PROCES DE MILITANTS DE L’OPPOSITION AU TCHAD : Deby fils veut noyer le poisson dans l’eau
C’est un procès hors norme et marathon qui s’est ouvert le 29 novembre dernier au Tchad, qui verra défiler à la barre, 401 prévenus. Arrêtés lors des manifestations violentes du 20 octobre dernier, qui avaient laissé officiellement une cinquantaine de cadavres sur le carreau, ces prévenus sont poursuivis pour « attroupement non autorisé, destruction de biens, incendies volontaires, violences et voies de faits et troubles à l’ordre public ». Le procès du « jeudi noir », comme l’appellent certains Tchadiens, se tient à environ 600 km de la capitale N’Djamena, plus précisément à Koro Toro situé en plein désert et où est située la prison de haute sécurité. Du coup, ni les avocats ni les familles des accusés encore moins les organisations de défense des droits humains, n’y prennent part. Aucun regard extérieur, peut-on dire. Et cela, parce que les autorités tchadiennes l’ont voulu ainsi. Car, mesurant les risques liés au voyage, c’est-à-dire de N’Djamena à Koro Toro, le Barreau a fait diligence en demandant à la chancellerie de faciliter le déplacement des avocats en mettant à leur disposition, une escorte policière. Pour toute réponse, il n’a reçu qu’un silence qui frise le mépris et qui traduit la volonté des autorités de la Transition de faire condamner ceux qu’elles qualifient de « terroristes insurgés ». Si ce n’est pas un acharnement, cela y ressemble fort d’autant que ce procès pouvait être ajourné en attendant la mise en place de la commission d’enquête indépendante réclamée par la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) soutenue par l’Union africaine (UA) et la communauté internationale.
Déby fils oublie volontiers que rien ne peut venir à bout d’un peuple déterminé
Tout se passe, en effet, comme si pour N’Djamena, le coupable du « jeudi noir » était tout trouvé : l’opposition et ses ouailles qu’il faut sanctionner en espérant ainsi prévenir d’autres mouvements de contestation qui ne manqueront certainement pas. Surtout face à la volonté manifeste de Déby fils de confisquer le pouvoir dans un pays où la jeunesse aspire de plus en plus au changement. En réalité, le problème actuel du Tchad, c’est Mahamat Idriss Déby. Car, voilà un homme qui, suite au décès de son père, s’est emparé du pouvoir pour une transition de 18 mois qui devrait déboucher sur l’organisation d’élections libres et transparentes, et qui, avec une maestria à nulle autre pareille, a réussi à se maintenir dans le jeu, en faisant organiser un Dialogue national inclusif souverain (DNIS) qui l’autorise désormais à faire acte de candidature à la prochaine présidentielle. Cela dit, s’il pense qu’en contraignant certains leaders de l’opposition à l’exil et en faisant juger et condamner d’autres, il peut s’assurer un règne tranquille, Déby fils se trompe. Il cherche à noyer le poisson dans l’eau mais il oublie volontiers que rien ne peut venir à bout d’un peuple déterminé. Il gagnerait, dans l’intérêt supérieur de la Nation, à renoncer au pouvoir plutôt que de vouloir jouer au matamore.
B.O