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FRONDE ANTI-IBK


Après deux mobilisations d’envergure, en juin dernier, pour demander la démission du président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK), le Mouvement du 5-Juin semble avoir mis de l’eau dans son thé, en ne faisant plus du départ du chef de l’Etat malien du pouvoir, un préalable à tout dialogue. Une position présentée comme un « esprit d’ouverture au dialogue » et réaffirmée, le 1er juillet dernier, au cours d’une conférence de presse où a été égrenée une liste des exigences des contestataires sans que l’on n’y trouve trace du départ du palais de Koulouba, de son locataire actuel. Un revirement spectaculaire de position auquel la diplomatie souterraine ne semble pas étrangère et qui laisse entrevoir des lueurs d’espoirs quant à la possibilité d’une sortie de crise négociée et pacifique dans un pays déjà confronté à de grands défis dont celui de la lutte contre le terrorisme. Un rétropédalage qui intervient aussi au moment où le Chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, vient de boucler ses 100 jours de captivité aux mains de ses ravisseurs. La question reste maintenant de savoir si le schéma politique proposé, sauvera le Mali.

On ne peut vraiment jurer que toutes les exigences des contestataires passeront comme une lettre à la poste

A court terme, cela peut permettre de sauver les apparences de la démocratie et de faire baisser le mercure social en vue d’engager des pourparlers. Mais à plus long terme, l’on se demande si l’attelage proposé pourra tenir la route. La question est d’autant plus fondamentale que les exigences des contestataires portent non seulement sur la dissolution du Parlement et le renouvellement de la Cour constitutionnelle, mais aussi sur la formation d’un gouvernement de transition dont le Premier ministre serait issu de ses rangs, avec les pleins pouvoirs pour conduire ladite transition. Pour un président qui tire sa légitimité des urnes, IBK acceptera-t-il de se laisser dépouiller de ses pouvoirs constitutionnels pour n’être réduit qu’au simple rôle d’inaugurer les chrysanthèmes ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. En attendant, on ne voit pas quelle autre solution a le pouvoir de Bamako déjà bien acculé, que de saisir cette main tendue des contestataires, qui pourrait permettre déjà de ramener le calme dans la rue. Mais on ne voit pas non plus le président IBK accéder, en victime expiatoire, à toutes ces revendications qui ne visent qu’à le dépouiller de ses prérogatives en ne lui laissant que ses boubous, à défaut d’avoir réussi à le défenestrer du palais de Koulouba. C’est dire si l’on ne peut vraiment jurer que toutes ces exigences des contestataires passeront comme une lettre à la poste. C’est pourquoi l’on attend de connaître la position du chef de l’Etat malien qui connaît bien la classe politique de son pays et a aussi à cœur de sauver son honneur. Car, si, comme le pensaient certains, la démission du chef de l’Etat n’était qu’une surenchère des contestataires visant à mettre la barre des revendications haut pour en tirer le maximum de profits, il faut s’attendre à ce que, de son côté, le président malien puisse choisir de lâcher du lest sans perdre la face. Car, l’on semble s’acheminer au Mali, à une véritable cohabitation politique. Cela permettra-t-il de sauver le pays et de le sortir de l’ornière ? L’histoire nous le dira.

Plus que le changement d’hommes, c’est un changement de paradigme dont a besoin aujourd’hui la classe politique malienne

En attendant, sans forcément vouloir absoudre complètement le pouvoir d’IBK de ses péchés, on a le sentiment que l’opposition malienne est en train de chercher, par la rue, ce qu’elle n’a pu obtenir par les urnes. C’est pourquoi l’on peut craindre que tout ce ramdam ne conduise finalement à des arrangements entre politiciens, sur le dos du pauvre peuple. Au demeurant, s’il ne s’agit que d’occuper des postes, on trouvera toujours des hommes, aussi bien dans la majorité au pouvoir que dans l’opposition, pour le faire. Mais cela résoudra-t-il pour autant les questions de fond quant aux aspirations du peuple malien ? Rien n’est moins sûr. Car, l’histoire a souvent montré qu’il est plus facile de prendre le pouvoir par la rue, que de le gérer efficacement. Et rien ne dit que ceux qui veulent aujourd’hui la tête de IBK, feront mieux que lui dans ce contexte particulièrement marqué par la poussée djihadiste. C’est pourquoi l’on est porté à croire que plus que le changement d’hommes, c’est un changement de paradigme dont a besoin aujourd’hui la classe politique malienne, pour mettre l’intérêt de la Nation au centre de toutes les préoccupations. Autrement, les régimes auront beau se succéder, cela ne changera fondamentalement rien à la situation.  En attendant, si la cohabitation est le prix à payer pour sortir le pays de la crise, aucun sacrifice n’est de trop quand il s’agit de sauver la Nation. C’est peut-être le moindre mal face aux incertitudes d’une démission forcée du chef de l’Etat, qui aurait été un précédent dangereux pouvant faire jurisprudence au Mali. Car, au-delà des risques de déstabilisation du pays, c’est la démocratie en elle-même qui serait fortement ébranlée dans ses fondements, sur les rives du fleuve Djoliba.
 
« Le Pays »


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