AN I DE L’ASSASSINAT DE MARTINEZ ZOGO : La vérité se fait toujours attendre
Le 17 janvier 2024 marquait le premier anniversaire de l’odieux assassinat de Martinez Zogo, du nom de cet animateur radio de l’émission « Embouteillages » enlevé à Yaoundé et dont le corps avait finalement été retrouvé abandonné nu sur un terrain à quelques encablures de la ville. L’homme était connu pour ses dénonciations virulentes contre certaines personnalités publiques qu’il taxait d’incompétentes et de corrompues. Sa tragique disparition avait soulevé au Cameroun et au-delà des frontières du pays, une vive émotion qui reste intacte. Suite à l’inqualifiable crime, une enquête judiciaire a été ouverte. Quel bilan peut-on en faire aujourd’hui ?
Le moins que l’on puisse dire c’est que, pour l’instant, la Justice camerounaise n’est pas parvenue à détricoter l’épais mystère qui recouvre l’assassinat de Martinez Zogo. La vérité se fait toujours attendre mais cela ne doit cependant pas masquer les progrès opérés dans la traque des assassins de l’animateur radio. En effet, une vingtaine de personnes sont mises en examen et parmi elles, les rets de la Justice ont pris de gros poissons comme l’homme d’affaires Jean Pierre Amougou Belinga et l’ancien patron des services de renseignements camerounais, Léopold Maxime Eko Eko.
Le temps de la Justice n’est pas celui des hommes
La qualité des personnes interpellées laisse croire que l’on s’achemine vers un crime politique dont l’objectif était de faire taire celui qui s’était donné le rôle de « dire tout haut ce que les autres pensent tout bas ». Et c’est visiblement cette connexion du crime avec les milieux d’affaires qui rend difficile le travail de la Justice. Pour preuve, en une année, pas moins de trois juges ont été saisis de cette affaire. Le dernier à être nommé est le colonel Pierre Narcisse Ndzié avec pour mission de relancer l’information judiciaire et de la conclure. Et pour le moins que l’on puisse dire, c’est que le nouveau magistrat a embrayé fort car le 19 décembre dernier, il a envoyé dans les geôles de la capitale, le maire de la commune de Bibey qui rejoint la vingtaine de personnes précédemment inculpées. Si l’on peut comprendre l’impatience des Camerounais, l’on peut dire que les choses vont dans le bon sens. Il faut donc se résoudre à admettre que le temps de la Justice n’est pas celui des hommes surtout que dans le cas précis de cette affaire Martinez Zogo, le temps mis a permis de ratisser large pour prendre, au-delà du commando qui a exécuté le journaliste, les commanditaires qui, tapis dans l’ombre, tiraient les ficelles. Il faut donc souhaiter que toute la lumière soit faite et que toutes les personnes incriminées soient démaquées et punies, et cela conformément aux lois en vigueur au Cameroun.
Cela dit, au-delà de l’enquête judiciaire dont les procédures et le langage sont loin d’être à la portée de tout le monde, le dossier Martinez Zogo a un côté purement humain qu’il convient de gérer avec célérité. Le corps de l’infortuné défunt est encore dans la morgue et la famille éplorée n’a pas encore pu faire le deuil de son fils. Même si l’on peut comprendre que pour les besoins de l’enquête, le corps de Martinez Zogo qui porte les traces des sévices qu’il a subis, peut être encore exploité à toutes fins utiles, il faut aussi admettre que ne pas le remettre à sa famille pour inhumation en rajoutera au stress et à la douleur de ses parents.
L’Etat camerounais devrait en tirer toutes les leçons en matière de protection des journalistes et de la liberté d’expression
Si l’on n’est pas à un recel de cadavre, l’on n’en est pas loin. Cela dit, la police scientifique devrait donc se hâter de recueillir toutes les informations utiles et rendre Martinez Zogo aux siens afin qu’ils procèdent aux rites funéraires pour permettre à l’homme de rejoindre ses ancêtres pour le repos de son âme. Nous sommes en terre africaine et cela a toute son importance même si l’on peut souhaiter que l’âme du défunt continue de hanter ses assassins jusqu’à ce qu’ils rendent gorge. C’est cela aussi que les organisations de défense des droits de l’Homme et de la liberté de presse comme Reporters Sans Frontières (RSF) doivent continuer de donner de la voix pour que la Justice garde la nouvelle dynamique enclenchée par le nouveau juge en charge du dossier.
En attendant le dénouement de ce dossier plus que brulant, l’Etat camerounais que l’on peut au passage féliciter pour n’avoir pas enterré le dossier, devrait en tirer toutes les leçons en matière de protection des journalistes et de la liberté d’expression. Et ce sera en cela que le sacrifice de Martinez Zogo ne serait pas vain et servirait d’avertissement sans frais à tous les prédateurs de la liberté d’expression qui sont tapis dans les arcanes du pouvoir au Cameroun.
« Le Pays »