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ECONOMIE ET SOCIETE : La jalousie, la méchanceté et le mensonge des Burkinabè


Cela semble bien  connu : dans une large mesure, et depuis quelques décennies, les Burkinabè sont, entre eux, méchants, jaloux, médisants, mesquins et menteurs. Le burkinabè a-t-il définitivement mis à mort le Voltaïque ?

 

Ah ! la jalousie, parlons-en. Voici un bien vilain défaut qui enserre la plupart des Burkinabè, jusqu’à l’étouffement. Moustapha Thiombiano (paix à son âme), premier détenteur d’une station de radio libre en Afrique, homme d’idées et d’actions, n’a jamais cessé, de son vivant, de souligner avec la légèreté de ton qu’on lui connaissait, la jalousie morbide des Burkinabè. Entre les nationalités étrangères et les Burkinabè, la bonne entente, la cordialité, l’amitié, sont des valeurs sûres qui ne souffrent d’aucune ambiguïté. De ce point de vue, le Burkina Faso est l’un des rares pays africains où il fait très bon vivre dans toute l’acceptation de cette expression. Un étranger qui fait fortune au Burkina, qui devient un Crésus, le Burkinabè, s’il ne s’en félicite pas, restera indifférent. Et c’est très heureux ainsi. Mais entre Burkinabè,  les choses se passent autrement. Toute tête qui essaie d’émerger du lot, entraîne une réaction sournoise de la part de Burkinabè, qui vont tenter de tirer leur compatriote par les pieds vers le bas. C’est connu, les Burkinabè sont très jaloux les uns des autres. La nuit, ils se tortillent de jalousie, parfois jusqu’au petit matin, se retournant sans cesse dans leur lit en train de se défaire des bras de Morphée. Ce n’est pas bien. La sagesse affirme que le jaloux est constamment en bagarre avec Dieu. La sagesse dit aussi que le jaloux est une personne injuste, parce que ce n’est pas évident qu’il accepterait d’avoir la fortune jalousée aux mêmes conditions vécues par la personne jalousée.  Ne soyez pas jaloux de quelqu’un dont vous ignorez l’origine de la fortune et que vous n’envieriez pas s’il se retrouvait un jour dans le malheur. Essayez à chaque instant de tendre à être juste. Certes, cela nécessite parfois un véritable combat intérieur. La jalousie des Burkinabè fait beaucoup de ravages et à tous les niveaux. A l’international notamment, les dégâts sont énormes et divers. Le Burkina Faso doit sa sous-représentation dans les instances internationales, à la jalousie cruelle de ses propres enfants. A l’échelle de l’Afrique et du reste du monde, les ratios parlent d’eux-mêmes en termes de nationalités et de postes occupés. Nous nous nuisons réciproquement. Il se dit même, ô suprême bêtise !, que lorsqu’un Burkinabè est déjà dans une haute institution, vous n’avez quasiment aucune chance, en tant que Burkinabè, de pousser le portail de  cette institution. Vrai ou faux, les fonctionnaires internationaux burkinabè, dans le silence de leur conscience, apprécieront. Fadaise ou vérité, les Burkinabè, candidats malheureux à l’entrée dans ces institutions, jugeront. Toujours est-il que la réalité est là, implacable : le Faso est tristement sous représenté dans les grandes sphères internationales qui comptent. La faute à qui ? Au gouvernant ou au citoyen burkinabè ? A l’un et à l’autre, est-on tenté de dire. Dans tous les cas, le poison de la jalousie est là, dévastateur et omniprésent. Sans aucun doute, les Burkinabè forment une espèce très curieuse. En effet, ils remplissent les églises, les temples, les mosquées pour écouter régulièrement tous les catéchismes sur l’Amour, la Fraternité, la Solidarité, etc. Pour autant, ils n’arrivent pas à éteindre en eux cette flamme mortifère qui rampe dans leur corps et dans leur âme.  Assurément, «nous avons trop de religions pour nous haïr mais pas assez pour nous aimer». Dans les prêches, dans les chansons profanes, dans les prises de parole publiques, la thématique de la jalousie est souvent présente. Lorsqu’au sein d’une nation, la jalousie prend une telle place, cela doit interpeller fortement les consciences. Une société qui secrète un tel venin, un tel poison, peut elle-même en mourir ou à tout le moins, compliquer le vivre-ensemble, la cohésion des groupes et déconstruire les passerelles entre ces derniers. Mais en attendant, il serait plus juste et plus honnête que nous renoncions à l’appellation trompeuse et imméritée de «pays des Hommes intègres». Nous ne le sommes plus.

 

Avons-nous une mentalité de développement ?

