HomeA la uneDr EVARISTE FAUSTIN KONSIMBO, A PROPOS DES RECOMMANDATIONS DES « 11 SAGES »

Dr EVARISTE FAUSTIN KONSIMBO, A PROPOS DES RECOMMANDATIONS DES « 11 SAGES »


A la suite de l’Appel de Manéga, « 11 Sages » ont publié, dans notre édition du 31 janvier 2020, une feuille de route comportant des recommandations en lien avec l’opérationnalisation de la réconciliation nationale au Burkina Faso. C’est dans ce cadre que nous avons approché Dr Evariste Faustin Konsimbo, coordonnateur  du Conseil technique et scientifique de l’Appel de Manéga quant à la suite à donner à ladite feuille de route. C’est lui l’invité de « Mardi Politique » de ce jour.

 

« Le Pays » : Vous venez de publier une feuille de route en matière de réconciliation nationale au Burkina Faso. Quelle est la suite que vous entrevoyez ?

 

Dr Evariste Faustin Konsimbo : Je commencerai par remercier le journal « Le Pays » qui nous accompagne depuis le lancement, le 15 juin 2019, à Manéga. C’est un appui constant et désintéressé au nom des idéaux de paix, de réconciliation et de démocratie que le journal a toujours fait et que nous saluons. Comme vous le dites si bien, la feuille de route des Sages du Panel des Anciens et de personnalités pour la paix (PANAPAX), après sa publication, fera l’objet de rencontres avec des acteurs -clés impliqués dans la question. Nous avons des acteurs identifiés à l’intérieur du document. Il sera aussi question d’œuvrer, à travers des démarches, à la mise en pratique de certaines recommandations par les concernés. Par exemple, la contrition publique ou la condamnation des actes d’incendie et de destruction des biens et domiciles en 2014 lors de l’insurrection.

 

 Comment comptez-vous mobiliser les acteurs concernés par vos recommandations ?

 

La feuille de route elle-même, par son contenu et sa pertinence, aide à mobiliser les acteurs. Si les recommandations apportent des solutions aux problèmes et préoccupations des gens, c’est un facteur primordial de mobilisation de acteurs. C’est donc d’abord la qualité du travail. Ensuite, ce sont les approches qui complèteront la capacité à créer de l’intérêt autour de la feuille de route.

 

 Comment comptez-vous financer votre feuille de route ?

 

La feuille de route n’est pas détachée de l’Appel de Manéga qui est une initiative citoyenne dont les moyens proviennent depuis bientôt huit (8) mois, des contributions de bonnes volontés. Nous avons récemment lancé une opération de collecte de fonds en interne, pour amener les signataires et sympathisants de l’Appel, à donner quelque chose. C’est ce qui permet d’organiser les activités. Maintenant, il y a aussi cette réalité que la manière la plus durable, efficace et soutenable de faire face au besoin de financements, c’est de rechercher des partenaires institutionnels. Nous sommes orientés vers cette option désormais. Même si en attendant que des partenaires s’intéressent à nous, nous devons nous auto prendre en charge pour continuer de mener nos actions qui paraissent pressantes, au regard du contexte national.

 

« Par rapport aux crimes de sang, il est recommandé la Justice traditionnelle comme option préalable »

 

En quoi votre feuille de route répond-elle au meilleur schéma pour une réconciliation au Burkina Faso ? Et quelles en sont les chances de succès ?

 

La feuille de route n’a pas la prétention d’être le meilleur schéma. Même si elle peut se présenter comme la première réelle proposition d’actes concrets et pratiques, qui sort des sentiers battus après tant d’années de discours. La feuille de route est effectivement une approche basée sur la tradition africaine de règlement et de résolution des conflits ou des problèmes dans la société. Cela apparaît comme un schéma différent, qui se fonde sur les valeurs morales, culturelles, humaines et sociologiques. C’est pourquoi, par exemple, il est recommandé que les incendies et destructions des domiciles et biens, soient condamnés par les garants de l’ordre public et de l’ordre moral dans la société, que sont l’autorité publique, les religieux et les coutumiers. C’est pourquoi également, il est recommandé l’acte de contrition de la part des acteurs, notamment ceux de l’insurrection, ceux du projet de modification de l’article 37 et de création d’un Sénat et ceux du coup d’Etat de septembre 2015 dont les actions conjuguées ont provoqué des drames dans la société. En outre, par rapport aux crimes de sang, il est recommandé la Justice traditionnelle comme option préalable. Toutes ces recommandations concourent, non pas à juger les individus selon leur raison, mais à les mettre face aux torts d’ensemble commis contre la collectivité.  C’est une démarche qui réconcilie et qui répare le lien social. Nous pensons que toute approche d’une société en crise, comme la nôtre, se doit d’être  globale pour être réaliste et efficace. Il faut parler à l’esprit, à la raison, au cœur et à l’âme à la fois, des personnes. La raison seule ne suffit pas. Et pour cela, il faut intégrer plusieurs paramètres et mécanismes. Notre feuille de route est centrée sur l’individu et la collectivité. Souvent, ce qui pose problème et empêche de sortir des difficultés, ce sont les intérêts. Quant à notre chance d’aboutir, elle ne dépend pas que de nous. Ce sera par la volonté et la bonne foi de tout le monde.  Si nous sommes conscients du péril qui nous guette et si nous avons la fibre patriotique qui bat fort, nous pourrons faire abstraction de beaucoup de considérations personnelles et singulières, taire les divergences, vider les haines et rancœurs pour s’entendre sur l’essentiel et reconstruire notre engagement autour de l’intérêt national.

 

En plus de l’Appel de Manéga, d’autres structures se donnent pour mission de travailler à la réconciliation au Burkina. Ne pensez-vous pas que le nombre d’initiatives risque de compromettre cette réconciliation ?

 

Rien d’autre ne compromet la réconciliation plus que l’indifférence, le silence et le refus d’engager des actions.  Au contraire, si les initiatives paraissent nombreuses, cela voudrait dire qu’il y a préoccupation et au-delà, urgence. Cependant, nous convenons qu’il doit y avoir une bonne intention à la base.  Et que ce soit réellement dans l’objectif de la réconciliation. Il faudrait tout faire pour éviter que l’instrumentalisation politique ou l’affairisme entrent dans les initiatives de réconciliation. Car, pour réconcilier, l’on a besoin d’être neutre, transparent et inspirer confiance.

 

D’aucuns doutent de l’origine des financements de ces structures qui font de la réconciliation nationale, leur combat. Votre réaction là- dessus ?

 

Nous ne sommes pas douteux par rapport aux structures qui agissent. Nous n’avons pas de motif pour le faire. Nous avons, pour notre part, expliqué comment nous finançons nos activités à l’Appel de Manéga. Il y a une traçabilité qui met en confiance tout le monde et c’est le plus important.

 

Propos recueillis par Fidèle KONSIAMBO

 

 


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