DISPARITION DE L’ANCIEN PATRON DU PARTI AU POUVOIR BURUNDAIS : Evasion réelle ou supposée ?
Condamné en 2008 à 13 ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat, l’ancien homme fort du parti au pouvoir burundais, Hussein Radjabu, a réussi, avec trois co-détenus, à s’évader de prison, dans la nuit du 1er au 2 mars dernier. Une évasion qui suscite bien des interrogations, pour la simple raison que cela se passe dans un contexte agité où le président actuel, Pierre Nkurunziza, traverse une période difficile. En effet, il fait face à une véritable levée de boucliers d’une grande partie de la population, depuis qu’il a affiché son intention de se représenter pour la troisième fois à la présidentielle. C’est dans ce contexte difficile qu’intervient l’évasion réelle ou supposée de l’ancien président du parti au pouvoir, à la surprise générale. Cette évasion est une équation à plusieurs inconnues, car il n’est pas exclu que ce soit une évasion organisée par le pouvoir de Pierre Nkurunziza. Se sentant très acculé par les vagues de contestations sociales, il pourrait avoir enlevé le prisonnier pour l’éliminer physiquement, comme le redoute du reste son avocat. En tout cas, on ne comprend pas que ce prisonnier qui a passé déjà 8 ans en prison, puisse courir le risque de s’évader, alors qu’il sait fort bien que cela pourrait lui être fatal.
La deuxième hypothèse, la moins plausible, c’est que les évadés pourraient avoir bénéficié de complicités au sein de la prison. De toute évidence, cette évasion suscite beaucoup d’interrogations, quand on sait que dans les républiques gondwanaises, les pouvoirs mettent généralement tout en œuvre pour rendre impossible l’évasion de tout prisonnier politique de l’envergure de Hussein Radjabu.
Le chef de l’Etat burundais est aujourd’hui dans une très mauvaise posture
C’est généralement dans des forteresses hautement sécurisées qu’ils sont jetés. En tout cas, on en vient à se demander s’il n’y a pas de lien de causalité entre cette évasion et la grande marche qui a eu lieu deux semaines auparavant, suite à la libération du journaliste Bob Rugurika de la radio publique africaine (RPA).
Toutefois, il n’est pas totalement exclu que cette évasion ait été préparée et actée par l’opposition, aux fins de nuire davantage à l’image du régime en place. En tout cas, le chef de l’Etat burundais est aujourd’hui dans une très mauvaise posture. Toute chose qui devrait l’amener à se montrer plus sage et à mesurer le degré de son impopularité. Pierre Nkurunziza doit renoncer à sa volonté de tripatouiller la Constitution pour se représenter. Il devrait, enfin, faire le constat que la rupture est consommée entre lui et une grande partie du peuple qui aspire au changement. Mais Nkurunziza sera-t-il prêt à écouter son peuple ? Sera-t-il prêt à abandonner ses intérêts personnels pour privilégier l’intérêt supérieur de son peuple ? Rien n’est moins sûr. Quand on sait que depuis son élection, Nkurunziza n’hésite pas à réduire au silence ses opposants les plus gênants et ce, en dépit des différentes mises en garde de la communauté internationale, on peut dire que rien n’arrêtera cet ancien professeur de gym, dans sa volonté de confiscation du pouvoir nonobstant les accords d’Arusha.
Ben ISSA TRAORE