HomeBaromètreGESTION DU MENA : Le SNEP/PD interpelle le ministre Jean Martin Coulibaly

GESTION DU MENA : Le SNEP/PD interpelle le ministre Jean Martin Coulibaly


Ceci est une lettre ouverte adressée au ministre de l’Education nationale et de l’alphabétisation par le Syndicat national des encadreurs pédagogiques du premier degré. La lettre aborde la gestion du MENA. Lisez plutôt !

 

Monsieur le Ministre,

Par cette lettre, nous tenons à attirer votre attention sur un certain nombre de préoccupations relatives à la gestion de votre département ministériel. Ces préoccupations concernent, entre autres :

  Le plan de carrière des personnels de l’enseignement du premier degré ;
  Les moyens de travail ;
  La responsabilisation des agents aux postes stratégiques du MENA.

Monsieur le Ministre, la qualité de l’enseignement au Burkina Faso est une des préoccupations du Ministère de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation (MENA). Pour y parvenir, le Ministère doit compter sur des hommes et des femmes qualifiés et qui se sentent dans leur peau à tous les échelons. Mais concernant la carrière des personnels de l’enseignement du premier degré en général, de celui de l’encadreur pédagogique du primaire en particulier, nous ne vous apprenons rien sur le long chemin que doit parcourir le breveté des lycées et collèges pour parvenir au sommet de sa fonction. Néanmoins, nous vous le rappelons pour les besoins de l’exercice. Recruté niveau BEPC, l’élève-maître doit subir deux (2) ans de formation à l’issue desquels il sort nanti du diplôme du Certificat Elémentaire d’Aptitude Pédagogique (CEAP). Nous faisons ici l’économie de toutes les formes et dénominations qu’a connues ce diplôme suivant le tâtonnement historique de notre système éducatif. Sorti donc de l’ENEP avec ce diplôme, l’instituteur adjoint certifié est reclassé en catégorie C échelle 1 (C1) et affecté à un poste de travail où, après cinq (5) ans dans l’Administration publique dont trois (3) ans d’enseignement effectif, il est autorisé à passer son deuxième examen professionnel [le Certificat d’Aptitude Pédagogique (CAP)] qu’il obtiendra en deux (2) ans dans le meilleur des cas (s’il n’échoue pas à l’année d’écrit ou à l’année de pratique). Il est alors reclassé comme Instituteur Certifié (IC) en catégorie B échelle 1 (B1) et pourra postuler à son premier concours professionnel après trois (3) ans d’enseignement effectif en qualité d’Instituteur Certifié. C’est là que l’injustice commence à prendre corps dans le corps des enseignants. En effet, l’Instituteur certifié (IC) a le choix entre l’Administration scolaire et l’encadrement pédagogique. Deux cas de figure se présentent dans cette situation :

  1er cas : L’IC n°1 qui se présente au concours de l’Ecole Nationale
d’Administration et de Magistrature (ENAM) cycle A, sort après deux ans de formation avec le titre de Conseiller d’Administration Scolaire et Universitaire (CASU) ou de Conseiller d’Intendance Scolaire et Universitaire (CISU) et est reclassé dans la catégorie A échelle 1 (A1). Il est de ce point de vue à grade égal avec l’Inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré (IEPD) ou le Professeur Certifié des lycées et collèges recruté niveau licence.

  2e  cas : L’IC n°2 qui se présente au concours des Instituteurs Principaux (IP),
subit un (1) an de formation et est reclassé à sa sortie dans la catégorie A, échelle 3 (A3). Après trois (3) années d’exercice de ses fonctions d’Instituteur Principal, il est autorisé à passer le concours des Conseillers Pédagogiques Itinérants (CPI). Il subit deux ans de formation à l’issue desquels il est reclassé en catégorie A échelle 2 (A2). Ce nouveau statut de CPI lui donne le privilège de se présenter, après trois années de fonction effective en qualité de CPI, au concours de l’Inspectorat de l’enseignement du premier degré. Là encore, il subit deux ans de formation avant d’accéder enfin à la catégorie A échelle 1 (A1) à son reclassement en qualité d’Inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré (IEPD).

