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COHESION SOCIALE ET VIVRE-ENSEMBLE


Face à la montée de l’extrémisme violent, il est peu de dire que la cohésion sociale et le vivre-ensemble sont sévèrement éprouvés. Si fait que des voix s’élèvent pour rappeler les uns et les autres à la tolérance. C’est le cas du Fondateur des Editions « Le Pays » qui, à travers la réflexion ci-dessous, estime que la cohésion sociale et le vivre-ensemble ont été de tout temps «  des valeurs suprêmes menacées par la culture, la religion et la politique ». Ce faisant, il dit non « au fanatisme et à la radicalité ». Lisez plutôt pour en savoir davantage !    

 

C’est un truisme de dire que cohésion sociale et vivre-ensemble sont deux concepts  de la même matrice. Tous les deux sont à la fois cause et conséquence. Ils se nourrissent mutuellement et tous les deux sont dans leur matérialité, adossés à la paix, à cette paix qui est l’autre nom du développement comme le disait si justement le Pape Paul VI. Et la paix est elle-même le produit et le catalyseur de la cohésion sociale et du vivre-ensemble. C’est dire si ces deux concepts sont consubstantiels l’un de l’autre et c’est un lieu commun que de l’affirmer. Toutefois, la cohésion sociale et le vivre-ensemble ont pour moteur le tryptique : amour, compréhension et tolérance. Ce sont là des valeurs suprêmes qui ont vocation à rendre possible la vie dans la cité et hors de la cité mais qui hélas, sont constamment rudoyées, menacées par la culture, la religion et la politique. Ces trois éléments ont tour à tour et à travers les âges, été le ferment et le virus du vivre-ensemble et de la cohésion sociale. On oublie consciemment ou inconsciemment que toutes les sociétés humaines ont leur culture, leur religion, leur civilisation.

 

« Il continue à ce jour, de se jouer sur notre planète,  une sorte de drame messianique dont les acteurs se trouvent aux trois pôles principaux de la religion, de la culture et de la politique »

 

Le relativisme culturel prend alors ici toutes les allures d’une vérité absolue, partout sur la Terre des Hommes. Sous ce rapport, même les sociétés jugées les plus amorales  ont leurs valeurs, leurs sensibilités, leur culture, leur religion, leur civilisation.  Dès lors, il est dangereux, voire  mortel de vouloir s’enfermer dans le fanatisme, la radicalité qui exclut toute rationalité, tout  effort de compréhension de l’autre, regardé avec mépris, avec haine, ou, au mieux, avec condescendance.  Toutes choses qui sécrètent les prémices de la mésentente et qui préparent la conflictualité et parfois même la déflagration.  L’Europe, aux siècles passés, a connu ses guerres de religion. En Afrique, elles ont parfois été doublées de guerres ethniques. Toutes ces guerres plongent les racines de leurs causes dans le mépris des uns pour la culture des autres, dans l’intolérance des uns à l’égard de la religion des autres.  Malheureusement, il continue à ce jour, de se jouer sur notre planète,  une sorte de drame messianique dont les acteurs se trouvent aux trois pôles principaux de la religion, de la culture et de la politique.  Tout cela donne aux hommes de bonne volonté, de justes frayeurs. André Malraux a eu à dire que le 21e siècle sera  un siècle éminemment religieux. Il faut surtout espérer que cette prophétie se réalisera dans son sens le plus positif, celui du raffermissement de la foi, de l’acceptation de l’autre dans sa différence religieuse, culturelle et politique.  Et c’est précisément là qu’intervient aussi le rôle des médias. Aussi vrai que depuis Mc Luhan,  nous vivons dans un village global ou planétaire, nous sommes tous aujourd’hui plus qu’hier,  des citoyens de ce village. Nous sommes, du fait des médias, entendu au sens large du terme, des passagers de l’Arche de Noé, du nom de ce personnage mythique qui avait rassemblé dans sa grande embarcation, toutes les créatures de la Terre dans leurs différences naturelles. Aujourd’hui plus qu’hier, face à la montée de nombreux périls dont les principaux ont pour noms, extrémismes religieux, populismes politiques, fanatismes de toutes espèces, les médias ont une sorte de mission sacrée, voire divine qui les exhorte à la construction de la citoyenneté internationale, à la compréhension entre les peuples, à l’édification et au renforcement dans l’esprit des hommes, de la valeur théologale de la paix.  De cette paix sans laquelle nous serons tous broyés à la moulinette de la misère morale encore plus dévastatrice que celle matérielle. L’assertion de Thomas Hobbes, selon laquelle «l’homme est un loup pour l’homme» prend aujourd’hui tout son sens, au regard de toutes les cruautés déjà observées. Pour un monde de paix, de développement, de compréhension mutuelle, de cohabitation pacifique entre les hommes, les médias doivent exercer leur pouvoir divin de bâtisseurs, de diseurs de vérité féconde, de cette vérité, sans laquelle il n’y a pas de grandeur ni de salut.

