HomePot-pourriCrise à Ouo : une mission du CDP jette les bases de la réconciliation

Crise à Ouo : une mission du CDP jette les bases de la réconciliation


Le 21 février 2014, le député Lorcendy Traoré du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) a conduit une mission dudit parti dans la commune rurale de Ouo située à 125 kilomètres de Banfora. Objectif de cette sortie : jeter les bases d’une réconciliation sincère entre les communautés qui cohabitent dans cette localité.

Interpellé sur la crise qui sévit dans la commune rurale de Ouo et qui oppose la communauté moaga aux autochtones, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) y a dépêché une mission composée des députés Lorcendy Traoré et Léonce Koné, des membres du bureau politique national que sont Youssouf Rouamba, Mathias Somé, Michel Sawadogo. Lorcendy Traoré qui conduisait la mission a indiqué qu’elle avait pour objet de résoudre cette crise qui, on se rappelle, sévit à Ouo depuis la période électorale de décembre 2012. Elle a atteint son paroxysme courant décembre 2013 avec la destruction musclée de la boutique d’un halogène du nom de Niampa Hamadé. Au début du mois de février 2014, la communauté dont est issu ce commerçant avait organisé une marche de protestation à travers les artères de Ouo pour dire non aux traitements injustes et aux actes posés à son endroit qu’elle qualifie de d’ethnicistes.

C’est dans la salle des cérémonies de la mairie que la mission a rencontré les différents protagonistes de la crise. D’une part, il y avait les autochtones mobilisés en grand nombre. Le chef du village, les notables, l’imam et les ressortissants du village à Bobo et à Banfora faisaient partie. D’autre part, on avait les représentants de la communauté moaga avec à leur tête, le chef Salam Diallo et son conseiller Barry Abdoulaye. Niampa Hamadé, le propriétaire de la boutique détruite et conseiller municipal élu à Ouo sous la bannière de l’ADF/RDA, était également dans la salle tout comme d’autres jeunes de sa communauté venus témoigner sur l’affaire. Tour à tour, chaque partie a pris la parole pour faire la genèse de la crise, montrer les torts du camp adverse et citer les exactions qu’elle subit de la part de l’autre. Du côté des halogènes, Abdoulaye Barry a indiqué que depuis l’arrivée de Béma Coulibaly à la tête de la commune, les membres de sa communauté sont victimes d’exactions jamais connues depuis qu’ils sont installés à Ouo. A l’entendre, une certaine xénophobie est née depuis décembre 2012 et se manifeste à travers le refus du maire Coulibaly de travailler avec les conseillers de l’ADF/RDA et les manœuvres de retrait de champs aux membres de sa communauté élus conseillers municipaux. Et comme si cela ne suffisait pas, fait-il savoir, « voilà qu’en décembre 2013, on a assisté impuissant à la destruction de la boutique de notre frère Hamadé Niampa ». Selon le vieux Barry, ces pratiques aux antipodes de la démocratie et du développement ne sont vécues nulle part ailleurs au Burkina. Pour les autochtones, la crise qui secoue Ouo est consécutive à l’établissement des listes pour les élections municipales de décembre 2012. Selon le maire Béma Coulibaly qui est intervenu en premier lieu en leur nom, les listes de l’ADF/RDA ne portaient le nom d’aucun natif de Ouo. Ce qui laissait penser à une affaire d’ethnie et les a quelque peu inquiétés. « Nous les avons approchés pour les inviter à revoir cela mais rien n’y fit. Même les responsables de leur parti avec qui nous avons pris langue à Banfora n’ont rien fait », a indiqué le maire. Selon lui, c’est cette obstination qui a amené les propriétaires terriens de certains villages à retirer les champs qu’ils avaient donnés à des mossé. Cela au motif que si c’est le commandement qui les intéresse plus que la subsistance au point qu’ils ne veulent pas d’autochtones sur leur liste, ils n’ont qu’à se faire élire conseillers municipaux et vivre de la politique. Mais qu’à cela ne tienne, a poursuivi Béma Coulibaly, « nous sommes allés aux élections et ils ont eu 17 conseillers. Vu leur nombre au Conseil municipal, nous leur avons confié la présidence de la commission Affaire générale et institutionnelle malgré l’opposition de nos vieux ». Mais pour la destruction de la boutique qui semble être la goutte d’eau qui a fait débordé le vase, Béma Coulibaly a indiqué que l’espace de Hamadé Niampa qui lui avait été provisoirement attribué devait, sur décision du Conseil municipal, abriter des boutiques de rues que la mairie a acquises auprès du Fonds de développement des collectivités territoriales. Malgré plusieurs injonctions et délais, Hamadé Niampa refusait de déguerpir. Toute chose qui semblait jouer sur l’autorité du maire vis-à-vis des administrés. C’est pourquoi, explique-t-il, « nous avons procédé à la destruction de sa boutique ». A ce niveau, le chef de la communauté moaga déplore sa non-implication. Selon lui, Hamadé Niampa aurait déguerpi sine die si toutefois le maire l’avait saisi de l’affaire. C’est malheureux, a-t-il dit, puisque le mal est déjà fait. Et même sans avoir été officiellement saisi, le chef des halogènes dit avoir envoyé un émissaire dire aux jeunes qui s’apprêtaient à détruire la boutique d’accorder un nouveau délai à monsieur Niampa qu’il avait réquisitionné pour l’assister. « Je venais de rentrer du pèlerinage à la Mecque, et comme je ne pouvais pas sortir, j’ai demandé à Niampa de rester auprès de moi pour certains besoins. C’est peut-être pour toutes ces raisons qu’il ne s’était pas encore exécuté, a fait savoir Salam Diallo. Mais malheureusement, je n’ai pas été écouté et les jeunes ont détruit la boutique », a-t-il conclu l’air visiblement désemparé.