 

Ainsi, ce que l’instituteur n°1 a obtenu en deux (2) ans, c’est-à-dire le reclassement en A1, l’instituteur n°2 le poursuit pendant onze (11) longues années de sa vie, s’il réussit coup sur coup à tous les concours. Quelle endurance ! Il y parvient donc physiquement épuisé, économiquement ruiné par cinq (5) années de coupure d’indemnités, socialement au bas de l’échelle car n’ayant rien pu réaliser au regard de son maigre salaire qu’il a du reste utilisé pour se former. Or, nous vivons dans un monde où « celui qui n’a rien n’est rien ». Cette situation entraîne la clochardisation du métier d’enseignant du primaire en général et de celui de l’encadreur pédagogique du primaire en particulier.

 

On nous dira qu’il y a un raccourci si l’IC a un diplôme universitaire. Mais là encore, la situation est plus dramatique. On demande à l’IC titulaire d’une licence et après 5 ans d’ancienneté en cette qualité et à l’IP titulaire d’une licence, après deux ans de service effectif de passer le concours des Conseillers Pédagogiques Itinérants. A leur sortie d’école après deux ans de formation, nous croyons qu’ils sont à un niveau Bac+5. Doit-on les reclasser en A2 ? Pire, dans cette logique de décapitalisation des acquis, on permet au CPI de passer le concours des IEPD après deux ans de service en qualité de CPI, avec la même licence. Quel non sens ! Cela s’appelle en français facile, « faire du sur place ». Un simple calcul empirique fait remarquer que l’IEPD a, au moins, un niveau Bac+7. Il suffit de regarder les textes de la Fonction publique pour savoir où celui-ci doit être reclassé. Comme le dit un proverbe moaga, “nif sên ne ka bag n yet ye”. Littéralement traduit, “ce qui est visible à l’œil nu n’a pas besoin d’être révélé par un charlatan”.

 

Ainsi donc, Monsieur le Ministre, il faut au minimum 21 ans de service à un élève instituteur adjoint certifié pour accéder au sommet de la montagne. N’est-ce pas là le plan de carrière le plus long de la Fonction publique ? A la vérité, la majorité du personnel de l’enseignement du premier degré ira à la retraite sans même avoir franchi la catégorie B, sans avoir jamais été décoré et ceci après avoir produit pour la Nation, ce qu’aucune industrie au monde ne pourra produire : le capital humain. Quelle honte pour le pays des Hommes intègres ! Pourtant, eux, ils ont servi loyalement l’éducation et le pays à contrario de ceux qui, aujourd’hui, n’ont d’autres ambitions que de se servir du service public de l’éducation. Même si “comparaison n’est pas raison”, force est de reconnaître que les personnels de l’enseignement primaire et leurs encadreurs pédagogiques sont lésés, brimés, opprimés par leur propre patrie, sous le regard coupable et/ou indifférent d’hommes et de femmes avertis qui vous ont devancé à la tête de ce ministère ou du ministère de la Fonction publique. Comme le disait Feu Norbert Zongo, “le drame de notre monde, ce n’est pas la méchanceté des gens mauvais, mais le silence des gens bien”. Au nom de cette injustice, certains (les nouveaux venus à la faveur de la fusion) nous considèrent comme des caporaux qui doivent être mis sous leur coupe car ils s’estiment, eux, les généraux du “MENA NOUVEAU”. Mais dites-nous : qu’est-ce qu’un IES connaît pédagogiquement et qu’un IEPD ignore, avec ce parcours de formation décrit plus haut, formation reçue des mêmes formateurs et presque avec les mêmes contenus à l’ENS/UK ? (Nous y reviendrons.)

 

Il est temps, au nom de la dignité humaine et de la justice sociale, que cesse cet esclavage malicieusement orchestré dans les textes de la Fonction publique. La refondation du corps enseignant dans son ensemble à travers un plan de carrière attrayant, valorisant et flexible, qui soit un véritable outil de développement des compétences et de la professionnalité du personnel enseignant, est plus que jamais un « impératif catégorique » ; mais en attendant cela, le reclassement des Instituteurs Principaux en A1, des Conseillers Pédagogiques Itinérants (CPI) et des Inspecteurs de l’Enseignement du Premier Degré en catégorie P ne serait que justice rendue à un corps de combattants dont l’apport à notre système éducatif n’est plus à démontrer. Nous interpelons le gouvernement de Monsieur Paul Kaba Thiéba et les plus hautes autorités de notre pays pour une correction rapide de cette injustice vieille de plusieurs décennies. La couleur des années scolaires à venir en dépend largement. De toutes les façons, qu’il pleuve ou qu’il neige, nous briserons les chaînes de cet esclavagisme professionnel digne d’un autre âge.

