MINI-TOURNEE OUEST-AFRICAINE DU PM ESPAGNOL : La crise migratoire comme plat de résistance
Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a entamé, le 27 août dernier, une mini-tournée africaine de trois jours, qui le conduira successivement au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie. Trois pays ouest-africains où le chef du gouvernement ibérique abordera, avec ses hôtes d’un jour, la question migratoire qui trouble le sommeil des dirigeants du vieux continent. Son objectif est d’inciter les dirigeants de ces pays, à redoubler d’efforts pour restreindre les départs. La question qui se pose est de savoir si le déplacement du chef de l’Exécutif espagnol dans ces pays subsahariens de la côte atlantique, produira les effets escomptés. La question est d’autant plus fondée que le phénomène de la migration clandestine entre les deux continents voisins, a la peau dure. Cela est d’autant plus vrai qu’entre pays européens et africains, les sommets et autres initiatives bilatérales et multilatérales se multiplient sans que le phénomène ne connaisse un ralentissement. Au contraire, ces dernières années, l’Espagne, mais aussi l’Italie, font face à une augmentation significative du nombre de migrants. Notamment dans l’archipel des Canaries et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla pour ce qui est du pays du Roi Felipe VI, et l’île de Lampedusa en Italie, qui constituent les principales portes d’entrée des migrants subsahariens dans l’Union européenne (UE).
La thérapie préconisée est loin d’être adaptée au mal
En Espagne, la question préoccupe d’autant plus le chef de l’Exécutif que ce dernier est sous le feu des critiques de l’opposition qui fustige « l’irresponsabilité » du gouvernement, face à l’arrivée massive de migrants à bord d’embarcations de fortune. A titre d’exemple, entre le 1er janvier 2024 et le 15 août dernier, plus de trente mille migrants clandestins ont été enregistrés en Espagne contre un peu plus de dix-huit mille l’année dernière pour la même période. C’est donc un Pedro Sanchez sous forte pression, qui a entrepris cette mission d’urgence dans ces pays africains réputés pour le rôle central qu’ils jouent en tant que pays de départs, pour espérer trouver une solution à cette crise multidimensionnelle qui résiste aux vagues meurtrières de la Méditerranée, et qui est devenue, au fil du temps, un véritable casse-tête…européen. Toujours est-il qu’entre chômage endémique de la jeunesse africaine, manque de perspectives d’avenir et instabilité politique, entre autres, les causes de la migration clandestine de subsahariens en quête d’un eldorado en Europe, sont globalement connues. Mais entre durcissement des conditions d’entrée, renforcement des mesures de sécurité et de surveillance des frontières européennes, aide financière aux pays africains dans la gestion des flux migratoires, initiatives de développement local et autres promesses de financements, les remèdes administrés peinent encore à produire les effets escomptés pour l’Europe qui reste malade d’un phénomène qui va de mal en pis. Et dont la gestion est aussi problématique qu’elle est parfois source de tensions diplomatiques entre pays du vieux continent.
Entre dirigeants africains et européens, il appartient à chacun de jouer sa partition
C’est peut-être la preuve, si besoin en est, que la thérapie préconisée est loin d’être adaptée au mal, ou qu’elle pèche par endroits, dans son application. D’où la nécessité, pour l’Europe, de changer son fusil d’épaule. Car, tant que les motivations à migrer resteront intactes chez les candidats au départ, rien n’y fera. C’est dire s’il convient d’attaquer le mal à la racine en aidant l’Afrique à créer les conditions de rétention de ses cerveaux et bras valides sur le continent. Cela passe par un rééquilibrage des termes de l’échange, pour permettre à l’Afrique d’amorcer son vrai développement. Et ce, à travers la création d’emplois qui contribueront à fixer davantage la jeunesse sur place. Il faut aussi briser le mythe du misérabilisme qui colle à la peau du continent noir. Autrement dit, tant que l’Europe sera présentée comme cette terre de cocagne où coulent le lait et le miel et que l’Afrique restera ce concentré de toute la misère du monde, les flux migratoires du Sud vers le Nord ne s’arrêteront pas. A côté de cela, il importe aussi de travailler à trouver une solution au problème de tous ces passeurs et autres lugubres intermédiaires pour qui le phénomène migratoire est devenu un business lucratif. Car, ils constituent un maillon essentiel de la chaîne aussi bien avant que pendant la périlleuse traversée de la Méditerranée. Last but not least, il y a la responsabilité des dirigeants africains dont ces mouvements d’émigration sont l’expression de la faillite et de leur incapacité à offrir des perspectives d’avenir à leurs compatriotes. En tout état de cause, le mal est profond. Et, entre dirigeants africains et européens, il appartient à chacun de jouer sa partition pour trouver une solution à un phénomène qui reste une préoccupation majeure sur les deux continents.
« Le Pays »