HomeA la uneDr ABDOUL KARIM SAIDOU, JURISTE, ENSEIGNANT-CHERCHEUR, A PROPOS DE LA NOUVELLE CONSTITUTION : « Si on ne fait pas attention, la Ve République risque d’être pire que la IVe »

Dr ABDOUL KARIM SAIDOU, JURISTE, ENSEIGNANT-CHERCHEUR, A PROPOS DE LA NOUVELLE CONSTITUTION : « Si on ne fait pas attention, la Ve République risque d’être pire que la IVe »


Le Balai citoyen, en collaboration avec le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD), a organisé un panel-débat, le 11 juin 2016 à Ouagadougou. Placée sous le thème « De l’insurrection populaire aux élections municipales ; bilan et défis pour l’avenir », cette rencontre d’échanges a été animée par le Pr Etienne Traoré, le Dr Abdoul Karim Saïdou, juriste, et David Moyenga, ex-député du Conseil national de la Transition (CNT).

 

C’est dans une salle de conférence du Conseil burkinabè des chargeurs (CBC) pleine comme un œuf que s’est tenu, le 11 juin dernier, le panel-débat initié par le Balai citoyen, en collaboration avec le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD). Face à la foule venue nombreuse avec d’éminents invités du monde de la société civile et politique, étaient assis trois panelistes qui devaient donner leur appréciation de la gestion de la Transition, entre insuffisances et acquis, mais également sur la mise en œuvre de ses acquis et la conduite de la période post-Transition par les nouvelles autorités. « Acquis de la Transition, insuffisances et perspectives », c’est sur ce triptyque que le Dr Abdoul Karim Saïdou a basé son exposé.  Les acquis, pour lui, se situent dans l’adoption des lois, des réformes et des mesures sociales visant à améliorer le niveau de vie des populations. Entre autres, l’augmentation des salaires, la baisse du prix du carburant. Mais, a-t-il indiqué, c’est sur le plan politique qu’il y a eu une avancée majeure : « l’élévation du niveau de la culture politique des Burkinabè ». Les citoyens, selon lui, se sont rendu compte qu’ils peuvent influer sur le système politique et amener les dirigeants à prendre en compte leurs attentes. « Aujourd’hui, on sait que nous ne sommes pas des moutons, nous sommes des citoyens et non des sujets et personne ne peut nous soumettre à une quelconque dictature », a-t-il martelé. A côté de ces acquis, il y a de nombreuses insuffisances. Pour le Dr Abdoul Karim Saïdou, cela a commencé par le manque de feuille de route claire pour la Transition. Aussi, a-t-il déploré, au regard du rapport de l’ASCE/LC, que la Transition n’ait pas été un modèle de bonne gouvernance alors que c’était à elle de montrer le bon exemple. « On a constaté que bien avant l’enterrement des martyrs, les gens avaient recommencé les pratiques patrimoniales », s’est-il indigné. Outre cela, le Dr Abdoul Karim Saïdou a déploré le fait que l’on n’ait pas pu passer à la Ve République sous la Transition.  Cette question, à son sens, devait constituer la deuxième priorité après l’organisation des élections. A l’entendre, le processus d’élaboration d’une nouvelle Constitution entreprise par les nouvelles autorités manque de « Transparence ». « Nous constatons un déficit de transparence dans la conduite du processus. On cherche avec torche le décret qui a été pris pour créer la Commission constitutionnelle. Il faut qu’il y ait de la transparence dans le processus. Sinon, si on ne fait pas attention, la Ve République risque d’être pire que la 4e », a-t-il estimé. Et d’ajouter que sur le respect du principe de la séparation des pouvoirs, le pays a connu une avancée sous la Transition, mais les choses tardent à se concrétiser. « Il faut simplement appliquer les lois, au lieu de passer son temps à faire du bruit. On assiste, de la part des autorités, à une certaine focalisation sur la Transition. Or, les attentes sont nombreuses. Mais, je me demande pourquoi cette fixation sur la Transition ; ne serait-ce pas de la diversion parce que l’on n’a rien à proposer ? », s’est-il interrogé. Pour sa part, le Pr Etienne Traoré, dans sa communication, a salué l’action de la Transition. « Le bilan de la Transition, ce sont des missions bien accomplies, avec des réformes courageusement prises », a-t-il estimé. En effet, selon lui, la Transition avait deux principales missions à accomplir en une année.