 

Monsieur le Ministre, notre deuxième préoccupation concerne les moyens de travail mis à la disposition des encadreurs pour l’accompagnement pédagogique des enseignants sur le terrain et pour le fonctionnement des écoles et des Circonscriptions d’éducation de base (CEB). En effet, dans les instructions de rentrée, il est clairement établi que le CPI doit effectuer trois visites de classe par semaine et l’IEPD, Chef de circonscription, une visite d’école par semaine. Pourtant, dans bon nombre de CEB, il n’y a aucun moyen logistique pour accomplir ces missions. Quelques encadreurs (les plus heureux) ont des motos dont l’âge varie entre une et trois décennies. Peut-on faire un encadrement de proximité dans ces conditions ? Vu le parcours calamiteux de l’encadreur pédagogique ci-dessus évoqué, doit-il achever sa propre vieille moto (s’il en a encore une) qui lui reste à l’autel du devoir professionnel ? Le comble, Monsieur le Ministre, c’est que le carburant mis à la disposition de chaque encadreur pour couvrir le trimestre suffit à peine à couvrir une journée de sortie de terrain (60 000F CFA/ trimestre pour l’Inspecteur, les conseillers et le fonctionnement du service de l’inspection). La clé de répartition est la suivante : 1/5 pour la gestion, 2/5 pour le CCEB et 2/5 pour le CPI. Mathématiquement et dans le meilleur des cas, dans une CEB où il y a un IEPD et un CPI, chacun reçoit 24 000F CFA de carburant par trimestre, soit 8 000 F CFA par mois pour aller trois fois par semaine en visite de classe pour le CPI (666 F CFA /visite classe) et une fois par semaine en visite d’école pour le CCEB (2 000 F CFA/visite école). Cela répond à quel barème quand on sait que pour certains, les sorties d’encadrement pédagogique sont des missions gracieusement payées ? Quel encadrement de qualité peut-on faire avec ça ? Quelle école de qualité peut-on construire ? Manifestement, entre les principes, les objectifs, les résultats attendus et les faits et moyens mis en œuvre, il y a incohérence, voire contradiction. D’ailleurs, au cours de l’année scolaire écoulée (2015/2016), les encadreurs n’ont reçu, après le carburant de rentrée, aucune goutte d’essence pour effectuer les sorties. Que reste-t-il alors à faire à l’encadreur sans moto et sans carburant ?

 

En plus de l’encadrement pédagogique, l’Inspecteur, Chef de Circonscription a l’obligation de faire tourner la grosse machine qu’est le bureau de l’inspection (communication, ventilation de courriers divers, entretien et gardiennage des locaux, établissement des actes administratifs…). Curieusement, le ministère ne prévoit aucun budget pour le fonctionnement de ces services. Le pauvre inspecteur doit se débrouiller pour faire tourner la machine, organiser les compétitions sportives et culturelles (OSEP/OPCEP). Où est donc cette priorité nationale de l’éducation si les acteurs à la base n’ont aucun moyen pour faire leur travail ?

 

Monsieur le Ministre, nous avons des familles à nourrir, à soigner et leur offrir des loisirs, des enfants à scolariser, notre honneur et notre dignité à préserver. Nous ne pouvons donc plus continuer à sacrifier le peu qui nous revient de droit après service rendu à la Nation, au nom de la conscience professionnelle. La Nation doit cesser de sucer le sang de ses fils et filles qu’elle a engendrés en les spoliant insidieusement de leur dû. Si rien n’est entrepris pour rembourser le reliquat du carburant de l’année écoulée avant la rentrée scolaire 2016-2017, si aucune initiative n’est prise pour permettre le fonctionnement efficient des services déconcentrés que sont les CEB, alors ne vous attendez à aucun résultat. Les encadreurs pédagogiques ne seront plus le mouton sacrificiel pour la fête des convives au nouveau MENA.

