MOTION DE DESTITUTION CONTRE LE VICE-PRESIDENT KENYAN : Rigathi Gachagua pourra-t-il sauver sa tête ?
Onze charges dont celles d’«insubordination », d’« atteinte à l’unité nationale », de « crimes économiques » sur fond d’enrichissement illicite et de corruption. C’est ce qui vaut au vice-président kényan, Rigathi Gachagua, une motion de destitution du parlement, déposée par un député de la coalition présidentielle. Des accusations balayées du revers de la main par le mis en cause qui parle de « pure propagande » et de « complot » visant à l’écarter du pouvoir pour des considérations politiques. Et pour sa défense, il n’a pas trouvé mieux que la tribune du Sénat où il s’est invité le 8 octobre dernier pour une séance d’explications après les éclaircissements donnés la veille à ses compatriotes, dans un discours télévisée à la Nation. Pour le colistier du président William Ruto à la dernière présidentielle, les accusations d’enrichissement illicite portées à son encontre, sont des arguments fallacieux visant à ternir sa réputation d’homme d’affaires qui a prospéré bien longtemps avant d’occuper les fonctions politiques qui sont les siennes aujourd’hui.
La partie est plutôt mal engagée pour le suppléant du chef de l’Etat
Et dans sa stratégie de défense, il écarte toute hypothèse de démission et compte se « battre jusqu’au bout », y compris en engageant une bataille judiciaire si nécessaire, pour faire échec à ses détracteurs. La question qui se pose est de savoir si Rigathi Gachagua pourra sauver sa tête. La question est d’autant plus fondée qu’au-delà de leur pléthore, les chefs d’accusations portés à son encontre, sont suffisamment graves pour troubler sa sérénité de vice-président qui pourrait perdre ses privilèges en tombant de son piédestal du jour au lendemain. Et il a d’autant plus du souci à se faire que la motion de destitution lancée à son encontre, a été introduite par un député de sa propre famille politique, la coalition au pouvoir. C’est dire si la partie est plutôt mal engagée pour le suppléant du chef de l’Etat dont les relations se sont détériorées avec le locataire du State House depuis le mouvement de contestation qui a secoué le pays en juin dernier. De là à penser que le président Ruto mène une guerre par procuration contre son vice-président, il y a un pas que d’aucuns pourraient d’autant plus franchir que Rigathi Gachagua ne manquait pas de critiques contre des décisions de son supérieur, après les manifestations meurtrières de juin et juillet derniers en lien avec le projet de budget 2024-2025 prévoyant de nouvelles taxes. Et ce n’est pas tout puisqu’en plus de saper l’autorité du gouvernement, le vice-président est aussi accusé d’avoir contribué indirectement à alimenter les manifestations antigouvernementales qui menaçaient de faire basculer le régime en milieu d’année. Si l’on ajoute à cela les accusations d’incitation à la division ethnique, on comprend que les contempteurs du vice-président ne sont pas allés de main morte dans leur motion de destitution.
Dans cette affaire, il est difficile de démêler le vrai du faux
C’est pourquoi l’on attend de voir si Rigathi Gachagua pourra se tirer d’affaire. Car, une chose est de rejeter les accusations, une autre est d’apporter les preuves irréfutables qu’il est blanc comme neige. Toujours est-il que dans cette affaire, il est difficile de démêler le vrai du faux tant il n’existe pas de frontière étanche entre affaires et politique. Les deux s’imbriquant dans un enchevêtrement où certains font des affaires pour entrer en politique pendant que d’autres viennent en politique pour mieux faire des affaires. Et dans un pays comme le Kenya où les élites politiques ne brillent pas toujours par leur intégrité, il est difficile de donner le bon Dieu sans confession à Rigathi Gachagua même si l’on ne peut pas écarter la thèse de la cabale politique. C’est pourquoi il faut souhaiter que si la Justice venait à être saisie, elle puisse aller jusqu’au bout pour que la lumière soit faite. En attendant, même si la motion de destitution venait à être adoptée par l’Assemblée nationale, encore faudrait-il que le Sénat se prononce avant que le vice-président ne soit situé sur son sort.
« Le Pays »