HomeA la uneFRAUDES FISCALES : Plus de 49 milliards  à recouvrer

FRAUDES FISCALES : Plus de 49 milliards  à recouvrer


Mise en place le 10 juillet 2015,   la Commission d’enquête parlementaire (CEP) sur la fraude fiscale, l’impunité fiscale, les restes à recouvrer des régies de recettes ainsi que les chèques revenus impayés du Trésor sur les années 2012, 2013 et 2014, vient de déposer officiellement son rapport qui, du reste, a été transmis au gouvernement par le Conseil national de la Transition. En rappel, les missions de la CEP étaient, entres autres,  d’investiguer sur l’ampleur de la fraude fiscale et de l’impunité fiscale, d’établir un montant estimatif des créances fiscales dues à l’Etat et des restes à recouvrer ainsi que des chèques impayés, de formuler des propositions de recouvrement des créances fiscales et des restes à recouvrer, ainsi que des pistes de solutions aux pratiques de chèques impayés du Trésor  et, au besoin, faire des propositions de lois dans le sens d’une plus grande justice fiscale et de l’assainissement des finances publiques. Voici une synthèse du rapport.

Sur la fraude fiscale et douanière, la CEP a abordé différents aspects. Au niveau de la fiscalité intérieure, la CEP a fait remarquer que « la fraude fiscale est un phénomène lié à la structure de notre économie principalement caractérisée par la prédominance du secteur informel ». Parmi les formes les plus répandues en matière de fraude, il est constaté, entre autres, les déclarations de faillite sans cessation d’activités, la présentation volontaire de bilans toujours déficitaires, les mutations intentionnelles fréquentes de sociétés, la création de plusieurs sociétés souvent fictives par un même individu dans un dessein de dissimulation d’identité, l’utilisation frauduleuse d’Identifiant fiscal unique (IFU), la minoration systématique ou dissimulation de bénéfices, la tenue d’une double comptabilité, la non-tenue de comptabilité, les certifications de faux bilans par des experts-comptables. Outre la fraude sur les marchandises, d’autres pratiques frauduleuses ont également été citées. Il s’agit principalement de la falsification des documents pour changer la date de mise en circulation des véhicules, dans le but de payer moins de droits et taxes de douane, de la fabrication de faux cachets et de fausses cartes grises aux fins de fausses opérations de dédouanement, des fausses factures, des fausses déclarations et la falsification des documents, de la présence de véhicules non dédouanés dans des parcs autos privés, du transport de marchandises diverses dans des remorques ou semi-remorques qui ne permet pas aux agents des douanes de détecter la nature des marchandises transportées et de l’utilisation frauduleuse des numéros IFU lors des formalités de dédouanement. S’agissant des chèques impayés, la commission rapporte qu’elle a examiné « le processus de traitement du chèque dès sa réception (receveurs des impôts et des douanes), son enlèvement et sa présentation en compensation en banque par le Trésor public ». Pour elle, « les informations reçues par la CEP ont convaincu les commissaires de l’existence de réseaux d’agents indélicats qui pourraient se trouver tant au niveau du Trésor public que dans certaines régies financières ». Il est dénombré 4 663 chèques couvrant la période 2012-2015. Toujours sur la question des chèques, la CEP a fait les observations suivantes : « dès leur réception, 10,93 % des chèques sont déjà hors délai légal de présentation en compensation qui est de 8 jours ; le temps moyen mis par le Trésor public pour traiter les chèques et les présenter en compensation est de 7 jours. Il en résulte que 100% des chèques émis sont habituellement présentés hors délais ; les services impliqués dans la réception et la présentation des chèques en compensation doivent encore faire plus d’efforts pour améliorer les délais de traitement de ces chèques ».

Les chiffres de la fraude

 Selon le rapport de la CEP, celle-ci « est parvenue dans les limites des données recueillies et a appréhendé l’ampleur de la fraude fiscale et de l’impunité fiscale. Elle a statué sur le montant estimatif des créances fiscales dues à l’Etat et des restes à recouvrer ainsi que le montant des chèques impayés ». Sur la base d’hypothèses, la commission a estimé les pertes liées à la fraude fiscale sur les motos et le carburant. Les pertes fiscales annuelles liées à la fraude sur les motos se chiffrent entre 2 268 000 000 et 22 680 000 000 F CFA. A cela, il faut ajouter celles liées à d’autres types de marchandises transportées par ces motos qui sont difficiles à évaluer. Mais sur la fraude liée au carburant, le manque à gagner pour l’Etat se situe autour de 21 807 134 875 FCFA. Les restes à recouvrer des prêts contractés par les membres du gouvernement, présidents d’institutions, députés et personnes morales, de 2012 à 2014, s’élèvent à 49 036 399 561 F CFA. Pour la période 2012-2015, le montant des chèques impayés s’élève à 29 876 366 935 F CFA. La plus importante porte d’entrée des chèques impayés est la douane. 58,65% des chèques ont été remis par des contribuables en règlement d’opération de dédouanement ; 22,56% des chèques proviennent des contribuables venus s’acquitter des impôts et taxes à la DME et à la DGE ; 4,23% ont été directement remis aux services du Trésor public et 14,57% à d’autres administrations.