 

Monsieur le Ministre, notre troisième préoccupation se rapporte aux nominations à la tête des services stratégiques du MENA nouveau (fusion du préscolaire, du primaire, du post-primaire et du secondaire). La première nomination qui a fait du bruit fut celle de l’actuel Secrétaire Général (SG/MENA). Mais cette grogne s’est rapidement estompée car ceux qui se croyaient “généraux” devant lui, se sont vite rendu compte qu’ils étaient face à un maréchal. Depuis lors, nous avons suivi avec intérêt toutes les nominations. Les dernières en date ont vu le balayage des IEPD tel un tsunami, des directions régionales (DRENA) et centrales et la montée en puissance des IES (Inspecteurs de l’Enseignement Secondaire). Ces faits ont fini de nous convaincre que vous avez choisi votre camp en vous saisissant de la malencontreuse sortie de nos collègues encadreurs du secondaire pour mettre en œuvre votre plan de sabotage du corps enseignant du primaire, à travers la déchéance de leurs supérieurs hiérarchiques que sont les IEPD des différents postes de responsabilité. Sans contester les personnes en qui vous avez choisi de placer votre confiance parce que cela relève de vos prérogatives régaliennes en tant que premier responsable du département, nous sommes en droit, tout de même, de nous interroger sur les mobiles de ce nettoyage corporatiste. Est-ce pour incompétence ? Nous en doutons fort car ce sont eux qui, pendant des décennies, ont fait de ce ministère ce qu’il est avec, bien entendu, toutes les imperfections liées à la nature humaine.

 

Est-ce le prétexte de la classification catégorielle ? A ce niveau, jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas de hiérarchie entre le corps enseignant du primaire et celui du secondaire. En d’autres termes, un IES n’est pas le supérieur hiérarchique d’un IEPD. Tous les deux sont des cadres supérieurs du degré d’enseignement dont ils relèvent. Au ministère de la Santé, des attachés sont nommés à des postes de responsabilité sans pour autant susciter l’émoi des autres cadres. Le mérite de chaque Burkinabè doit être reconnu et mis à contribution, surtout dans le contexte actuel fait de défis de tous ordres pour la Nation burkinabè. Nos collègues du secondaire, en vous servant l’argument de la catégorie P, ont commis ce qu’on appelle « le crime de l’infatuation ». Pourtant, de l’ancien MESS d’où ils sont venus, nul n’a entendu les professeurs d’université arguer que les postes de responsabilité leur revenaient de droit et d’autorité, même intellectuelle. Pourquoi ? Parce que, eux sont de vrais intellectuels qui savent qu’une telle attitude est administrativement insensée, professionnellement improductive, moralement indécente, humainement inconcevable et que, par-dessus tout, la république de Platon est une utopie.

 

Est-ce la qualification académique ? Là aussi, peine perdue. Ils sont nombreux ces enseignants du primaire en général, ces encadreurs pédagogiques du premier degré en particulier qui sont d’un niveau académique supérieur à des IES. Pour vous donner une petite indication, allez dans les ENEP pour vous rendre compte de l’incongruité et de l’escroquerie intellectuelle. La majorité a des diplômes universitaires mais à leur sortie, ils seront reclassés dans une catégorie inférieure par rapport à leurs camarades de même niveau académique qui ont eu la chance d’être admis au concours des professeurs du secondaire. Le degré d’enseignement dans lequel on exerce doit-il être facteur d’inégalités socio- professionnelles et salariales ?

 

Le complexe de supériorité des enseignants du secondaire vis-à-vis de leurs collègues du primaire s’explique par l’origine sociale des uns et des autres à la création du corps enseignant par le décret napoléonien du 17 mars 1808, « article 1 : il sera formé sous le nom d’université impériale, un corps chargé exclusivement de l’enseignement et de l’éducation dans tout l’empire ». Nous faisons référence à la France parce qu’en vérité, il n’existe pas encore d’école burkinabè ; il existe plutôt une école française au Burkina Faso. Par conséquent, c’est l’histoire du système éducatif français qui nous offre des clés de lecture des mouvements et soubresauts de l’école burkinabè. Durkheim (1938) ne disait-il pas qu’« une histoire de l’enseignement est la meilleure des écoles pédagogiques » ? Ceci étant, les instituteurs et les professeurs comme on les appelait à l’époque en France (c’est toujours malheureusement le cas au Burkina Faso) ont été longtemps issus de deux catégories bien distinctes : les premiers sont issus d’un corps laïc institué par la République et envoyés dans les campagnes ; les seconds sont issus d’une corporation universitaire, semi-cléricale, d’ancien régime, née de l’essor des villes. Leurs fonctions initiales sont également divergentes : les uns ont pour vocation d’instruire le peuple ; les autres de former une élite. Ils étaient formés dans deux structures différentes : les Ecoles Normales (EN) depuis 1810 forment les instituteurs (1838 pour les institutrices) et les Centres pédagogiques régionaux (CPR) depuis 1952 pour les enseignants des écoles primaires supérieures (EPS) et ceux des lycées et collèges du secondaire. L’école en ordres était fondée sur cette dualité primaire /secondaire qui va, du reste, se dépeindre sur les spécialistes de l’éducation par leur classification en Républicains, qualifiés de passéistes et Pédagogues, réputés novateurs dont les figures archétypales sont Jean Claude Milner et Philippe Meirieu ; les premiers estimant que pour enseigner, il faut savoir ce qu’on enseigne donc la matière ou discipline enseignée que Felouzis (1997) a nommé « ritualisme académique » ; les seconds défendant la méthode et l’enfant car, pour eux, pour enseigner, il faut connaître d’abord celui à qui on enseigne et comment enseigner, d’où l’appellation « pragmatisme pédagogique ».

