HomeA la uneADAMA BARROW POUR LE MAINTIEN DE LA MICEGA POUR 6 MOIS : Qui va casquer ?

ADAMA BARROW POUR LE MAINTIEN DE LA MICEGA POUR 6 MOIS : Qui va casquer ?


 

Partie en Gambie en vertu d’un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU (Organisation des Nations unies) pour restaurer la démocratie face à la volonté de Yahya Jammeh de s’accrocher à son trône, la MICEGA (Mission de la CEDEAO pour la Gambie) a de fortes chances de prolonger son séjour en Gambie. La demande en a été faite par le président élu, Adama Barrow, qui vient d’annoncer la fin de son exil  à Dakar. En effet, c’est aujourd’hui même que le successeur de Yahya Jammeh doit regagner Banjul. A l’occasion, on peut parier que l’allégresse  des Gambiens et Gambiennes sera à son paroxysme ; eux qui trouvaient long le séjour de leur chef d’Etat à l’étranger. Cela dit, la sollicitation faite par Adama Barrow de maintenir pour 6 mois, les « Boys » de Marcel De Souza, du nom du nouveau président en exercice de la CEDEAO, a été motivée par des raisons de sécurité. Ce qui exige dès lors que soit redéfini le mandat de ces troupes. Car, celles-ci avaient pour vocation, à l’origine, d’intervenir sur le sol gambien au cas où l’ancien président les y contraindrait. Maintenant que ce scénario-catastrophe a été évité, à la grande satisfaction de tous, certaines personnes pourraient se poser la question de la pertinence de la demande de maintien pour 6 mois de la MICEGA en Gambie.

Jammeh est parti mais les instruments dont il se servait, sont restés en place

En guise de réponse, l’on pourrait évoquer l’adage selon lequel « seuls les habitants de la maison sont censés connaître par où elle coule ». Et Adama Barrow, manifestement, est qualifié pour le savoir pour avoir vécu la dictature de Yahya Jammeh de l’intérieur. De ce point de vue, il sait que le gouverneur de la satrapie est parti mais les instruments dont il se servait, tout au long  de son long règne, pour terroriser tous ses compatriotes qui osaient évoquer seulement le mot démocratie en Gambie, sont restés en place. Les plus téméraires des opposants l’ont payé de leur vie. Les plus chanceux ont pu sauver leur scalp en traversant la frontière. Et un des instruments emblématiques de cette terreur, était incontestablement l’armée gambienne. Et le personnage qui la symbolise le plus est le fantasque Général Badjie, du nom du chef d’état-major de l’armée. Il est vrai que l’homme  a apporté sa loyauté au président démocratiquement élu, Adama Barrow, allant jusqu’à associer sa joie à celle des populations qui exultaient à l’occasion du départ du satrape. Mais il en faut plus pour que le président Barrow lui fasse confiance. En effet, l’opinion garde encore en mémoire, les propos tenus par l’homme, alors que Yahya Jammeh s’obstinait dans son refus de passer le témoin à Adama Barrow. Il avait, en effet, affirmé urbi et orbi et ce, sans aucune gêne, qu’il soutenait Jammeh parce que,  de ce dernier, dépendait son salaire. La légèreté d’un tel argumentaire en dit long sur la personnalité de son auteur. En tout cas, tout laisse croire que sa brusque conversion à la démocratie ne rassure pas Adama Barrow au point qu’il puisse compter  sur lui en particulier et sur l’armée gambienne en général, pour sécuriser la démocratie en marche en Gambie. Le syndrome Gilbert Diendéré, du nom de ce général burkinabè qui avait tenté le coup d’Etat de septembre 2015 pour restaurer le pouvoir Blaise Compaoré, a dû  inspirer Adama Barrow dans sa volonté de chercher à mettre à l’abri son régime face à une éventuelle tentative d’interrompre, par  un pronunciamiento, la marche vers la liberté du peuple gambien que représente  sa victoire à la présidentielle.

La normalisation de la Gambie prendra à coup sûr beaucoup de temps

Et personne ne devrait lui faire le reproche d’être dans cette posture. La restauration de la démocratie, brandie à juste titre par la CEDEAO pour voler au secours du peuple gambien, aurait certainement un  goût d’inachevé si elle devait se limiter à bouter le satrape hors de Gambie. C’est pourquoi il est probable que la demande d’Adama Barrow pour un maintien de la MICEGA pour six mois dans son pays, soit rapidement agréée. Et ce d’autant plus que l’histoire a démontré que l’édification d’une démocratie sur les cendres fumantes d’une dictature, est très souvent entravée par des forces qui croient, dur comme fer, qu’elles peuvent arrêter le cours normal de  l’histoire. Macky Sall, le grand voisin, dont le leadership a permis au peuple gambien de rêver d’une démocratie et qui sait  mieux que ses pairs la pertinence de la sollicitation du nouveau président, mettra un point d’honneur à convaincre, ici et maintenant, l’ensemble de la CEDEAO, l’UA et l’ONU à aller dans le sens de la volonté d’Adama Barrow. Déjà, les troupes de la CEDEAO sont en train de faire le ménage sur l’ensemble  du territoire gambien, avec un accent particulier porté sur l’aseptisation de la capitale Banjul et de Kanilai, le village natal de l’ex-dictateur. Les troupes de la CEDEAO sont d’autant plus encouragées dans cette opération de désinfection, qu’elles savent qu’elles ont le soutien ouvertement affiché des populations. Cela dit, la MICEGA,  dans l’hypothèse où elle serait autorisée à déposer ses valises pendant 6 mois en Gambie comme le souhaite vivement Adama Barrow, devrait forcer le respect des Gambiens par l’exemplarité du comportement de ses hommes, notamment en termes professionnel et éthique. Il faudrait, en plus de cela, se comporter en forces de solidarité  et  non d’occupation, sous peine de braquer les patriotes gambiens et l’armée. Mais on peut compter sur le caractère républicain du contingent sénégalais  qui constitue la majorité des troupes de la CEDEAO, pour éviter les dérives. La normalisation de la Gambie prendra à coup sûr beaucoup de temps. Car, c’était un pays qui marchait sur la tête. Mais ce que la MICEGA a déjà abattu comme travail en matière de sécurisation du pays et ce, en l’espace d’une semaine, est fort louable. Seulement, la grande question que l’on peut se poser maintenant est de savoir, dans l’hypothèse où  le mandat de la MICEGA serait redéfini pour lui permettre de déposer ses pénates pendant 6 mois en Gambie, qui va casquer. Cette question est d’autant plus pertinente que tous les pays qui constituent la CEDEAO sont pratiquement sous perfusion économique, par ces temps qui courent, à commencer par le plus grand  et le plus puissant d’entre eux, le Nigeria. Il va falloir, dans ces conditions, tendre la sébile aux autres. Et en la matière, les Africains, conformément à la tradition, n’auront aucun scrupule à le faire.

« Le Pays »


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