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ANNULATION DE LA CONVOCATION DE L’IMAM DICKO AU MALI


Convoqué par la Justice après une sortie musclée dans laquelle il a été très critique vis-à-vis du pouvoir malien, l’imam Mahmoud Dicko, ne s’est pas présenté devant le procureur. Et pour cause : ses partisans fortement massés devant le tribunal de la commune V de Bamako, et scandant les éloges de leur mentor, se sont dressés contre cette convocation qui a finalement fait pschitt ! A-t-elle été reportée sine die ou purement et simplement été annulée ? Certaines sources laissent entendre que des membres de l’Exécutif malien se seraient rendus au domicile de l’imam avant l’heure de l’audition, pour lui annoncer l’annulation de la convocation. Mieux, un parmi eux, lui aurait même présenté ses excuses. Si une telle information était confirmée, ce serait extrêmement grave pour l’image de l’Exécutif malien ; et cela équivaudrait à dire que la République ne s’est pas gênée de se déculotter devant un guide religieux et pas n’importe lequel. La République a-t-elle tremblé devant ce promoteur de courant wahhabite élu parmi les personnages les plus influents du continent en 2019 ? C’est le moins que l’on puisse penser. En tous les cas, on imagine l’état d’esprit actuel de l’ancien président du Haut conseil islamique du Mali, qui devrait, à juste titre, se sentir pousser des ailes ; lui qui, du reste, a été porté en triomphe par ses nombreux partisans quand il est allé les remercier pour ce soutien, devant le tribunal. Rien de surprenant donc que, ragaillardi, il ait décidé de prendre la tête d’une grande marche prévue pour demain, à Bamako, lors de laquelle, une fois de plus, il ne serait pas tendre avec le régime de Bamako, si la manifestation venait à être autorisée. Quid du contenu du discours de rentrée politique de cet homme qui vient de descendre dans l’arène politique, qui lui a valu d’être convoqué par le procureur qui voulait l’entendre sur des propos tenus lors de l’événement ?

L’autorité de l’Etat se voit ainsi bafouée, et la Justice en sort affaiblie

Pour le moins, l’on sait qu’il a dénoncé la « mauvaise gouvernance », et réclamé le départ du président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) à qui il reproche son «échec politique, économique, militaire et social ». A priori, rien à voir donc avec un discours rigoriste sur fond de radicalisme religieux et c’est tant mieux. Certes, en tant que citoyen, personne ne peut dénier au parrain de la Coordination de sympathisants (Cmas), le droit d’avoir des opinions et de les exprimer. Certes, il n’est pas interdit à tout citoyen malien de nourrir des ambitions politiques. Mais son statut de guide religieux est-il conciliable avec de telles ambitions ? Assurément, l’on peut s’interroger sur l’opportunité, pour ce faiseur d’opinion, de s’engager en politique avec toutes les conséquences que cela peut engendrer, à l’image de ce qu’il est déjà donné de constater sur le terrain. Un imam doit-il faire de la politique ? Question à mille tiroirs. En tous les cas, que Mahmoud Dicko apparaisse comme un justiciable pas comme les autres, du fait de sa position religieuse, ce n’est pas normal dans une République digne de ce nom. Si la volonté de la Justice, est de l’entendre, il a obligation de s’y soumettre. Que lui coûtait-il d’ailleurs, de répondre à ladite convocation, tout en calmant ses ouilles à son arrivée au tribunal ? Ç’aurait été un acte d’élégance, qui aurait même été fort apprécié par le procureur. Or, là, le mal est déjà fait : l’autorité de l’Etat se voit ainsi bafouée, et la Justice en sort affaiblie. On peut, à ce propos, se demander comment celle-ci réagira suite aux excuses du gouvernement. Elle joue sa crédibilité.  En tout état de cause, l’Etat malien aurait tort de se laisser faire au risque de se voir davantage humilié. Car, sur sa lancée actuelle, rien ne dit que l’imam ne se prendra pas la tête au point de ne plus se fixer de limites. N’est-ce pas d’ailleurs lui qui a fixé un ultimatum au gouvernement malien notamment, pour trouver une solution aux problèmes du pays avant demain, vendredi, tout en avertissant que passé ce délai, le peuple prendrait « son destin en main » ? C’est dire s’il y a lieu de craindre des dérapages. Peut-être n’en serait-on pas là si l’Etat se montrait ferme dès le départ. L’imam n’est pas à ses premières sorties et l’annonce de son entrée en politique, pourrait avoir suscité bien des appréhensions. S’il semble dans une logique de défiance de l’autorité de l’Etat, sous le couvert de la religion, c’est qu’il a trouvé en face des répondants qui n’ont jusque-là pas été en mesure de lui remonter les bretelles quand il le fallait. Il le faut pourtant, au risque que demain, ce ne soit trop tard.

« Le Pays »


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