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BRUITS DE BOTTES EN RCA


Le monde entier avait été témoin, le 6 février 2019, de la signature de l’accord de paix entre les autorités de Bangui et 14 groupes armés. Cela avait suscité beaucoup d’espoirs quant à un retour de la paix et de la stabilité dans ce pays béni par la nature mais malmené depuis l’indépendance par ses fils et filles. Cet événement heureux avait eu lieu à Khartoum, capitale du Soudan. Mais c’était mal connaître la République centrafricaine. En effet, avant que l’accord de paix ait soufflé sa deuxième bougie, voilà que six groupes armés annoncent ne plus se reconnaître dans ledit accord. La dénonciation de l’accord de paix a été signée le 15 décembre dernier à Kamba Koto, une localité du Nord-Ouest du pays. Les signataires invoquent «  l’incapacité » du gouvernement à faire appliquer l’accord de paix. De ce fait, ils menacent de marcher sur Bangui pour se faire entendre. En tout cas, ces groupes armés se disent déterminés à recourir à «  tous les moyens » pour empêcher la tenue du double scrutin du 27 décembre prochain. A moins d’une semaine de ce grand rendez-vous de la démocratie, la bande des six, si l’on peut les appeler ainsi, est en mouvement vers Bangui.

 

 

Il est très facile d’accuser un adversaire politique de complot

 

 

Certains observateurs ont signalé leur présence à moins de 100 kilomètres de la capitale. Pour le pouvoir centrafricain, il s’agit d’un coup d’Etat en gestation. Et Bangui est catégorique et formel sur le nom de l’instigateur. C’est François Bozizé, du nom de l’ancien président chassé du pouvoir par la Séléka en 2013. Le parti de l’accusé, le KNK, est tout aussi catégorique et formel : son mentor n’a rien à voir dans cette tentative de déstabilisation. Au contraire, son parti voit là, une volonté manifeste du président sortant, Faustin Archange Touadéra, de nuire à François Bozizé suite à l’appel de ce dernier, à voter pour son rival, Anicet George Dologuélé, le 27 décembre prochain. Sans se faire l’avocat du diable, cet argumentaire peut tenir la route. Car, 7 ans après sa chute, François Bozizé garde encore sa popularité, surtout dans son fief. Son soutien donc à Dologuelé peut réellement faire mal à Touadéra. De ce point de vue, le président sortant pourrait avoir intérêt à simuler un coup d’Etat et à l’imputer à François Bozizé. « Pour abattre son chien, dit l’adage, il suffit de l’accuser de rage ». Touadéra pourrait simplement avoir traduit en actes ce dicton. En tout cas, il est très facile d’accuser un adversaire politique de complot. Il faut surtout en apporter des preuves irréfutables. Pour autant, il est très risqué de donner la communion sans confession à François Bozizé. Autrement dit, l’on peut se poser la question de savoir si l’accusé François Bozizé est défendable. On peut prendre le risque d’y répondre par la négative et cela, au regard des considérations suivantes : premièrement, depuis que l’homme a été chassé du pouvoir en 2013 par la Séléka, il n’a jamais fait mystère de sa volonté de revenir aux affaires. Et pendant tout le temps qu’il est resté en exil, son ombre n’a pas cessé de planer sur la Centrafrique.

 

 

Le coup d’Etat connaît François Bozizé et vice versa

 

 

Les deux instruments dont il s’est servi pour revenir au devant de la scène sont les Anti-balaka, du nom de cette tristement célèbre milice mise en place par Bozizé, et le KNK, cet autre instrument de sa reconquête du pouvoir. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce parti ne compte pas pour du beurre en Centrafrique. Le deuxième élément justifiant la thèse selon laquelle François Bozizé est indéfendable, c’est que ce dernier, peut-on dire, semble avoir le coup d’Etat dans les gènes. Sous André Kolingba, on l’avait accusé de tentative de putsch. Il avait dû son salut en fuyant le pays. Sous Ange Félix Patassé, il a remis le couvert. Mais cette fois-ci, il avait réussi son coup. Le coup d’Etat connaît François Bozizé et vice versa. François Bozizé, par conséquent, a le profil de l’emploi si fait qu’il n’est pas étonnant qu’il soit accusé de coup d’Etat. La troisième et dernière considération qui peut le motiver à opérer un coup d’Etat, est liée au rejet de sa candidature par la Cour constitutionnelle. Il est fort probable qu’il n’ait pas digéré cette décision. Pour signifier son mécontentement, il peut être tenté de brûler la Centrafrique. Et un homme comme Bozizé, n’aurait aucun scrupule à le faire. D’ailleurs, la Centrafrique a toujours souffert du nanisme politique de ses fils et filles. Et cela dure depuis la disparition tragique de son père fondateur, Barthélemy Boganda. Tous ceux qui lui ont succédé, à l’exception de Catherine Samba Panza et de l’actuel président, étaient d’illustres anti-héros et des soudards. C’est pourquoi la communauté internationale doit ouvrir l’œil et le bon de sorte à empêcher les fils indignes de la RCA d’inscrire à nouveau leur pays, et ce de façon délibérée, à l’article de la mort. A ce sujet, elle doit coûte que coûte permettre au processus électoral de se dérouler jusqu’au bout. Autrement, elle donnerait raison aux groupes armés qui sont en train d’écumer le pays. En tout cas, Fatou Bensouda, la procureure de la CPI (Cour pénale internationale), est interpellée. Car, en RCA, « tous les moyens » sont bons pour parvenir au pouvoir. Et les six groupes armés qui, depuis le jeudi 17 décembre dernier, sont en train de dresser le bûcher contre le pays, sont des clients sérieux. Et si aujourd’hui, François Bozizé peut encore faire mal à son pays, c’est parce que quelque part, il a bénéficié d’une complaisance. En tout cas, on le voyait se pavaner allègrement à Bangui alors qu’il était activement recherché par la Justice internationale.

« Le Pays »


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