HomeFocusCandidature de Bouteflika : à quel jeu joue le FLN?

Candidature de Bouteflika : à quel jeu joue le FLN?


Fin de suspense en Algérie. Abdel Aziz Bouteflika sera, sauf cas de force majeure, dans les starting-blocks pour la conquête d’un quatrième mandat à la tête de l’Etat. C’est ce que son Premier ministre et la présidence algérienne ont porté à la connaissance de l’opinion le 22 février dernier. Le fait que ce ne soit pas le principal intéressé qui a fait cette annonce en rajoute aux supputations et questionnements. Bouteflika est-il seulement capable d’annoncer lui-même sa candidature ? Rien n’est moins sûr. On sait qu’il a été victime d’un accident cardio-vasculaire et que ce genre d’attaque laisse toujours des séquelles.

Bien que diminué par l’âge et la maladie, Bouteflika est candidat à la prochaine présidentielle

La difficulté de parler qu’on lui prête actuellement et son récent séjour à l’hôpital, confortent cette thèse. Il est donc possible que le candidat Bouteflika, aux prises avec la vieillesse et la maladie, soit physiquement incapable d’annoncer lui-même à haute et intelligible voix sa décision -si c’est vraiment la sienne- de briguer un autre mandat. Il se pourrait qu’il soit l’otage consentant ou non de son propre clan. En effet, et comme cela est monnaie courante sous nos tropiques, des chefs d’Etat sont soutenus, voire obligés par leurs proches à rester au pouvoir. Cela, pour que cet entourage puisse perpétuer sa mainmise sur le pays et continuer à jouir de tous les avantages normaux et surtout des privilèges indus qu’ils ont, en toute impunité.

Bien que diminué par l’âge et la maladie, Bouteflika est donc candidat à la prochaine présidentielle. Faut-il en rire ou en pleurer ? La réponse est sans ambages. Il faut en pleurer. Et sérieusement. Cette candidature au forceps, à la limite ridicule, n’honore ni Bouteflika ni l’Algérie. En ce qui concerne Bouteflika, la vieillesse et la maladie sont des arguments suffisants pour le disqualifier. On sait qu’en Tunisie voisine, Bourguiba, pour un peu moins que cela, a été déposé pour sénilité. Peut-être le vieux président algérien rêve-t-il de mourir au pouvoir et de s’assurer des funérailles nationales grandioses ! Ce n’est pas une hypothèse absurde. Mais l’état de santé du chef de l’Etat algérien plaide plutôt en faveur de l’hypothèse selon laquelle il n’est plus maître de lui-même. Ainsi, en réalité, Bouteflika est à plaindre. En se présentant, il sera non seulement un candidat incapable physiquement d’aller à la rencontre de ses électeurs sur le terrain, de convaincre de vive voix ses concitoyens de son projet de société, mais aussi il sera une sorte de président « prête-nom ». Certes, la machine électorale de son parti-Etat se chargera de faire sa campagne. Bien plus par souci de sauver ses propres privilèges que par conviction que Bouteflika est actuellement l’homme du salut de l’Algérie, chacun de ses lieutenants s’investira dans la campagne. Pour ce faire, ces fidèles du chef de l’Etat surferont sur la légitimité historique du Front national de libération (FNL) qui, soit dit en passant, est le parti qui a dirigé l’Algérie depuis une cinquantaine d’années. Tous les moyens licites ou non seront utilisés pour consacrer la réélection de Bouteflika.

L’Algérie a tout à perdre dans cette candidature

Mais cette victoire ne sera pas digne du combattant qu’il est. De plus, il sera, une fois élu, juste un chef d’Etat « symbolique», étant donné que son état de santé ne lui donne pas la lucidité et l’énergie nécessaires pour exercer son mandat dans les règles de l’art. D’autres personnes tireront les ficelles, prendront les décisions à sa place. En d’autres termes, il sera responsable et comptable en chef de décisions dont il n’est pas vraiment l’auteur. Le vrai pouvoir sera aux mains de ses proches qui n’ont pourtant pas été mandatés par le peuple algérien à cet effet ; ce qui sera une vraie arnaque.

C’est dire que l’Algérie a tout à perdre dans cette candidature. Car cette candidature a, entre autres, pour conséquence, de tirer l’image de l’Algérie vers le bas. Considérée comme un pays grand dans tous les sens du terme, l’Algérie fait maintenant pâle figure avec cette candidature de trop. C’est dommage que ce pays tant respecté du temps des leaders comme Ben Bella, Houari Boumedienne, terre d’accueil d’illustres combattants de la liberté comme Stockley Carmichael (Panthères noires), de personnes victimes de menaces et d’exactions dans leur pays, comme Miriam Makeba, et deuxième patrie de célébrités comme Frantz Fanon, en vienne à donner ce triste spectacle, cette image de république bananière. Peut-on dire qu’il n’y a pas dans ce pays un seul individu capable de remplacer valablement Bouteflika ? Ce n’est ni plus ni moins qu’une insulte faite au peuple algérien dans son ensemble. De ce fait, il n’est pas exclu que ce peuple refuse de se laisser conter fleurette et que ce pays, qui a échappé à la lame de fond révolutionnaire appelée printemps arabe, qui a déferlé sur cette partie du continent, ne se retrouve pas à son tour dans l’œil du cyclone. Les proches du président algérien qui tirent les ficelles, qui profitent du mauvais état de santé de Bouteflika pour le mener, et avec lui le pays tout entier, où ils veulent, méritent d’être poursuivis en Justice pour abus de faiblesse. En tout état de cause, des risques de violences pèsent sur ce pays et la démocratie y est sérieusement compromise.

Il faut dire qu’au-delà de l’Algérie, cette candidature de Bouteflika dessert la démocratie et la culture de l’alternance au sommet de l’Etat, sur le continent africain. Certes, et il est important de le préciser, cette candidature de Bouteflika n’est pas illégale en ce sens que Boutef avait auparavant réussi à faire sauter le verrou limitatif du nombre de mandats présidentiels dans la Constitution algérienne. Mais elle est de nature à inspirer et à encourager bien des dictateurs au Sud du Sahara, pourfendeurs de l’alternance et adeptes du pouvoir à vie. Il est vraiment déplorable que la vie et l’avenir d’un pays soient suspendus à la volonté réelle ou orchestrée d’un seul individu, héros national fût-il. Pire, ce drame se joue dans le silence de la communauté internationale, surtout de la France et des Etats-Unis, soi-disant grands défenseurs de la démocratie. La communauté internationale serait bien inspirée de sortir de ce silence coupable. Ne dit-on pas que « mieux vaut prévenir que guérir » ?

« Le Pays »


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