FETE DU TRAVAIL SUR FOND DE FRONDE SOCIALE ET DE COVID-19
Le 1er mai, sera célébrée, à travers la planète, la Journée internationale du travail. En rappel et pour l’histoire, cette célébration prend son origine aux Etats-Unis, à Chicago, où le 1er mai 1886, après une mobilisation importante des syndicats, près de 300 000 salariés obtiennent la satisfaction d’une revendication qu’ils portaient depuis 2 ans : la réduction de la journée de travail à 8 heures, qu’ils obtiennent au prix d’énormes sacrifices dont notamment le massacre de Haymarket Square. En souvenir de cette mobilisation et de ce succès, les syndicats européens, à travers notamment la IIème Internationale socialiste réunie à Paris, en 1889, décident d’instituer une Journée internationale des travailleurs qui sera célébrée tous les 1er mai de chaque année. Depuis lors, suivant l’histoire de chaque pays, la date désormais prise en compte par les différentes législations nationales comme journée chômée et fériée, est célébrée sous différentes formes, comme journée des revendications syndicales. Au-delà de l’importance historique de cette date qui marque le souvenir des sacrifices consentis par les ouvriers de Chicago et de tous les combattants tombés sur les champs de bataille pour l’amélioration des conditions de travail et de vie des travailleurs, nul n’ignore l’importance du travail qui comme le résume bien cette citation de Voltaire, « éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin ». Il mérite, de ce fait, cette halte annuelle qui a aussi une importante signification religieuse, notamment chez les chrétiens qui célèbrent, à l’occasion, Saint Joseph, le père adoptif de Jésus qu’il éleva du travail de ses mains. Cette année, au Burkina Faso, comme partout ailleurs dans le monde, la commémoration de cette journée internationale du travail intervient dans un contexte assez particulier, marqué par la pandémie du Covid-19 qui a imposé à l’humanité tout entière, ses lois, allant du confinement à la mise en quarantaine de certaines villes en passant par les interdictions de rassemblements de grand nombre de personnes.
La pandémie du coronavirus menace de scier l’économie nationale et les prévisions de croissance sont des plus alarmantes
C’est donc dire que la journée du 1er mai qui, d’ordinaire, rythme avec les marches-meetings sous la bannière des organisations syndicales avec remise de cahiers de doléances au gouvernement, n’aura pas lieu. Du reste, depuis quelques années déjà, cette tradition de remise des cahiers de doléances au gouvernement, a été interrompue du fait de la rupture du dialogue entre les organisations des travailleurs et les gouvernements successifs de Roch Marc Christian Kaboré. Ce serait faire dans l’euphémisme que de dire que le torchon brûle entre les deux partenaires sociaux, notamment au regard de l’actualité de ces derniers temps, marquée par la fronde relative au prélèvement de l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) sur les indemnités des agents de la Fonction publique et son corollaire de coupures et suspensions de salaires. La fronde sociale entamée depuis quelques années déjà, a atteint un niveau rarement égalé dans l’histoire de notre pays avec parfois des relents de haine insoupçonnés entre syndicats et pouvoir. Et tout laisse croire, au regard de cette atmosphère sulfureuse, qu’à moins de violents efforts faits sur soi-même par chacun des deux camps, l’enterrement de la hache de guerre pour fumer le calumet de la paix, n’est pas pour demain ; tant le partage du gâteau qui est la pomme de discorde, fait de nombreux mécontents et alimente les rancunes. En effet, syndicats et gouvernants n’hésitent même plus à boxer en dessous de la ceinture, foulant au pied la réglementation qui existe en matière de conflits de travail. Et pourtant, c’est maintenant plus que jamais qu’il faut arrêter de se battre pour se remettre au travail. Car, la pandémie du coronavirus menace de scier l’économie nationale et les prévisions de croissance sont des plus alarmantes. Il est de l’intérêt de tout le monde que la machine de production ne se grippe pas car, pour se partager des richesses, il faut d’abord les créer. Cela dit, tous les regards sont tournés vers le président du Faso qui a l’initiative de l’action publique pour trouver les moyens de remettre les Burkinabè au travail. Il a d’ailleurs lui-même doublement intérêt à ce que la machine du travail fonctionne à nouveau à plein régime, car non seulement il a besoin de résultats pour convaincre les électeurs dont il s’apprête à solliciter les voix pour un second mandat, mais il a aussi besoin de faire monter sa cote de popularité au sein de l’opinion publique et de conduire le pays vers des élections apaisées. Et pour ce faire, il ne doit pas perdre de vue que les militants mécontents des syndicats sont parfois les mêmes que ceux des partis politiques.
« Le Pays »