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ATTENTAT TERRORISTE DE OUAGADOUGOU : Deux mois après, les dispositifs sécuritaires ont changé dans les hôtels


MAQUETTE JPZ 24/01/2012Les attentats terroristes de Ouagadougou  ont créé chez bien des Burkinabè le réflexe sécuritaire, tant le drame du 15 janvier 2016 continue de susciter beaucoup d’interrogations. Le Burkina se savait menacé, mais nul n’a vu venir les terroristes. « Même la grande France a connu ses jours sombres en matière d’attaques terroristes ». Le pays des Hommes intègres aurait-il pu échapper à la furie terroriste ? Bref, nous avons voulu constater sur le terrain comment les gens s’organisent pour assurer la sécurité dans les services et lieux publics de grande attraction.  Quels nouveaux dispositifs de sécurité observe-t-on dans les hôtels, banques et restaurants de la place à Ouagadougou ?  Qu’est-ce qui a changé dans l’agenda de la police des hôtels, plus de deux mois après le drame survenu sur l’avenue Kwame N’krumah ? Nous avons rencontré certains promoteurs et responsables d’hôtels pour en savoir davantage, du 2 au 15 février 2016.

 

Ce 3 février 2016, il est 9 heures passées d’une dizaine de minutes quand nous arrivons à l’hôtel Laïco à Ouaga 2000. Devant l’entrée de cet hôtel VIP très connu de tous, 4 à 5 policiers veillent au grain. Quiconque veut accéder au perron de l’hôtel s’identifie à leur niveau. Des barrières de protection dans la cour  sont visibles. Lorsque vous arrivez à la porte d’entrée de l’hôtel, deux vigiles se chargent du filtrage des clients. Il faut se débarrasser de tout métal sur soi et passer sous le scanner avant d’entrer à l’hôtel. « Un hôtel de haut standing comme celui-là a forcément un dispositif de sécurité très renforcé dans son aspect visible comme invisible », confie un habitué des lieux. Non loin de l’hôtel Laïco, trône l’hôtel Palace à la fin de l’avenue France-Afrique. La grille de protection retient l’attention du visiteur et des passants. Mais à la porte d’entrée de ce grand établissement hôtelier, ce sont des vigiles qui font le pied de grue avec des détecteurs de métaux en main. Après les fouilles, les portes vitrées de l’hôtel s’ouvrent à nous et les services d’accueil nous orientent vers le directeur d’exploitation de l’hôtel, Issoufou Ouattara. Il confie de prime abord qu’une grande partie des clients de l’hôtel est partie suite aux attaques terroristes intervenues à une période dite de relance hôtelière. En plus des vies humaines fauchées, des édifices et des matériels de production ont été détruits et l’image du pays a pris un sérieux coup, le tourisme avec, se désole-t-il. « La plus grande atteinte à l’image du pays est l’insécurité qui lui est désormais collée ». Cette conviction d’un homme des milieux d’affaires est partagée en d’autres termes par une dame rencontrée plus tôt devant l’hôtel, l’air agacée, se demandant si les nouvelles dispositions sécuritaires prises çà et là suffiront à ramener rapidement la quiétude chez les acteurs économiques, la stabilité et créer la relance économique attendue de tous. La deuxième partie du mois de janvier est considérée comme la phase de relance des activités hôtelières de l’année nouvelle, selon le directeur d’exploitation de Palace Hôtel. Des clients y étaient en séjour, des réservations  étaient en vue et les chiffres d’affaires étaient importants. L’attaque terroriste  a tout compromis à ce niveau, déplore-t-il. « L’insécurité est l’ennemi du tourisme », ajoute-t-il. Issoufou Ouattara annonce que des dispositifs nouveaux de sécurité sont en train d’être mis en place à l’hôtel. « Depuis un certain temps, nous avons rendu visible notre dispositif de grille de protection de l’espace extérieur de l’hôtel », dit-il. A partir de cette grille, tous ceux qui sont dans l’enceinte de l’hôtel font l’objet de contrôle. La sécurité visible est légère, pour allier qualité d’accueil et sécurité des lieux à l’entrée de l’hôtel, confie le directeur. Pour lui, l’impression de danger que donne une sécurité trop visible sur les lieux ferait fuir d’autres types de clients.