 

« Ceux qui nous ont mis plus de bâtons dans les roues, ce sont eux qui veulent passer à la Ve République actuellement »

Il s’est agi d’abord de réunir les moyens pour organiser des élections présidentielle et législatives crédibles, permettant ainsi au pays de renouer avec une vie constitutionnelle normale. Ensuite, il s’agissait d’assurer la continuité de la vie de l’Etat par le maintien d’un fonctionnement correct de ses institutions et de son administration. « A mon humble avis, ces deux missions ont été bien remplies », a indiqué Etienne Traoré avant d’aborder la question sur la pérennisation des acquis de la Transition. Sur ce volet, le Professeur a indiqué que les autorités actuelles devraient travailler à rompre avec l’ancien mode de gouvernance. Il s’agit, pour lui, entre autres, du respect de la séparation des pouvoirs, des droits des contre-pouvoirs politiques et civils, de l’instauration d’une gouvernance républicaine de l’administration. David Moyenga, ex-député au CNT, s’est inscrit dans la même lancée que le Pr Etienne Traoré. Des acquis, selon lui, il y en a eu. Entre autres, la démilitarisation de la politique et la dissolution du RSP pour la construction d’une armée républicaine, l’adoption d’un nouveau Code électoral qui a pris en compte la question de la corruption électorale et la suppression des gadgets, et l’adoption d’un nouveau code minier. « Mais, si on n’y prend garde, ces acquis peuvent être effacés. D’ailleurs, il y a déjà une remise en cause car on se rend compte que lors des municipales, l’argent est revenu dans le jeu… », a-t-il souligné. Sur la question de la Ve République, David Moyenga a indiqué qu’en son temps, le CNT avait fait une large consultation en sillonnant toutes les 13 régions du Burkina. « Mais les différents acteurs politiques n’étaient pas d’accord pour le passage à la Ve République. Et ceux qui nous ont mis le plus de bâtons dans les roues, ce sont eux qui veulent passer à la Ve République aujourd’hui. On est tenté de se demander alors, quel sera le contenu de cette Ve République ? », s’est insurgé l’ex-député. Par rapport au traitement des dossiers de justice, il a estimé également qu’il y a un « relâchement total ». De son avis, le gouvernement doit mettre en œuvre les lois qui ont été adoptées comme le code minier et la loi portant sur le bail locatif.  « Sinon, le sentiment d’espoir que nous avons nourri depuis l’insurrection jusqu’à la Transition et l’unité nationale qui était en train de se construire, se sont estompés actuellement. Les populations sont toujours dans l’attente d’actes concrets », a-t-il conclu.

Adama SIGUE


Comments
  • C’est vrai, on n’est pas des “mouton” et il faut insister sur ça pour que les autorités entendent. Donc comme ça iles gens veulent massacrer notre Constitution nous donner. faites gaf, car, je le repète on n’est pas des moutons. On attend aussi que vous prenez les decrtes d’application des loi votées sous la transition.

    13 juin 2016
  • Voici un appel que les autorité doivent prendre au serieux. elles ne vivent pas en location. Les ministres n’ont pâs de problème de logement puisqu’ils sont logés dans des villas a ouaga 2000. mais, le bas peuple souffre pour avoir un toit. souvent c’est le tiers de votre salaire qui vous utilisez pour payer votre loyer. avec ça on ne pourrait parler de bon niveau de vit. alors, vous attendez quoi pour reguler le bail locatif?

    13 juin 2016
  • En tout cas depuis la fin de la Transition, tout semble etre fait pour que les martyres se retournent dans leur tombe. que de promesses non tenues! Pour ce qui est de la nouvelle Constitution , on a le comité de redaction à l’oeil. Comme le président de l’Assemblée nationale l’a dit une fois, s’ils s’amusent , le sort de l’ancien regime sera plus enviable que le leur. à bon entendeur salut! “nous ne sommes pas des moutons”, loin de là! tenez le pour dit!

    13 juin 2016
  • « Si on ne fait pas attention, la Ve République peut être pire que la IVe » , a-t-il prévenu. Selon le juriste, « la transition n’avait pas de feuille de route d’où les tâtonnements ». Elle n’a pas été non plus « un modèle de bonne gouvernance ».