 

Ces vieilles contradictions furent résolues au 20e siècle grâce à l’évolution dans le domaine des sciences de l’éducation. « L’opposition entre les savoirs et la pédagogie est l’une de ces fausses querelles qui alimentent périodiquement le débat public sur les positions éducatives en France. Qu’on ne puisse pas bien enseigner ce qu’on ne sait pas bien, ce qu’on ne maîtrise pas intellectuellement, c’est là une évidence qui ne devrait pas avoir besoin d’être rappelée avec insistance et théorisée de façon savante tellement elle est triviale et primordiale […] Autre vérité primordiale et triviale, symétrique et complémentaire de celle évoquée ci-dessus : il ne suffit pas de bien savoir quelque chose pour savoir bien l’enseigner, c’est-à-dire pour savoir le faire comprendre et le faire apprendre. » Forquin (1993).

 

A partir des années 40-50, s’amorce le difficile parcours vers l’école unique réalisée finalement en 1975 à travers la loi Haby. Les conditions de travail se modifient pour les uns et les autres avec l’évolution sociale du corps des instituteurs, la syndicalisation du corps enseignant, les modifications des tissus sociaux affectés par l’urbanisation, l’expansion de l’enseignement privé, l’élévation du niveau général d’instruction du peuple, la modification du statut du savoir et de ses modes d’acquisition sous l’effet des TIC. Les distinctions initiales de recrutement entre populaires et bourgeois s’estompent. L’école unique d’aujourd’hui, du point de vue historique et sociologique, est une école en degrés (pas en ordres comme toujours certains) avec un corps enseignant unique, un niveau de recrutement unique (licence en 1989 et master pour certains pays d’Europe) et un lieu de formation unique (création des IUFM par la loi d’orientation du 10 juillet 1989, article 17, encore appelée loi Jospin) avec des enseignements tronc commun et des enseignements spécifiques. Soit dit en passant, l’école unique en degrés est continue d’où le nom de système éducatif. Le concept de continuum éducatif forgé et forcé récemment par le Burkina Faso est une véritable aberration, un non-sens dans l’absolu.

 

Certes le Burkina traîne les pieds à aller dans le sens d’une véritable réforme du corps enseignant pour le conformer aux exigences de l’évolution socio-historique et technologique du 21e siècle, mais raviver cette ancienne rivalité primaire/secondaire, dont l’origine remonte à 3 siècles en arrière, relève tout simplement de l’inculture, d’absence de vision et de convictions refondatrices, innovatrices et fécondatrices pour notre système éducatif. Nous, enseignants et encadreurs du primaire, ne tomberons nullement dans cette querelle indécente que l’on tente de nous vendre car nous ne sommes pas atteints par le syndrome du nivellement vers le bas. Etre du primaire ne signifie nullement que l’on est, soi même, primaire. Le corps enseignant du premier degré a été créé humble, modeste, respectueux, travailleur et socialement intégré et il le restera contre vents et marées et malgré les aléas d’un système éducatif parfois désorienté. Si on s’évertue à réveiller le volcan qui sommeille, son éruption n’épargnera personne au MENA. Si, en tant que cadres (encadreurs pédagogiques du primaire et du secondaire) de ce département ministériel, nous ne pouvons espérer bien plus pour nos enfants, nos frères et nos petits-fils que pour nous-mêmes, alors c’est perdu pour le système éducatif burkinabè. La sagesse recommande que le département soit géré de façon équilibrée entre le préscolaire, le primaire et le secondaire, sans hégémonisme d’aucune des composantes. Un adage populaire nous enseigne que « lorsque des éléphants se battent, c’est l’herbe qui en pâtit » ; nous ne voulons pas que les enfants du Burkina Faso soient les victimes des basses ambitions de certains de siéger à la droite du « père » ou de souper à la table du « seigneur ». Un proverbe moaga dit que « yêbg roog sân n dat waabo, a boonda a kamb kêer ti wùuse, wal witu, n vend bâmba ». (Quand la maison du crocodile veut se détruire, il commence à considérer certains de ses fils comme des iguanes ou des gueules-tapées et les avale). L’injustice, l’orgueil, le mépris des autres, la division, sont des antivaleurs qui ne doivent nullement prospérer dans le secteur de l’éducation. Les postes de responsabilité sont des postes de coordination, de management pour la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de la politique éducative du pays et tout cadre supérieur, indistinctement de sa catégorie, est à même de l’assumer avec un minium de bon sens qui, du reste, serait « la chose la mieux partagée », selon Descartes.
Réfléchissons ensemble au sens de ces mots de François Cheng, écrivain franco-chinois, poète, calligraphe, romancier et académicien :

