FERMETURE D’ECOLES EN SITUATION IRREGULIERE
Le ministre de l’Education nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationale (MENAPLN), Stanislas Ouaro, poursuit sa croisade contre les établissements scolaires en situation irrégulière, en tapant cette année encore, violemment dans le tas : 134 écoles anarchiquement ouvertes vont devoir fermer sur ordre du ministre qui en est, sauf erreur ou omission, à sa troisième fatwa du genre. C’est une mesure salutaire dont l’application ne doit souffrir d’aucune faille, si on tient vraiment à assainir ce secteur ultra-sensible où des individus sans scrupules pour ne pas dire des crapules, déforment plus qu’ils ne forment nos enfants qui sont censés être l’élite et la relève de demain. Partout, notamment dans les grandes villes du Burkina, le constat est amer. Car l’anarchie qu’on pensait pouvoir maîtriser il y a quelques années, a fini par étendre ses tentacules du préscolaire au supérieur, malgré la mise en œuvre de plusieurs plans de développement de l’Education. Dans plusieurs localités du Burkina, des enseignements sont toujours dispensés, en effet, dans des abris de fortune et quelques fois même sous des arbres. Comment peut-on raisonnablement obtenir de bons résultats scolaires dans une « école » où les salles de cours, du reste, trop exiguës, sont séparées les unes des autres par des cloisonnements sous un hangar crasseux, fissuré et atteint depuis des lustres par le virus du vieillissement ? Et que dire de cet autre hangar qui a naguère abrité le siège d’une église abandonnée à la fois par son pasteur et par ses fidèles, et qui sert aujourd’hui de salle de classe alors qu’il est visiblement dans un état de délabrement très avancé ? Toutes ces infrastructures éducatives précaires qui ont subi la rigueur du ministre Stanislas Ouaro, ne sont ni viables ni conformes à la règlementation, et on se demande par quelle alchimie les inspections dont elles relèvent, ont pu émettre des avis favorables à leur ouverture. Ceux qui ont la bouche fendue au mauvais endroit, diront que c’est par la magie des espèces sonnantes et trébuchantes, certains responsables de l’Administration étant très… sensibles au gain facile. C’est peut-être pour cette raison que certains agents du ministère de l’Education font grise mine quand on évoque toutes ces irrégularités, et que certains promoteurs ont le culot de se plaindre de cette mesure de fermeture qu’ils qualifient au passage de « mortifère et soviétiforme ». Ils oublient que l’Education est trop sérieuse pour qu’on laisse les écoles pousser comme des champignons après l’orage, ou proliférer comme des kiosques d’alcool frelaté. Cette marchandisation de l’éducation continuera malheureusement tant qu’on ne mettra pas fin au laxisme et à la corruption dans la délivrance des agréments, et au manque de volonté politique de la part de nos dirigeants qui font, il faut le dire, « laisse-guidon » dans la gestion de ce domaine prioritaire. Comment peut-on, en effet, comprendre qu’il existe encore dans ce Burkina de 2020, des écoles publiques sous paillotes, et que des écoles primaires, des CEG et des lycées publics ne reçoivent aucune allocation financière de l’Etat pour leur fonctionnement courant ? Et que dire de la non-délimitation par des clôtures, des domaines scolaires publics ; ce qui pose le problème de salubrité et de sécurité pour les élèves et les enseignants, et qui enfreint les dispositions du décret portant protection du domaine scolaire ? Dans beaucoup de cas, ces domaines sont confondus avec l’espace public, et c’est ce qui explique l’exercice d’activités lucratives par des particuliers en face ou le long de murs d’établissements, sous le nez et… la bouche cousue des responsables de l’Education. Tant qu’à faire donc, pourquoi ne pas s’attaquer à la racine du mal en donnant un coup de pied dans toute la fourmilière, dans sa partie privée comme dans son versant public, si on veut mettre définitivement fin aux écoles informelles et non conformes ? N’oublions pas que si on justifie aujourd’hui l’ouverture anarchique d’établissements d’enseignement sous abris précaires principalement dans les bidonvilles et dans les quartiers périphériques, par l’offre éducative disproportionnée par rapport à la demande, c’est l’Etat qu’on pointe du doigt. A défaut de garantir l’éducation pour tous comme il est de son devoir régalien, l’Etat doit au moins créer les conditions idoines pour la normalisation des écoles créées par des promoteurs privés pour combler le vide et pour donner la chance aux enfants défavorisés à la fois par l’éloignement des structures publiques et par le manque de moyens de leurs parents. C’est vrai que les lignes ont bougé dans le bon sens depuis l’arrivée, en 2018, du ministre Ouaro à la tête du département avec notamment la régularisation de plus d’une centaine d’écoles dites récupérables, mais beaucoup reste à faire pour nettoyer véritablement les écuries d’Augias, Il ne faut pas non plus oublier que les écoles aujourd’hui frappées de fermeture, servent malgré tout de planche de salut pour bon nombre d’enfants qui sont à la peine dans un pays où l’Etat a jusqu’ici failli dans sa mission de rendre l’éducation et l’instruction accessibles à tous. C’est tout cela qu’il faudra corriger.
Sidzabda