tunisiennes », aux côtés du président déchu ? Et la liste est loin d’être exhaustive puisque, pendant que de nombreux autres fils de…continuent d’être poussés au soleil par leur géniteur comme on l’a vu en Angola de José Eduardo Dos Santos, en Libye de Mouammar Kadhafi ou encore au Gabon de Omar Bongo, d’autres attendent de sortir de l’ombre de leur père comme on l’a vu au Togo avec Faure Gnassingbé, et récemment au Tchad avec Mahamat Idriss Deby. Pendant ce temps, d’autres encore rongent leurs freins dans l’antichambre du pouvoir comme au Cameroun de Paul Biya, au Congo Brazzaville de Denis Sassou Nguesso ou encore en Ouganda de Yoweri Museveni où les rejetons respectifs de ces chefs d’Etat encore en activité, sont, à en croire de nombreuses sources, en train d’être préparés dans le secret des palais pour ce qui ressemble à une succession dynastique. C’est à se demander si cette façon de gérer le pouvoir « en famille » n’est pas devenue la règle en Afrique. Et quand ce n’est pas le fils ou la fille, c’est le frère, la belle-mère ou que savons-nous encore qui est tapis dans l’ombre, confortablement installé au cœur du pouvoir pour amasser fortune. Le hic est que certains fils à papa sont encouragés dans leur folie des grandeurs par des hommes qui se croient insubmersibles parce qu’ils bénéficient d’une impunité. Et tout laisse croire que c’est le cas du général Moussa Diawara. On ne saurait donc pleurer son sort. Tout ce qu’on peut lui souhaiter, c’est qu’il bénéficie d’un procès équitable.
Dabadi ZOUMBARA