Michel NANA

ENCADRE 1

 

Aziz Sana, membre de la Commission, à propos des difficultés rencontrées par les enquêteurs

 

« Les difficultés que nous avons rencontrées dans le cadre de l’enquête sur la fraude fiscale sont multiples. On a eu des difficultés pour avoir les contacts téléphoniques  ou identifier les domiciles des personnes soupçonnées de fraudes, de détournement et de pratiques irrégulières en vue de leur audition. Il était difficile aussi d’obtenir certaines données au niveau de la Direction générale des impôts. Les données étaient difficiles à traiter par les agents, ou bien il n’y avait pas de réseau pour le traitement de ces données. La 3e difficulté est l’interruption des deux derniers jours consacrés à l’audition des débiteurs. Au regard de la situation qu’a occasionnée le coup d’Etat. Les auditions devraient s’arrêter le 17 septembre,  mais on a été interrompu dès le 16. On n’a donc pas pu élargir la liste des auditions. La 4e difficulté est que les personnes enquêtées avaient souvent peur de témoigner parce qu’elles se voyaient déjà derrière les barreaux. On sentait vraiment la peur, mais on faisait tout pour les rassurer que leurs témoignages étaient très importants. En plus, au niveau des personnalités politiques du régime déchu,  beaucoup étaient rétractées car elles percevaient notre enquête comme une chasse aux sorcières. Elles étaient donc beaucoup réservées quant à leurs témoignages. Une autre difficulté technique a concerné les chèques impayés parce que normalement, un chèque doit avoir une date d’émission et de signature. Mais il est arrivé que des chèques qui ont été découverts au niveau du Trésor n’aient ni date, ni signature. Donc il était difficile de retracer leur origine ».

ENCADRE 2

Tableau 1 : Situation globale des RAR (DGE et DME) au 31/12/2014

Structures Montant RAR en FCFA Poids des RAR
DGE 112 785 497 181 91,2%
DME Centre 7 839 400 598 6,3%
DME Hauts-bassins 3 293 137 713 2,7%
Total 123 618 035 492 100,0%

Source : DGI

Récapitulatif par régies des chèques revenus impayés de 2012 à 2015

Régie Montant Pourcentage par montant
Douane 17 522 360 925 58,65%
Impôts 6 739 014 701 22,56%
Trésor 1 263 056 009 4,23%
Autres 4 351 935 300 14,57%
Total général 29 876 366 935 100,00%

Source : DGTCP

Tableau 2: Récapitulatif par banque des chèques revenus impayés de 2012 à 2015

Banques Montant total Pourcentage par montant Nombre de chèque
Banque Atlantique 6 586 737 562 22,05% 596
ECOBANK 4 397 482 467 14,72% 746
CBAO 4 346 195 752 14,55% 230
BSIC 2 546 874 998 8,52% 253
BOA 2 493 202 650 8,35% 579
CORIS BANK 2 378 387 902 7,96% 767
BCB 2 350 372 316 7,87% 591
ORABANK 1 170 380 796 3,92% 117
UBA 945 761 346 3,17% 247
BHBF 766 122 359 2,56% 99
BRS 626 546 174 2,10% 155
SGBF 373 888 212 1,25% 99
BICIAB 362 120 304 1,21% 115
BACB 312 149 436 1,04% 2
BIB 206 051 578 0,69% 43
BDU 8 646 859 0,03% 19
BCEAO 5 446 224 0,02% 5
Total général 29 876 366 935 100% 4 663

Source : DGTCP

 

 


Comments
  • Jean Gabriel Yameogo Merci mon Dieu pour avoir ôté la gangrène qui enveloppait et asphyxiait l’économie nationale et, au-delà, le peuple burkinabé. Comment se développer dans ce magma organisé au plus haut sommet de l’Etat? Et comme l’avait si bien dit un des pontes de l’époque, en aparté, je cite: “si le pays refuse de se développer, développes-toi, toi même” . Autrement dit, comme la corruption est devenue le sport national par excellence, pour ne pas dire le sport de masse connu sous le CNR, il faut faire comme tout le monde, i.e. voler. Voilà où nous en étions réduits: une économie où la corruption, la concussion, les détournements et autres délits mafieux, en un mot le braquage à “ciel ouvert” du peuple, en étaient devenus les règles de fonctionnement. Pendant ce temps, les honnêtes citoyens étaient considérés, dans cette mafia digne de Al Capone, avec en sus l’appui bienveillant de la justice aux ordres et des institutions de l’Etat à la solde, comme des extra-terrestres. A cet effet, ils étaient traqués jusqu’à leur dernier retranchement pour s’acquitter de peccadilles comme impôt, sinon leur gagne-pain était tout simplement fermé “pour impôt”. Combien de pères et mères de familles ont vu leur boutique ou PME fermées pour n’avoir pas pu s’acquitter de 100 000 FCFA d’impôt, voire moins? Au même moment, le tapis rouge était déroulé aux manitous et autres fraudeurs de tout poils qui, sous le couvert d’exonérations fiscales indues, qui, par des sous-déclarations en douane ou des remises injustifiées de pénalités pour retard ou refus de paiement d’impôt. Heureusement que le Bon Dieu veille et a décidé, en son temps, de mettre un holà à cette misère crasse qui étouffait ses orphelins bien aimés. C’est pourquoi, j’en appelle à tous les croyants de tous bords à poursuivre les prières pour rendre gloire à Dieu et lui demander de nous préserver dorénavant de cet “ébola” qui a fait tant de carnages parmi son peuple béni et élu. Bonne journée à tous dans la paix du Seigneur.
    Vive le peuple Burkinabé!!!
    Vive le Burkina Faso!!!

    19 octobre 2015

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