HomeA la uneDISPARITION DE SHIMON PERES : Ce que l’Afrique retient de l’homme

DISPARITION DE SHIMON PERES : Ce que l’Afrique retient de l’homme


 

L’ancien président, Premier ministre et prix Nobel de la paix israélien, Shimon Peres, a tiré sa révérence le 28 septembre dernier à l’âge de 93 ans, suite à un accident vasculo-cérébral accompagné d’une hémorragie interne. Avec la disparition de cet homme à la carrière politique bien remplie, c’est incontestablement l’un des témoins et acteurs privilégiés de l’histoire mouvementée du Proche-Orient et Moyen-Orient qui quitte la scène, laissant presqu’en l’état, l’épineuse question palestinienne qui empoisonne depuis 1948 en la création de l’Etat hébreu, les relations entre Juifs et Arabes, partout dans le monde. Pourtant, depuis les années 90, Shimon Peres cultivait l’image d’un homme modéré et consensuel, et il en a été récompensé de la plus belle des manières avec le prix Nobel de la paix qu’il a conjointement obtenu en 1994, en tant que ministre des Affaires étrangères,  avec l’ancien Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin et le porte-étendard de la cause palestinienne, Yasser Arafat. Certes dans l’exercice de ses fonctions de Premier ministre, Peres a quelques fois soulevé de vives critiques par rapport à sa gestion du conflit israélo-palestinien et des relations électriques avec les pays voisins de la région, notamment quand, en 1996, il ordonna le bombardement de Cana (un village du Sud-Liban), en représailles aux attaques perpétrées dans le Nord d’Israël par le Hesbollah libanais. Le bilan particulièrement horrible (plus d’une centaine de femmes et d’enfants massacrés et des dizaines d’autres affreusement mutilés) de ces frappes aériennes, avait ému le monde entier et coûté son poste de Premier ministre à Shimon Peres, et l’onde de choc avait été ressentie jusqu’en Afrique, notamment dans les pays majoritairement musulmans du continent.

L’annonce de la mort de Shimon Peres n’a pas suscité en Afrique un émoi particulier

L’Afrique retiendra de celui qui fut dix-huit fois ministre et Premier ministre de son pays, l’image d’un homme politique qui a radicalement changé de discours et de méthodes vis-à-vis des Palestiniens considérés sur le continent, comme un peuple opprimé par les Israéliens, puisque celui qui était dans les années 70 l’artisan de la colonisation des territoires palestiniens et du tout répressif vis-à-vis des Arabes, s’est transformé seulement dans les trente dernières années de sa vie, en colombe de la paix, notamment avec ceux qui étaient à ses yeux, fréquentables, comme les sympathisants et militants du Fatah de Yasser Arafat. L’Afrique n’oublie pas que Shimon Peres avait joué un rôle déterminant dans les accords de paix entre Israël et l’Egypte, contribuant ainsi un tant soit peu à l’apaisement des tensions entre ces deux pays considérés à l’époque comme les deux plus grandes puissances militaires de la région. Mais quoi qu’on dise, pour beaucoup d’Africains, Shimon Peres  demeurera celui qui a autorisé l’implantation de colonies sauvages en Palestine et qui a apporté un soutien sans équivoque à l’annexion du sud Liban, du Sinaï égyptien et du plateau du Golan syrien, à une période où le continent noir se débattait désespérément pour se sortir du joug d’autres colonisateurs, notamment ceux venus d’Europe. L’Afrique retiendra également que l’homme que les Israéliens pleurent depuis mercredi dernier, fut un fervent soutien de l’apartheid en Afrique du sud, allant jusqu’à proposer aux ségrégationnistes l’arme nucléaire, peut-être pour mieux dissuader les abolitionnistes et les pays de la ligne de front qui voulaient en découdre militairement avec la bande à Peter Botha. Les ressentiments contre Shimon Peres dans certains pays du continent, sont tels qu’il y a été interdit de séjour, comme en 2015, au Maroc et en…. Afrique du Sud.

En tout cas, vu d’Afrique, la disparition de Shimon Peres est quasiment un non-événement, puisque sauf erreur ou omission, le Polonais d’origine devenu l’homme politique israélien le plus capé, n’a jamais rien entrepris pour soutenir le continent dans ses luttes de libération. On comprend dès lors pourquoi l’annonce de sa mort n’a pas suscité en Afrique un émoi particulier, car, comme on dit chez nous, « les yeux ne pleurent que ceux qu’ils connaissent ou ceux qui se sont distingués par leur altruisme et leur humanisme ». Mais comme on le dit, même les cons cessent d’être cons lorsqu’ils sont morts. Cela dit, au-delà de tout ce que l’on peut dire de Shimon Peres, on retiendra qu’il aura lutté pour  un monde de paix, de justice et de liberté au crépuscule de sa vie.

Hamadou GADIAGA


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