    Enfin pour une fois, je constate que dans les routines des grand-messes de la CGT, il n’y a pas, que des enfants de chœur. Il y a eu cette fois un véritable clerc et on aura tord de ne pas l’écouter. La vérité qui fait mal (et c’est compréhensible, avoir le pouvoir et le perdre de si tôt est un défi que peu de gens accepterait, même par sacrifice pour la nation), c’est qu’il faut réinstaurer immédiatement une autre transition et lui accorder des delais raisonnables, pour juger les dossiers depuis 1983 à nos jours. Procéder à la réconciliation. Convoquer ensuite une constituante (ou Assemblée Constitutive, appelez la comme vous voulez). Mais tous cela demande l’inclusion de tous les acteurs : Partis politiques, hommes politiques Sociétés civiles, Confessions religieuses et coutumières les professions : du paysannat à l’administration en passant par les informels et les commerçants. Que chaque entité envoie ses représentants. Il n’a pas d’autres issues. Chacun y va de son commentaire, mais le peuple qui regarde ne mange pas les commentaires. Lui il est pragmatiques. Il veut du concret. Pour cela aucune courte échelle ne sera plus possible. Cela a assez duré. Il faudrait donc repartir de la racine. Le proverbe moagha le dit bien : «Fo san dat kaann bissi n’nogué, biif tu a non». Ce qui veut dire mot à mot : Si tu veux ramasser les courges du calebassier, il faudrait partir ou repartir de la racine-pivot». C’est ce qui est clair pour lui. De même si l’on s’égare en forêt (dans la jungle ou dans le désert), il faudrait revenir sur ses pas au point de départ pour se repositionner. Pour terminer, n’oublions pas que l’idée de la nouvelle Constitution appartient à un parti politique et à un groupe de refondateurs nationaux et leurs leaders. La présence de ces derniers ne saurait guère être occultée ou même négociée. La courte échelle comme vous le voyez vous-même n’a jamais payé. La sagesse nous rappelle aussi que l’oiseau a beau tournoyé dans les airs à travers monde (à la recherche du paradis), il revient finir sur la terre.

    Merci webmaster.

    13 juin 2016
  • D’abord, la République c’est quoi en fait ? C’est donc un régime politique et démocratique qui implique que les détenteurs des « pouvoirs exécutif, législatif et judicaire » l’exercent en vertu des mandats donnés par les citoyens, ou si vous voulez par le peuple Burkinabé, pour gouverner les affaires publiques dans l’intérêt social, économique et culturel des gouvernés. L’exercice de ces différents pouvoirs se fait donc sur la base des règles écrites dans le cadre de la Constitution ou la Loi fondamental. C’est pour n’avoir pas respecté en totalité de tels principes fondamentaux et en voulant transformer notre république en une Monarchie ou Royauté que le régime de l’ex-président a provoqué l’insurrection victorieuse d’octobre 2014. Sur la question du passage à une Cinquième république, depuis la transition jusqu’à l’installation des nouvelles autorités, une certaine l’unanimité des acteurs majeurs et du peuple burkinabé en général se dégage pour le passage à une Cinquième république et l’élaboration d’une nouvelle constitution. La nouvelle constitution n’ayant pas pu être adopté sous la récente Transition, il revient donc aux pouvoirs actuels la très lourde responsabilité, l’élaboration d’une « nouvelle Constitution neutre » qui devra être meilleure que celle de la quatrième république. Nous croisons les doigts et prions Dieu pour que la Cinquième république soit excellente ! A cet effet, il faudrait peut être que la Commission Constitutionnel actuel, Présidé par Me Alidou Ouédraogo Homme d’expérience et Grand lutteur agisse sur la base des Travaux et des Projets de constitution de la Commission de Réconciliation nationale et des réformes, en toute transparence, car il s’agit surtout de l’avenir serein du Burkina Faso et du peuple Burkinabé ! Aussi, il serait judicieux que les « réformes courageuses » faites soient prises également en compte pour consacrer une rupture nette d’avec l’Ancien régime et afin de relever les nombreux défis économiques, sociaux et culturels du Burkina Faso, notre patrie à tous ! Courage et Salut !

    13 juin 2016

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