 

« S’il est vrai que le mauvais juge fait plus de mal que les délinquants, il est encore plus vrai que le journaliste qui ne sait pas mesurer l’importance sociale de son rôle, est un criminel en puissance »

 

De ce point de vue, il faut que les acteurs des médias que nous sommes, se laissent persuader que sur l’échelle de nos valeurs, le journalisme est une cause pure et noble et qu’à cet effet, il lui faut des esprits généreux et des mains pures. Les médias, plus que tout autre instrument, sont d’une importance sociale telle que la maîtrise de leur déontologique et de leur éthique, doit les transformer en facteurs très déterminants pour le vivre-ensemble, pour la cohésion sociale, pour la paix, pour le développement.  Sous cet angle, les médias apparaissent comme des catalyseurs basiques de la stabilité mondiale.  L’influence incommensurable des médias, surtout en ce siècle, est, sous tous rapports, tangible et irréfutable. Mais, s’ils sont des instruments irremplaçables et prodigieux pour la construction du bien, ils le sont aussi pour la construction du mal.  Oui,  ils peuvent être aussi des instruments horribles de destruction. Un célèbre écrivain de la  Renaissance disait avec beaucoup de hauteur que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme». Cette pensée est suffisamment illustrative de l’indispensabilité de la formation des acteurs des médias.   Sans doute vivrions-nous dans le meilleur des mondes si les premières vertus des journalistes étaient la passion du juste, du bien, de la fraternité, le rejet constant et obstiné de toute manipulation, d’où qu’elle vienne. Sans doute le monde serait-il meilleur si l’éthique, la déontologie, la bonne foi constituaient la pierre philosophale, le sceptre totémique du journaliste, de cet homme qui a le pouvoir de chloroformer les esprits. S’il est vrai que le mauvais juge fait plus de mal que les délinquants, il est encore plus vrai que le journaliste qui ne sait pas mesurer l’importance sociale de son rôle, est un criminel en puissance.  Chaque journaliste, citoyen de ce village global, doit  prendre conscience de cette mission qui l’interpelle à chaque instant : celle de contribuer à bâtir un monde plus juste par le rejet de tout extrémisme, de toute radicalité, de tout populisme destructeur avec pour objectif humaniste final le vivre-ensemble. L’intolérance et l’extrémisme oublient que la liberté est l’un des biens les plus précieux que le Ciel ait accordé à l’Homme.  Les serviteurs zélés de l’intolérance et du fanatisme oublient qu’une pensée non exprimée s’accentue à mesure qu’elle est réprimée ; que les guerres apportent très rarement, pour ne pas dire jamais, des solutions correctes et définitives aux problèmes de l’Homme ; que toute idéologie qui s’appuie sur la haine est contre-productive et stérile. Ils ignorent que l’uniformité ringardise et que la diversité enrichit et vivifie.  