Pour Lorcendy Traoré, cette crise est due à un déficit de communication et doit être rapidement jugulée afin d’éviter ce que certains peuples ont vécu sous d’autres cieux. Après plus de deux heures d’échanges, il s’est dit confiant que les différentes communautés pourront s’asseoir autour d’une même table et ramener la sérénité d’avant. Aussi a-t-il mis en place une cellule composée de l’ancien maire, Souleymane Ouattara, de l’actuel Béma Coulibaly, du chef du village, du chef des mossé et de l’imam, chargée de poser les bases d’une résolution de cette crise avant la rencontre que le parti souhaite avec les protagonistes. Selon le chef de la mission, si les habitants de Ouo, halogènes comme autochtones, ont du respect et de la considération pour ces cinq personnalités, la crise devrait prendre fin à travers leur mission.

Propos d’acteurs

Béma Coulibaly, maire de Ouo

« C’est une mission lourde mais réalisable. Je suis même la première personne à écrire à l’administration pour demander l’implication de personnes ressources extérieures pour la gestion de cette crise. Dans l’immédiat, nous allons convoquer les représentants des différentes communautés en commençant par celle des mossés. Nous allons nous concerter et les conclusions auxquelles nous allons parvenir nous permettrons d’aller à la grande réunion que nous souhaitons avec le haut-commissaire ».

Diallo Salam, chef de la communauté moaga

« Pour ma part, je pense qu’une concertation entre les acteurs locaux de la crise à Ouo est nécessaire. Elle nous permettra de nous comprendre, de faire les concessions qu’il faut. D’ores et déjà, je donne l’assurance que, de notre côté, les gens sont prêts pour la réconciliation. Seulement, il y a eu destruction de biens privés et nous souhaitons une réparation de ce préjudice et je crois que cela, ajouté à la restitution des champs, sont suffisants pour mettre fin à cette crise qui n’a que trop duré».

Mamoudou TRAORE

Légende
1 – Les membres de la mission avec Lorcendy Traoré, 3e à partir de la gauche (Ph. M. Traoré)

2 – Les protagonistes de la crise se sont retrouvés dans la salle des cérémonies de la mairie (Ph. M. Traoré)

3 – Avant de quitter Ouo, Lorcendy Traoré a mis en place une cellule de réflexion chargée de trouver des solutions à la crise (Ph. M. Traoré)

4 – Salam Diallo (Ph. M. Traoré)

5 – Le maire Béma Coulibaly (Ph. M. Traoré)


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