CONGO BRAZZAVILLE : Que peut l’opposition face à Sassou ?
L’opposition pourra-t-elle faire barrage à Denis Sassou Nguesso ? Question à mille inconnues, tant les dictateurs, sous nos tropiques, excellent dans les ruses et les roueries politiques. En effet, en réaction au dialogue national initié par le président Sassou en vue d’un reférendum sur la modification de la Constitution, l’opposition a décidé d’organiser, hier 26 juillet 2015, un contre-dialogue dit alternatif pour dénoncer une « patrimonialisation du pouvoir » à Brazzaville. Selon le chef de file de l’opposition congolaise, Mathias Dzon, le passage à une nouvelle République, tel que le préconise le dialogue de Sibiti, implique inévitablement la démission du chef de l’Etat ; ce qui suppose l’élection d’un « nouveau président qui viendra proposer aux Congolais une nouvelle politique ». En fait, à Brazzaville comme à Bujumbura, la volonté des princes régnants de s’accrocher ad vitam aeternam au pouvoir divise leur peuple, avec d’un côté les militants et inconditionnels du parti majoritaire, et de l’autre les démocrates qui ruent dans les brancards. Et à l’allure où vont les choses, il y a fort à parier que si rien n’est fait, le Congo Brazzaville (touchons du bois), à l’instar du Burundi, deviendra une nécropole à ciel ouvert. Car on ne le sait que trop bien , personne ne fera reculer le timonier Sassou qui, après 32 ans de règne, souhaite rebeloter, comme si, au Congo, il n’existe pas d’autres compétences en dehors de lui. Et comme si le cimetière n’était pas plein de gens indispensables. C’est pourquoi, à l’image de l’ex-président burkinabè, il fait feu de tout bois pour modifier la Constitution afin non seulement de sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats présidentiels, mais aussi et surtout revoir l’article 57 qui limite à 70 ans l’âge maximal de tout candidat à la magistrature suprême. C’est dire que si Sassou Nguesso venait à réussir son coup, c’en serait fini pour la démocratie dans les Grands lacs, une région déjà instable du fait de l’incurie de ses dirigeants.
La démocratie est un combat permanent
Du reste, hormis Denis Sassou Nguesso, Pierre Nkurunziza et Paul Kagamé qui ont tombé le masque, ils sont encore nombreux dans les starting-blocks, qui n’attendent que le moment venu pour aller au casse-pipe contre leurs Constitutions respectives. Il s’agit là, pour ne pas les nommer, de Paul Biya du Cameroun, de Joseph Kabila de la RDC, de Yoweri Museveni de l’Ouganda, etc. Le dernier exemple cité illustre, à lui seul, toute l’hypocrisie des Occidentaux et montre à quel point ceux-ci, au nom de leurs intérêts, sont prêts à fermer les yeux sur certaines dérives de nos dirigeants. Car, faut-il le rappeler, si Museveni dirige d’une main de fer son pays depuis des décennies, c’est grâce au soutien des Américains. Il en est de même pour le Congo Brazzaville où le président François Hollande donne l’impression de faire dans le diplomatiquement correct, pour éviter de provoquer l’ire du maître de Brazzaville dont le pays regorge d’ énormes ressources naturelles qui suscitent la concupiscence des Occidentaux. C’est pourquoi il faudra bien qu’un jour, on intente un procès contre les puissances occidentales qui, en vérité, sont celles-là mêmes qui fabriquent et entretiennent les dictatures en Afrique. Et ce combat, les sociétés civiles africaines doivent se l’approprier pour que cessent enfin ces immixtions intéressées dans la gestion du pouvoir en Afrique. Certes, le chemin est encore long, mais comme le dit un adage, « tout voyage, même le plus long, commence toujours par un pas. » Le jeu en vaut donc la chandelle, étant donné que la quête de la démocratie est un combat permanent.
Boundi OUOBA