 

De la jalousie, découlent tous les autres crimes. Le meurtre de Caën sur la personne de Abel, n’a pas d’autre explication que la jalousie. Un pays où ce vilain défaut est largement partagé par les habitants, est exposé à tous les bouleversements négatifs, favorise des blocages de toutes natures et à tous les niveaux. Dans un tel pays, on est plus enclin à écouter le récit des malheurs des gens que celui de leurs bonheurs. La parole est davantage mise au service du mal que du bien, du négatif que du  positif. On se satisfait, on se console des malheurs de son prochain. Les sujets de conversation qui portent sur le bien deviennent vite ennuyeux. Dans un pays où la jalousie est reine, on aime écouter ce qu’on ne devrait pas écouter, regarder ce qu’on ne devrait pas regarder, parler de ce dont on ne devrait pas parler, s’occuper de ce dont on ne devrait pas s’occuper. Dans ce genre de pays, on n’aime pas écouter les «success stories». On aime davantage entendre les histoires de chute, d’échec que celles des réussites. Si vous avez un moyen de déplacement, le souhait intime de certaines de vos connaissances, c’est de vous voir à pied. Dans un pays où la jalousie est le trait caractériel dominant, tout le monde doit, pour les esprits retors et méchants, être au même niveau de pauvreté ou de prospérité. A ce moment-là, la jalousie n’a plus d’objet. Or, un pays où tout le monde est pauvre n’existe que dans l’imaginaire des fous. Un pays où tout le monde est prospère est une chimère. C’est dire si la jalousie a encore de beaux jours devant elle au Burkina Faso. Mais cela veut dire aussi que nous devons nous poser cette question fondamentale : avons-nous une mentalité de développement ? Cette question s’adresse à chacun de nous mais aussi et surtout à ceux qui président aux destinées du Burkina Faso. Car la transformation des mentalités relève du champ politique et idéologique. La naissance, l’avènement d’un Burkinabè nouveau ne peut avoir lieu que sous le leadership affirmé, clairvoyant et rigoureux de dirigeants volontaristes, généreux et déterminés. Sous cet angle, il y a du travail, beaucoup de travail, aussi bien politique que social, à faire. Ah ! la jalousie ! Mère de tous les vices humains. Dire que les Burkinabè, dans une proportion non négligeable, sont jaloux, est une évidence. Ils sont aussi méchants, médisants et ces traits de caractère participent tout naturellement de la jalousie, de cette laideur que même Quasimodo trouverait répugnante. Les Burkinabè sont méchants entre eux, jaloux les uns des autres. Ils sont très peu nombreux les Burkinabè qui n’ont pas fait l’expérience de la jalousie, de la méchanceté, de la médisance. S’il en existe, il faut les chercher parmi les fous, les vauriens, les rebuts de la société, les gens qui ne peuvent écraser de leur poids une calebasse posée à même le sol. Si vous parvenez à vivre tranquille et heureux au Burkina, vous pouvez vivre sereinement partout sur la surface de la Terre où il y a des hommes. Les motifs de la jalousie, de la méchanceté, de la médisance, se retrouvent tous dans le mot Avoir, cet avoir qui peut changer dans un sens ou l’autre, votre être. En général, ceux ou celles qui ne font rien, qui n’ont rien, sont hors du champ de la jalousie, de la méchanceté et de la médisance. Certes, tout ceci est réducteur mais ce tableau a un fond de vérité et de réalité dont on aimerait tant qu’il soit seulement imaginaire. Mais le fait est que la méchanceté et la jalousie des Burkinabè sont devenues une antienne, omniprésentes dans les conversations. La véritable question qui se pose à présent semble être la suivante : pourrions-nous nous en sortir avec des tares d’une si grande gravité ? Ne sommes-nous pas en train de sombrer moralement et peut-être spirituellement ? Est-ce que le Ciel vers qui nous nous tournons massivement tous les dimanches, tous les vendredis et tous les jours saints, est fier de nous ? Sommes-nous, ne serait-ce qu’un tout petit peu, dignes du Très-Haut ? Quel impact ces gros boutons sur nos visages, peuvent-ils avoir sur notre vie sur terre et dans l’au-delà, pour ceux qui croient ? Quelles leçons laisserons-nous à nos descendants, à la postérité  dont on peut imaginer déjà toute l’indignation et l’ampleur des cris réprobateurs ? Certes, nous sommes  très loin du niveau de Sodome et de Gomorrhe, mais les signaux sont suffisamment inquiétants. Les questions sont nombreuses et toutes aussi interpellatrices les unes que les autres. Nous sommes méchants, c’est une lapalissade. Et notre méchanceté, encore une fois, fait des ravages dans nos ménages, dans notre travail, dans nos relations, etc. Notre méchanceté, notre jalousie, notre médisance, transpercent souvent notre corps et notre âme comme des flèches empoisonnées qui tuent sans coup férir. Pour reprendre une boutade à l’ivoirienne, «bien souvent, ce n’est pas Dieu qui tue l’homme, c’est l’homme lui-même qui tue l’homme». Très probablement, la jalousie et le mensonge ont déjà conduit des Burkinabè à l’abattoir ou au bûcher, ou à tout le moins, à la chute, à la déchéance morale. Et très certainement, ils auraient été plus nombreux sans le travail de vérification d’enquêteurs impartiaux et justes. Dans un tel climat de méchanceté, il n’est pas évident que le Ciel soit toujours avec nous dans nos différentes aspirations à une vie de paix et d’harmonie. Il est grandement temps que nous mettions balle à terre pour commencer à limiter dès aujourd’hui les dégâts. Il y a tant de calamités qui nous prennent à la gorge, parmi lesquelles la pieuvre terroriste. Facilitons la tâche au Ciel en faisant d’abord notre part de chemin vers l’amour, la fraternité, la solidarité et la générosité. «Aide-toi et le Ciel t’aidera» et les Espagnols d’ajouter «a quien madruga, Dios le ayuda» (Dieu aide celui qui se lève tôt).