Avec les caméras de vidéo-surveillance,  les images de tous ceux qui entrent à l’hôtel sont enregistrées, au rez-de-chaussée, à la sortie des ascenseurs quand on monte ou descend, indique-t-il. Les clients étaient accueillis à l’entrée principale de l’hôtel. Suite aux attentats de mi-janvier, l’entrée principale est sous vidéo-surveillance. Tout client qui arrive à l’hôtel passe par l’entrée secondaire, le perron où il y a des hôtesses d’accueil et la sécurité. Une autre porte d’entrée est réservée aux  travailleurs de l’hôtel, le pointeau. Chaque travailleur est « pointé » au quotidien, selon les termes du directeur, c’est-à-dire que ses heures d’arrivée et de départ sont notées. Les  agents sont formés pour éviter que des malfrats exploitent leur naïveté pour accéder à l’hôtel par le pointeau et commettre des dégâts, selon Issoufou Ouattara qui précise que le dispositif de vidéo-surveillance a été rendu plus efficace pour permettre à l’hôtel de détecter tout comportement suspect et mettre le client à l’aise afin qu’il se sente chez lui. Malgré tout, les circonstances amènent à fouiller le client, puisqu’en étant chez soi à l’hôtel, « chaque client a un voisin qui peut être un ennemi pour lui », nous fait-il comprendre, sur un ton d’agacement. Les identités des clients, l’objet et la durée de leur séjour sont notés systématiquement dans les fiches d’hôtel. Les registres des clients sont remplis et transmis hebdomadairement à la police des hôtels  qui les exploite en faisant  des croisements d’identité à toute fin utile.  En plus des fiches d’identité, les passeports des clients sont photocopiés et transmis à la police des hôtels ; ce qui permet de détecter les fausses déclarations d’identité, conclut Issoufou Ouattara.

Nous arrivons à l’hôtel Silmandé, situé au bord du barrage de Tanghin, sous un soleil de plomb. Il est 13h moins, des hommes en armes attendent debout sous les arbres. Ces éléments des Forces de sécurité qui assurent la protection du bâtiment nous obligent à nous arrêter.  Le coffre du véhicule est fouillé avant notre accès à l’esplanade de l’hôtel.  Des barrières de protection sont disposées dans la cour de l’hôtel pour empêcher les véhicules d’approcher le bâtiment. Comme à Laïco, nous passons sous le scanner, sous le regard vigilant de deux vigiles. Nous franchissons les portes vitrées magnétiques avant d’être référés à la Directrice commerciale et marketing, Naminata Ouédraogo,  qui nous confie aussitôt que l’hôtel ne communique pas sur son dispositif visible ou invisible de sécurité. « Le Silmandé a quadrillé son site avec un impressionnant dispositif de sécurité », nous soufflera à l’oreille, plus tard, un observateur avisé des questions de sécurisation des hôtels, croisé en cours de chemin.

Direction Pacific Hôtel. Des éléments de la sécurité surveillent les entrées aux côtés des vigiles, à notre arrivée à 13h 15mn. Au niveau de cet hôtel, si le dispositif de sécurité diffère, à tout point de vue, de celui de Silmandé et de Palace Hotel, il n’est pas moins protecteur. Au niveau de cet hôtel, le nombre de vigiles est passé du simple au double, déclare Pierre Zoungrana, son Président directeur général (PDG). La présence des éléments des Forces de sécurité est indicative des nouvelles mesures sécuritaires prises par l’hôtel. A l’entrée, le scanner, récemment acquis, est utilisé par les vigiles pour fouiller les visiteurs et leurs sacs. A l’intérieur, des agents veillent scrupuleusement sur les mouvements des gens. A leur arrivée à l’hôtel, les clients sont identifiés à travers la fiche d’hôtel et enregistrés, leurs passeports scannés et le tout transmis à la police des hôtels au jour le jour, selon le PDG. Des videurs veillent au grain à l’hôtel pour faire partir tout badaud qui rôde autour de l’hôtel sans raison valable, confie-t-il. Les caméras de surveillance de Pacific Hôtel qui avaient été bousillées en 2011 lors des mutineries  ont été remplacées et fonctionnent bien, selon le PDG, et contribuent au dispositif de sécurité de l’hôtel. Par ailleurs président de l’association patronale des hôteliers et restaurateurs du Burkina, il estime que la tragédie du 15 janvier 2016 continue d’alimenter les craintes des hôteliers.