 

« L’extrémisme, hélas, se nourrit aussi des échos des médias »

 

Assurément, le champ du mal est vaste et les hommes de médias doivent donc rester dans la posture permanente du combattant qui craint le Ciel, qui aime et honore l’Homme dans toute sa diversité.  Par son travail, il doit magnifier l’inter-culturalité et la multiculturalité, célébrer le vivre-ensemble, inciter à  la paix, contribuer  au progrès social en rejetant tout manichéisme dévastateur.  En tout état de cause, aujourd’hui plus qu’hier, l’Homme de médias de bonne foi et de bonne volonté, peut faire l’heureux constat  qu’il y a de plus en plus  une prise de conscience très forte de l’indispensable grand pas à faire en direction de la nécessaire compréhension entre les cultures et les religions dans le seul but de sanctifier le vivre-ensemble et la cohésion sociale, seules conditions cardinales pour la paix, le développement et le progrès. En effet, entre 1975 et 2013, il a été créé à travers le monde, une trentaine de commissions à l’échelle des nations, toutes ayant pour objet le dialogue, la justice, la vérité, la réconciliation. La grande rencontre d’Assise en octobre 1986, initiée par le Pape Jean-Paul II, procède de cette volonté de cohésion sociale. A l’échelle de l’Afrique de l’Ouest, on ne peut faire abstraction de la rencontre du Bénin en 2015, lors de laquelle une graine toute saine a été semée par l’éminent Pr Albert Tevoedjré. Paix à son âme. Une graine qui ne cesse fort heureusement de germer, comme on peut le constater à travers ce présent colloque. Plus récemment encore, on peut noter la rencontre du 22 au 24 février 2017 au Caire entre le St Siège et la célèbre université d’Al Azhar, principale institution de l’Islam sunnite. Autant d’éléments qui traduisent à suffisance le désir de la plupart des hommes et des femmes de rouler résolument les mécaniques du vivre-ensemble. Il revient à la presse de faire aussi sa part de combat, sa part de chemin. Toutefois, une problématique semble se poser à la conscience des acteurs des médias. Doivent-ils oui ou non se faire l’écho des coups d’éclat ou plus généralement des actes et paroles des adeptes  de l’extrémisme violent ? Au nom du droit des populations à l’information, les médias doivent-ils se comporter en «relais» des acteurs de l’intolérance, des déconstructeurs de la cohésion sociale, du vivre-ensemble ? En tout état de cause, au nom de la liberté de la presse, au nom du droit pour tous  à l’information, les médias sont, à leur corps défendant, «les complices» de l’extrémisme parce que malheureusement, ils ne peuvent s’abstenir de parler des coups d’éclat de ces ingénieurs du mal. Tout demeure dans la façon d’en parler. Sans aucun doute,  l’extrémisme, hélas, se nourrit aussi des échos des médias.  Assurément, le combat pour la cohésion sociale et le vivre- ensemble, ne sera pas un combat de tout repos, et c’est une lapalissade  que de le dire. En effet, les cavaliers de l’intolérance et de tous les extrémismes, ont  depuis toujours, leurs concepteurs et théoriciens qui disposent d’énormes moyens en termes de logistique  et de finances. Ils ont des politiques audacieuses de communication et ils savent se servir des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ils ont même, à tout moment, la possibilité de couper l’herbe sous les pieds des médias traditionnels en se servant aujourd’hui des réseaux sociaux notamment.    Comme on le voit, ce n’est pas demain la veille que le combat contre tous les extrémistes et pour le vivre- ensemble prendra fin. Et d’ailleurs, prendra-t-il jamais fin ? On peut   se le demander, si l’on se réfère à l’Histoire. Les croisades, ces expéditions entreprises au Moyen âge par la Chrétienté pour chasser les musulmans des lieux saints, l’inquisition instituée par le Pape Grégoire IX pour réprimer les crimes d’hérésie, d’apostasie, de sorcellerie et de magie, la résurgence et la persistance de vieux extrémismes, etc., légitiment très fortement hélas, ce questionnement. Et il y a cette cruelle vérité de La Palice que l’on peut résumer dans l’affirmation suivante : la cohésion sociale ne peut être féconde si elle occulte la pauvreté, la bonne gouvernance, la justice sociale, l’ignorance et l’utilisation politique des religions ; toutes choses qui interpellent fortement et en permanence,  les décideurs nationaux et les organisations internationales.

 

Boureima Jérémie SIGUE

Journaliste – Ecrivain

Fondateur du Groupe de presse

Les Editions «Le Pays»

 

Ouagadougou, le 21 novembre 2019

 

Symposium international de Ouagadougou sur la cohésion sociale et le vivre-ensemble (21, 22, 23 novembre 2019)

 

 


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