 

Sortir de ce piège sans fin

 

La méchanceté et la jalousie des Burkinabè sont devenues un phénomène endémique, tant elles envahissent tout l’espace vital des citoyens. Le plus tragique, c’est qu’elles impactent négativement tout esprit de progrès. Elles constituent même des blocages. Combien de nos compatriotes vivant en Europe ou aux Amériques, dotés d’un solide savoir-faire scientifique et technologique, ayant regagné le Faso pour se mettre au service de leur pays natal, ont dû refaire le chemin inverse, après moins d’une année ? Combien de citoyens burkinabè vivant à l’étranger, ayant voulu monter des affaires sur le sol du Faso, ont dû regagner leur  pays d’adoption ? Tout ceci à cause de la méchanceté et de la jalousie qui brillent dans les yeux de certains hommes et femmes de ce pays. Aujourd’hui, en lieu et place de la formule «Burkina Faso, pays des Hommes intègres», il est plus juste et plus honnête de lire «Burkina Faso, pays des Hommes méchants et jaloux». Expatriés, étrangers vivant au Burkina, tout ceci ne vous concerne pas. N’ayez pas peur, c’est une affaire entre Burkinabè. Vous pouvez venir au Faso pour faire fructifier vos affaires, pour vous installer. Vous n’avez rien à craindre. L’autorité politique a assurément du pain sur la planche. Sa tâche est d’autant plus ardue que le Burkina traverse une période d’insécurité absolue. Dans un tel contexte, l’esprit citoyen, la cohésion sociale, sont un ciment essentiel. Mais pour l’instant, tout ceci sonne creux et la gouvernance politique, économique et sociale est encore une fois de plus interpellée. Puissions-nous retrouver un jour ce havre de paix qu’était la Haute-Volta où dans notre pauvreté ambiante et relative, il faisait si bon vivre. Sur la place publique, dans les bureaux, les ateliers, sur tous les lieux de travail et dans les villages, on ressentait la paix, la solidarité et la dignité. Aujourd’hui, l’argent, la méchanceté, la jalousie ont défénestré toutes ces valeurs, Aujourd’hui, la situation est telle qu’on peut se demander si elle est redressable et qui peut la redresser et comment le faire. L’autorité politique ? Pas si sûr. Tant que celle-ci parviendra au pouvoir par la puissance de l’argent, tout effort de redressement sera comparable au mythe de Sisyphe. L’argent a piégé toute la République et ses citoyens. Seule une gouvernance juste, déterminée, caractérielle, courageuse, pourrait sortir le Burkina Faso de ce piège sans fin. Mais il faut être fou pour ouvrir un tel chantier. La révolution culturelle de Mao Zedong, entreprise lors de l’été 1966, prend ici toute sa signification. La transformation des mentalités est un pré-requis pour toute politique de développement humain durable, auto-centré, auto-entretenu et viable. Autrement, tout ne sera que rafistolages, mégotages et recommencements itératifs. Certes, cette transformation des esprits et des comportements appellera des sacrifices de toutes natures de la part des populations africaines. Mais sans œuf, il n’y aura jamais d’omelette. Une mentalité positive, ferment du développement, ne peut s’accommoder de nos mesquineries, mensonges, jalousies et mal-gouvernance. Encore une fois, une révolution profonde des mentalités s’impose donc à tous. Elle doit s’opérer sous des leaderships dont les principales vertus auront pour noms : clairvoyance, rigueur, transparence et justice. A l’étape actuelle de notre destin, une gouvernance politique et économique d’inspiration Rawlings ou sankariste, sévère et juste, éclairée et visionnaire, patriote, nationaliste et inclusive, pourrait bien convenir. Au demeurant, c’est ce type de gouvernance qui a remis le Ghana, hier encore comateux, sur de solides rails. Assurément, nous avons  besoin d’une révolution culturelle pour accoucher demain d’un Burkinabè nouveau qui soit à tous égards, l’antithèse du Burkinabè d’aujourd’hui.

Boureima Jérémie SIGUE

(in Les 5 plaies purulentes du Faso – Septembre 2022)

 


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