Sur les questions de sécurité, nous nous sommes rendu au siège de la BICIA-B, de Coris Banque International et de la BOA qui n’ont pas souhaité communiquer sur le sujet. Ces banques nous ont référé à l’APBEF (Association des professionnels de Banque et Etablissements financiers), avec laquelle nous n’avons pu avoir des échanges. Néanmoins, dans chacune des banques où nous avons été reçu, le dispositif sécuritaire visible ressemble à celui de certains hôtels. Vigiles munis de détecteurs de métaux à l’entrée pour fouiller les clients, passage forcé sous le scanner là où il existe, présence des éléments des Forces de sécurité à l’intérieur des banques.

 

L’Association patronale débriefée par le ministre Simon Compaoré

 

Après ces attaques, le ministre de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité intérieure, Simon Compaoré, a rencontré l’Association patronale des hôteliers et des directives lui ont été données sur les mesures sécuritaires au niveau de chaque hôtel ou restaurant. « Avant, nous avions une autre perception de la sécurité. On n’aimait pas les fouilles ou la présence de la police dans les hôtels ; des clients s’en plaignaient. Mais actuellement, c’est une nécessité absolue et les clients réclament même les contrôles de police en plus des fouilles des vigiles », relève M. Zoungrana qui estime par ailleurs, que le matériel de sécurité pour les hôtels coûte extrêmement cher. « L’attaque terroriste a fait chuter les taux d’occupation des chambres d’hôtels. Les clients sont rares et pendant ce temps, il faut s’équiper en matériels de sécurité », nuance-t-il. Il demande aux autorités de subventionner l’achat de certains matériels de sécurité  ou de les exonérer des taxes douanières à l’importation, pour permettre aux hôtels d’acquérir plus facilement du matériel pour renforcer leur dispositif de sécurité. Il ajoute cependant qu’« il faut des actions fortes pour que les touristes reviennent. Ce n’est pas seulement au niveau des hôtels, il y a l’Etat surtout ». Parmi ces mesures, il propose par exemple, l’organisation de grands séminaires sur la sécurité dans le but de  rassurer le monde entier que le Burkina Faso est une destination sûre pour les touristes et les voyageurs étrangers notamment. Des hôtels sans agrément existent, selon  le président Pierre Zoungrana. Il plaide pour un allègement des procédures pour faciliter l’enregistrement des hôtels en situation irrégulière, leur reconnaissance afin qu’ils puissent exercer légalement et payer aussi bien les taxes. Il a indiqué que les plans des hôtels ainsi que leurs plans d’évacuation sont transmis aux services habilités pour des interventions en cas d’incendie ou d’autres problèmes. « Si ces plans ne sont pas connus des autorités dans le cas d’un hôtel, c’est qu’il est en situation irrégulière », relève-t-il.

 

 Restaurants à la sécurité adaptée

 

Beaucoup de restaurants n’ont pas souhaité s’exprimer sur la sécurité, mais à l’entrée de chacun d’eux, on aperçoit au moins un vigile,  muni d’un bâton ou d’un détecteur de métaux pour filtrer les entrées dans les restaurants. « Je ne crois pas que les restaurants soient une cible des terroristes, ils visent à mon avis les grands hôtels fréquentés par les Blancs. Le Cappucino a été visé à cause des Blancs qui le fréquentent beaucoup », confie un chef cuisinier d’un restaurant qui n’a pas souhaité parler sécurité chez lui.  Terra Nostra,  le Tinkisso, le Club Belko, « Chez ping » sont certains des restaurants où nous sommes passés. Devant chacun de ces restaurants, un vigile au moins assure la sécurité. Le scanner n’y est pas beaucoup utilisé. Un vigile fait le pied de grue devant le restaurant Club Belko, plus fréquenté par des Africains, d’après le responsable du restaurant, Antoine Zougmoré. Il estime que pour des restaurants d’un certain standing, en l’absence de sensibilisation, on risque de chasser les clients en les soumettant au quotidien à des fouilles systématiques. Devant l’Institut de massage RITUELS, non loin du Club Belko, un vigile est positionné à la petite et unique porte d’entrée, muni d’un détecteur de métaux. Ce détecteur de métaux a été récemment acquis à cause des attentats terroristes de mi-janvier 2016, confie Carelle, l’une des employées du centre. A l’aide de cet instrument, le vigile fouille chaque client qui désire entrer  dans le centre de massage. Mais  une porte intérieure vitrée, fermée à clé, sert de miroir pour Carrelle et ses collègues qui observent de l’intérieur les fouilles du vigile et n’ouvrent la porte que lorsque le client fouillé y frappe. Depuis l’attaque du 15 janvier, la grande porte d’entrée de l’institut RITUELS est fermée. Tous les clients passent par la seule porte devant laquelle veillent les vigiles, nuit et jour. Carrelle confie qu’un partenariat lie le centre de massage RITUELS et la police. Et le centre fait appel à la police en cas de nécessité.

