HomeA la uneSUPPRESSION DES PAUSES-DEJEUNERS ORDONNEE PAR LE PREMIER MINISTRE : Vous avez bien dit réduction du train de vie de l’Etat ?  

SUPPRESSION DES PAUSES-DEJEUNERS ORDONNEE PAR LE PREMIER MINISTRE : Vous avez bien dit réduction du train de vie de l’Etat ?  


Dans une lettre circulaire datant du 16 septembre 2022 et adressée à tout ministère et à tout président d’institution, le Premier ministre invite ces derniers à mettre fin à la prise en charge des pauses-déjeuner servies aux participants lors des activités délocalisées. Il fonde d’abord ses instructions sur des rapports issus des missions de contrôle et l’audit conduits par l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) dans les structures publiques. Ces rapports pointent du doigt « la quasi permanence » des dépenses relatives à ces pauses-déjeuner. Le Premier ministre relève ensuite dans sa lettre, que la prise en charge de ces pauses-déjeuner, constitue une double dépense effectuée au détriment du budget de l’Etat, étant donné que les participants aux activités délocalisées bénéficient déjà d’une indemnité de mission. Le Premier ministre note enfin, dans sa correspondance, que cette pratique est contraire aux orientations relatives à la réduction du train de vie de l’Etat. L’argumentaire tient la route. En effet, la pratique heurte les règles relatives à la bonne gouvernance en général et à la réduction du train de vie de l’Etat en particulier. Les Burkinabè n’ont aucune raison d’en douter, d’autant plus que le Premier ministre fonde sa correspondance sur des rapports issus de missions de contrôle de l’ASCE-LC. Or, cette structure, on le sait, est l’une des rares institutions de la République, auxquelles les Burkinabè accordent encore du crédit, au regard du sérieux et du professionnalisme avec lesquels elle mène ses investigations. Pour apporter davantage de l’eau au moulin du Premier ministre, on peut ajouter ceci à propos des pauses-déjeuner : il est de notoriété publique qu’une vaste magouille entoure la pratique des pauses-déjeuner.

 

Le divorce entre le discours et les actes brouille le message et discrédite l’autorité auprès de l’opinion

 

Cette magouille se décline entre autres en termes de deals, de surfacturations et de pauses-déjeuners fictives (c’est-à-dire des pauses-déjeuner qui sont censées avoir été servies alors qu’elles ne l’ont jamais été dans la réalité). Grâce à ces pratiques mafieuses, Dieu seul sait combien d’embonpoints et d’immeubles ont poussé. De ce point de vue, on peut affirmer, sans grand risque de se tromper, que la lettre du Premier ministre provoquera bien des grincements de dents. On peut même dire qu’elle portera un coup à des vocations et à des corps de métiers, tant des intérêts égoïstes seront touchés. Mais, il faut le dire tout de suite, la lutte pour la bonne gouvernance en général et la réduction du train de vie de l’Etat en particulier, ne peut être gagnée tant que le sommet de l’Etat ne va pas s’illustrer par l’exemplarité. Or, c’est ce qui manque le plus sous « le soleil de la Transition ». En effet, pendant que l’on traque la gabegie, l’utilisation abusive des ressources publiques, la corruption chez les agents publics, l’on constate que dans le même temps, les autorités augmentent de manière exponentielle leurs salaires, honoraires et autres émoluments. Le divorce entre le discours et les actes brouille le message et discrédite l’autorité auprès de l’opinion. Le tigre, disait Wolé Soyinka, en réponse à Senghor et à Aimé Césaire qui avaient créé la Négritude pour montrer leur attachement aux valeurs du monde noir, ne montre pas sa « tigritude ». Il bondit sur sa proie et la dévore. Le gouvernement de la Transition a intérêt à méditer cette boutade du célèbre écrivain nigérian. C’est donc en posant des actes en phase avec ce qu’ils prônent comme valeurs, que les gouvernants peuvent véritablement influer positivement sur les comportements des Burkinabè. Ce n’est pas à force de lettres circulaires qu’ils y arriveront. Et comment peut-on résister à l’envie de prendre en exemple le régime de Thomas Sankara en matière de lutte pour la réduction du train de vie de l’Etat ? L’homme, en effet, avait une vision globale et claire en la matière. Et il s’est d’abord imposé la rigueur dans la gestion des deniers publics avant de l’imposer à ses collaborateurs et à l’ensemble du peuple. Bien des Burkinabè auraient voulu que Damiba s’inspirât du modèle de l’homme. S’il s’était inscrit dans cette logique, les députés de l’ALT (Assemblée législative de transition) ne se seraient pas introduits dans la brèche. Dans la lettre circulaire du Premier ministre demandant la suppression des pauses-déjeuner, celui-ci a invoqué la réduction du train de vie de l’Etat. L’on a envie de lui poser la question suivante : vous avez bien dit réduction du train de vie de l’Etat ? Si tel est véritablement le cas, commencez par les plus hautes autorités du pays, c’est-à-dire le président du Faso, le Premier ministre, les ministres, le président de l’ALT et les députés, les présidents d’institutions. C’est ainsi qu’on peut prendre les autorités au sérieux quand elles prônent les valeurs. Toute autre attitude peut être perçue comme de la démagogie et de la diversion. En tout état de cause, l’on peut même s’interroger sur la pertinence des séminaires délocalisés. En réalité, tout le monde connaît le nom de la vieille mère, mais tout le monde l’appelle « yaaba », c’est-à-dire Grand-mère en mooré. Leurs objectifs, pour dire la vérité, est que ces séminaires permettent aux uns et aux autres de se sucrer et de se défouler, au propre comme au figuré, hors de leur base. C’est pourquoi d’ailleurs, dans bien des ministères et autres institutions, on crée, on invente des séminaires juste pour se partager les ressources de l’Etat. Le phénomène s’observe surtout vers la fin de l’année. Vous l’aurez compris, les fêtes de fin d’année ne sont pas loin.

 

Sidzabda


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