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DECES D’ATT


Le Général Amadou Toumani Touré, plus connu sous l’acronyme ATT, a passé l’arme à gauche. En effet, l’ancien chef d’Etat malien qui avait été évacué en Turquie pour des raisons sanitaires, après une opération du cœur à Bamako, est décédé dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 novembre 2020, à l’âge de 72 ans. En un peu moins de deux mois, les Maliens déplorent la disparition de deux de leurs illustres fils qui ont, chacun, présidé, à un moment donné de l’histoire, à leur destinée. L’on se souvient, en effet, que le 15 septembre dernier, le président Moussa Traoré dont la chute correspond à l’entrée en scène  d’Amadou Toumani Touré, avait, lui aussi, rendu l’âme. La disparition de ces deux hommes que le destin a opposés en mars 1991, intervient au moment où le Mali avait le plus besoin de leurs expériences aux commandes de l’Etat pour  traverser la zone de turbulences créée par le putsch militaire du 18 août 2020. Le pays est, en effet, depuis lors, engagé dans une Transition qui n’en finit pas de soulever des tempêtes de sable dans le désert malien.

 

ATT reste dans la mémoire collective malienne, un homme de consensus

 

Avant de revenir sur cette Transition dont la légitimité populaire commence à prendre du plomb dans l’aile avec les critiques acerbes de la société civile malienne,  il convient de saluer, à sa juste valeur, la mémoire du Général Amadou Toumani Touré dont le passage à la tête de l’Etat, avait ouvert, pour le Mali, une nouvelle ère de prospérité à la fois politique, économique et socio-culturelle. Considéré comme le père de la démocratie moderne au Mali pour avoir mis fin à la sanglante répression des manifestations démocratiques consécutives au discours de La Baule par le Général Moussa Traoré et organisé des législatives et présidentielle transparentes à l’issue desquelles, il a remis le pouvoir au nouveau président élu,  Alpha Oumar Konaré, celui que l’on a surnommé « le soldat de la démocratie » s’est aussi illustré par l’embellie économique à 7 % de croissance qu’il a réalisée quand il est revenu démocratiquement  aux affaires en mai 2002. Sur le plan social et culturel, l’ère ATT aura été caractérisée par la création de nombreux emplois pour les jeunes et un soutien marqué aux initiatives culturelles et sportives. Pour l’ensemble de cette  œuvre, ATT reste dans la mémoire collective malienne, un homme de consensus, en dépit de la fin chaotique de son règne en 2012. 2012, en effet, aura marqué la fin de cet essor du « Mali-Ba » en raison de l’apparition, dans le ciel du septentrion malien, de gros orages, en l’occurrence les  menaces indépendantistes et djihadistes dont la gestion par ATT, n’a pas été du goût de certains de ses frères d’armes avec à leur tête un certain Amadou Haya Sanogo. Chassé du pouvoir et contraint à l’exil à Dakar suite au coup d’Etat de 2012 qui, au lieu de stopper l’avancée des mouvements rebelles et islamistes, a, au contraire, précipité la déroute de l’armée, l’homme n’avait finalement pu rejoindre la mère-patrie qu’en décembre 2019. Considéré comme un héros par certains,  pour avoir perçu clairement les faiblesses de son armée et opté pour la négociation pour sauver son pays, il est présenté par  d’autres  comme un général félon qui a abandonné le Mali aux mains des ennemis de la Nation.

 

Les Maliens apprennent dans la douleur, qu’il n’y a pas de bon coup d’Etat

 

Mais que l’on se situe du côté des laudateurs ou des  détracteurs du général ATT, on doit reconnaître que son parcours devrait inspirer au moment où  sa dépouille va bientôt retourner à la terre malienne qu’il a servie. Sa vie est faite de hauts et de bas comme tout autre vie, surtout politique, où comme l’a chanté l’artiste, l’on crie « vive le général » pour aussitôt dire  après « à bas le général ». La leçon que l’on devrait en tirer est qu’il faut savoir parfois quitter les choses avant que celles-ci ne nous abandonnent. Et cette leçon vaut particulièrement pour la junte militaire au Mali, qui a usé de subterfuges pour conserver l’essentiel du pouvoir de la Transition mais qui se retrouve sous les feux des critiques. En effet, composé d’intellectuels, d’hommes d’affaires et de membres de la société civile, le GRAIN (Groupe de réflexion, d’analyses et d’initiatives novatrices), l’un des groupes les plus crédibles au Mali, a rendu publique une lettre ouverte qui met à nu les tares de la gouvernance de la Transition au Mali. Le groupe dénonce, entre autres,  la trop grande présence des militaires sur la scène. « Aujourd’hui, nous avons une transition dite civile mais qui n’est vraiment pas civile puisque presque 70 % des postes sont occupés par des militaires ou des proches de militaires », explique l’un des membres fondateurs du GRAIN. Certains dysfonctionnements comme la non-mise en place de l’organe législatif de la transition, le Conseil national de Transition (CNT), la non-déclaration des biens des autorités de la Transition et la fronde sociale persistante, sont aussi pointés du doigt. Et voilà qui vient aujourd’hui donner raison à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest  (CEDEAO) qui avait  perçu très tôt le danger. Les Maliens apprennent ainsi, dans la douleur, qu’il n’y a pas de bon coup d’Etat. Mais Assimi Goïta et ses compagnons devraient aussi savoir que s’ils persistent sur cette lancée, ils n’échapperont pas au destin commun de leurs frères d’armes entrés en politique par effraction.

 

« Le Pays »

 

 


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