Sur les questions de sécurité dans les hôtels, nous avons rencontré le Commissaire Yacouba Kaboré à la Police des hôtels. Les attributions de cette police, ce qu’elle fait dans le cadre de la sécurisation des hôtels sont, entre autres, les points sur lesquels le Commissaire s’est prononcé. (Voir encadré)

 

Lonsani SANOGO

 

 

 

Le Pays : Pouvez-vous nous présenter la police des hôtels ?

 

Commissaire Yacouba  Kaboré : La police des hôtels est un volet des missions de la police qui consiste à faire le suivi des clients à partir de leur identification, leur hébergement et séjour à l’hôtel.

 

Pourquoi les policiers sont-ils toujours habillés en civil à la police des hôtels ?

 

La tenue civile rassure. La police évolue, en tenue et en civil, pour mieux accomplir ses missions. Les agents se confondent aux cibles et partenaires pour faire la prévention qui est notre mission. Avec la tenue civile, les agents de la police des hôtels se conforment mieux à l’environnement du milieu.

 

A quel moment la fiche d’hôtel a-t-elle été instituée ?

 

Depuis juillet 2013, un arrêté conjoint du ministère  en charge de la Culture et du tourisme et celui en charge de la Sécurité a institué une fiche d’hôtel dans laquelle sont mentionnés l’identité du client, son sexe, son âge, sa date d’entrée à l’hôtel, sa provenance, le motif et la durée du séjour.

 

Comment la police des hôtels contrôle-t-elle les clients dans les hôtels ?

 

Des registres reconnus par la police des hôtels sont ouverts au niveau de chaque hôtel où sont enregistrés tous les clients de l’hôtel par jour. Registres et fiches d’hôtel sont quotidiennement acheminés à la police des hôtels pour vérification par les éléments de la Cellule des hôtels en vue de s’assurer que les dispositions légales sont bien appliquées.

 

Les registres existent-ils dans tous les hôtels ?

 

Tous les hôtels que nous connaissons disposent du registre. Logiquement, avec ces dispositions, un client ne devrait pas séjourner dans un hôtel sans être clairement identifié.

 

Avez-vous eu accès au registre de Splendid Hôtel après les attaques du 15 janvier ?

 

C’est une affaire de l’équipe d’enquête qui travaille sur le dossier du terrorisme.

 

Comment arrivez-vous à vérifier la tenue des registres et fiches d’hôtels ?

 

C’est une norme légale qui oblige chaque hôtel à amener régulièrement le registre et les fiches d’hôtels à notre niveau pour être visés. Nous faisons des contrôles inopinés dans les différents hôtels de la place et interpellons ou auditionnons les gérants ou réceptionnistes des hôtels si des clients ne sont pas enregistrés. Parfois, des sanctions sont prises à cet effet. Des clients suspects sont quotidiennement signalés à la police des hôtels par des agents d’hôtels. Dans ce cas, la police des hôtels les auditionne et affecte le dossier à un département habilité, pour suite à donner.

 

Y a-t-il déjà eu une activité qui a réuni policiers et acteurs des hôtels ?

 

En 2013, la police des hôtels a sensibilisé une soixantaine d’établissements touristiques et d’hébergement, avec plus de 500 participants composés de maîtres d’hôtels, personnel de ménage, de sécurité non vigile, sur la prévision sécuritaire à travers la gestion des clients d’hôtels, leur identification à travers fiches et registres d’hôtels.

 

 


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