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AFFAIRE SORO GUILLAUME


Le climat politique ivoirien qui recelait déjà des points d’inquiétudes à dix mois de la présidentielle, s’est brusquement dégradé davantage depuis le début de la semaine dernière, avec l’émission d’un mandat d’arrêt international contre Guillaume Soro et l’arrestation, en vertu d’une procédure de flagrance, de ses lieutenants à Abidjan. Après les attaques réciproques à fleurets mouchetés entre le camp du président Alassane Ouattara et celui de Guillaume Soro, on semble désormais décidé à sortir les vrais sabres de leurs étuis, quitte à exposer encore une fois de plus la Côte d’Ivoire toujours convalescente, aux affres d’une crise politico-militaire dont elle n’a nullement besoin. La guerre verbale est désormais ouverte entre ces anciens alliés, depuis que le procureur de la République, Richard Adou, a accusé Guillaume Soro de fomenter « une insurrection civile et militaire » contre le régime actuel, avec le soutien réel ou supposé de certains de ses « bra-mogo » tapis dans l’Administration et dans les casernes. Même le président Alassane Ouattara s’en est mêlé, en déclarant samedi dernier que « nul ne sera autorisé à déstabiliser la Côte d’Ivoire » et en rappelant opportunément que « nul n’est au-dessus de la loi ». Des déclarations sans nuance, qui attestent de la détermination du président ivoirien à faire rendre gorge à celui qui était, il y a seulement quelques années, son « bon petit » pour ses ambitions démesurées et sa propension à régler les différends à la mitraillette. Dans le camp incriminé de Guillaume Soro, c’est l’avocate Affoussiata Bamba-Lamine qui a été envoyée en première ligne pour démonter ce qu’elle qualifie « d’accusations fallacieuses » et pour annoncer des révélations fracassantes non seulement sur cette affaire  mais aussi sur tous les dossiers qui se sont amoncelés dans les poubelles de la République depuis le 19 septembre 2002 et le déclenchement de la rébellion armée que dirigeait l’homme aujourd’hui le plus recherché de Côte d’Ivoire.

La messe est dite pour le clan Soro

 

En attendant le largage de ces bombes à fragmentation, on est tenté de se demander si elles seront dévastatrices pour le camp Ouattara ou si au contraire, elles produiront un effet boomerang contre Soro lui-même, surtout quand on connaît le rôle pour le moins trouble que ce dernier a joué dans la survenue des événements qui ont marqué la Côte d’Ivoire ces 20 dernières années. Une chose est sûre, ces opérations de dénonciation, de délation pour ne pas dire de destruction mutuelle entre anciens alliés, permettront d’en savoir un peu plus sur le dessous des cartes, surtout pendant les années de braise allant de 2002 à l’installation de Alassane Ouattara au Palais de Cocody en 2011. Mais ni ce dernier, ni Soro n’en sortiront politiquement indemnes. Et, dans le rôle de Ponce Pilate que chacun d’eux voudra jouer, c’est Guillaume Soro qui sera le plus mal à l’aise, car cité pour ne pas dire épinglé dans de nombreux coups tordus alors qu’il est désormais à découvert et à portée de tir de la machine judiciaire contrôlée par son ancien partenaire, aujourd’hui son ennemi juré. Alassane Ouattara qui est, quoi qu’on dise, un excellent scénariste politique, a pris tout son temps pour faire le vide autour de Guillaume Soro avant de lui mettre le bâton de la Justice dans les roues, en attendant de lui asséner le coup fatal de la prison. Le combat que l’ancien chef rebelle livre aujourd’hui à partir de l’Europe, ressemble plutôt à un baroud d’honneur car, à moins d’un improbable cataclysme, on ne voit pas comment celui qui n’a plus d’influence ni au sein de l’Administration, ni au sein de l’Armée, pourra arrêter ou même ralentir sa descente aux enfers, surtout qu’il a en face de lui un chef d’Etat dont on dit qu’il est très réfractaire à la contradiction. A vrai dire, la messe est dite pour le clan Soro qui ne pourra pas non plus compter sur les autres partis pour se remettre en selle pour 2020 en tout cas, car, quasiment tous ont été dynamités de l’intérieur par la coalition au pouvoir qui fera tout pour remporter la prochaine présidentielle sans coup férir.  C’est certainement conscient de sa force ou de la faiblesse de ses adversaires qu’Alassane Ouattara a affirmé, d’un ton péremptoire, qu’il n’y aura plus de transition politique en Côte d’Ivoire.  Pour autant, il devra continuer à ouvrir l’œil et surtout le bon, car le danger pour son régime pourrait ne pas venir directement d’un Guillaume Soro qui a perdu du poids au propre comme au figuré, ou d’un Henri Konan Bédié aujourd’hui dans le doute, encore moins d’un Laurent Gbagbo toujours dans les mailles de Fatou Bensouda, mais plutôt du contexte sécuritaire sous-régional, notamment avec les attaques terroristes presque quotidiennes chez ses voisins du Nord. L’alerte a d’ailleurs été donnée par la France qui a classé une partie du septentrion ivoirien comme zone interdite ou déconseillée à ses ressortissants, en raison des risques élevés d’attentats ou d’enlèvements. Cela signifie que la menace se rapproche de plus en plus du pays, et une éventuelle infiltration de groupes terroristes en Côte d’Ivoire, combinée au climat politique interne délétère et aux frustrations diverses, pourrait créer des problèmes insolubles à la coalition au pouvoir et redonner du grain à moudre à l’enfant banni qu’est Guillaume Soro qui tire de plus en plus à boulets rouges et à bout portant sur Alassane Ouattara qu’il qualifie d’ « autocrate et de dictateur ».

Hamadou GADIAGA


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