INTERDICTION DE DELIVRANCE DE DIPLOME DE DOCTORAT DANS LES IPES : Aller au-delà de la mise en garde
C’est une communication qui tombe, pile à l’heure, alors que bientôt, les élèves et les étudiants du Burkina Faso reprendront le chemin des classes et des amphithéâtres. En effet, hier, 11 septembre 2023, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI), a fait une mise en garde aux Institutions privées d’enseignement supérieur (IPES) qui « offrent des formations doctorales et délivrent des diplômes de doctorat à des étudiants ». « Aucune université privée n’a bénéficié de l’autorisation du MESRI pour la formation et la délivrance de diplôme de doctorat unique et de PhD. », précise le ministère qui invite d’ailleurs « les étudiants ainsi que les parents d’étudiants burkinabè et étrangers à bien vouloir s’abstenir de toute inscription en thèse dans les Institutions privées d’enseignement supérieur au Burkina Faso ». Cette mise en garde du ministère a, il faut le dire, le mérite d’attirer l’attention sur une violation de la loi portant cahier des charges des IPES et qui, comme le souligne le gouvernement, « discrédite » le système d’enseignement supérieur au Burkina Faso. A n’en pas douter, cette information officielle ne plaira pas à tout le monde. A commencer par les Institutions privées d’enseignement supérieur dont le nombre ne fait que se démultiplier au pays des Hommes intègres. Parmi les mécontents, il y a ces étudiants qui se sont déjà inscrits en dépensant des sommes faramineuses -le PhD peut coûter par exemple jusqu’à 7 millions de F CFA- de même que les promoteurs d’IPES et certains acteurs qui faisaient du business autour des inscriptions d’étudiants pour des études doctorales dans les IPES.
L’Etat dispose de toutes les prérogatives pour rappeler ses brebis galeuses à l’ordre
Mais peut-on véritablement plaindre ces établissements quand on sait que nul n’est censé ignorer la loi ? Rien n’est moins sûr. D’autant que l’on constate, dans les réactions au communiqué du ministère, qu’il y a beaucoup de gens qui s’en félicitent et l’on peut comprendre pourquoi. En effet, il est parfois rapporté des diplômes délivrés par complaisance à des récipiendaires qui pourraient se révéler, par voie de conséquence, de piètres techniciens sur le terrain avec des préjudices pour ceux qui solliciteront leurs services. Ce qui pousse certains à dire que les formations diplomantes sont devenues du pur commerce, l’essentiel pour beaucoup d’élèves étant d’avoir le diplôme et non la connaissance. Il est donc de la responsabilité de l’Etat de mettre de l’ordre dans le secteur. Mais pour autant, faut-il rejeter uniquement la pierre aux Institutions privées d’enseignement supérieur ? La question mérite d’être posée car elles semblent agir aussi en réponse, d’une part à la forte demande de formation diplomante dans notre pays et dans la sous-région, et d’autre part, à l’incapacité des universités publiques à couvrir ces besoins en formation. Par ailleurs, ce sont les mêmes enseignants des universités publiques, qui officient dans les IPES s’ils ne sont pas parfois, tout simplement, promoteurs ou co-promoteurs d’IPES. De même, ces IPES ont des conventions avec l’Etat et il revient à ce dernier de s’assurer de leur régularité et d’en tirer les conséquences en cas d’entorse dans l’application desdites conventions. Cela dit, l’Etat dispose de toutes les prérogatives pour rappeler ses brebis galeuses à l’ordre. Mais à voir de près, la puissance publique semble avoir opté, dans le communiqué, de tirer les oreilles surtout aux étudiants et à leurs parents. Quid donc des premiers concernés ayant signé des conventions avec l’Etat, que sont les IPES ? En un mot comme en mille, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation doit aller au-delà de la mise en garde et assumer pleinement son rôle. Dura lex sed lex !
Sidzabda