« C’est l’espace entre les mots et les lignes qui crée le sens de la phrase.
C’est le blanc dans l’image qui permet à la forme d’émerger.
C’est le silence entre les notes qui structure la mélodie.
C’est l’écoute de ce qui n’est pas dit qui crée la compréhension.
C’est la pause intérieure qui ouvre la parole vraie.
C’est l’espace de respect entre les personnes qui conditionne la liberté ».

 

Sur ce, monsieur le Ministre, veuillez croire en l’assurance de notre pleine et entière disponibilité.

Vive les personnels de l’enseignement du premier degré !

Vive le SNEP/PD !
Solidarité-Honneur-Travail.

 

Ouagadougou, le 22 août 2016.
Le Secrétaire Général

 

Bertin TOE
Inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré
Chevalier de l’Ordre du Mérite burkinabè

 


Comments
  • Bon regard!

    24 août 2016
  • Une telle sortie contre le corps d’encadrement du secondaire est vraiment malheureuse, sortie qui traite tous les encadreurs du secondaire comme de faux intellectuels, comparés comme ce fameux syndicat le dit, aux enseignants du supérieurs qui eux seraient de vrais intellectuels. A une des interrogations posées par cette diatribe, je souhaiterais qu’un IEPD/CPI aille suivre un cours de mathématiques ou de français en terminale à la rentrée prochaine et faire son rapport, dans la mesure où selon ce brûlot l’IEPD ou le CPI a les mêmes compétences pédagogiques qu’IES ou un CPES. Un peu de modération aurait permis peut-être de comprendre certaines récriminations mais insulter bassement tout le corps d’encadrement du secondaire est vraiment navrant. Le souhait manifeste de ce papier c’est de revenir à l’ancienne formule où les IEPD vont régner en maître sur leurs esclaves les CPI/IP/IC/IAC et autres : le MENA gagnerait à créer 2 directions régionales différentes Enseignement Primaire/ex-MESS pour éviter de faux conflits de compétences. Si cela advenait je souhaiterais qu’on confie la gestion de certaines DRENA-primaires à des IAC qui ont des diplômes académiques ! Désolant qu’un tel écrit provienne d’intellectuels et surtout d’une organisation syndicale

    24 août 2016
    • je crois que vous comprenez très mal l’intervention de mr Toe. Dans ses propos il n’a traité personne de faux intellectuels. Seulement il plaide pour une justice et égalité dans le traitement des agents du MENA. Donc faites attention à vos propos.

      9 septembre 2016
  • Commentaire…mr mare avant d’intervenir faite un exercice de conscience.l’iac,l’ic,l’ip et le cpi ne sont pas les esclaves des iep.vraiment decevant de vous entendre parler de la sorte.n’ete vous pas écervelet par hasard?

    19 septembre 2016
    • Comme vs traitez les encadreurs du secondaire de faux intellectuels, “que l’anonyme du 9 sept relise le texte de M. TOE” l’anonyme du 19 sept me traite “d’écervelé” alors que je n’ai fait que dire ce qui est. Rappelle je suis un encadreur du secondaire qui a du respect pour tout le personnel de l’enseignement: de l’encadreur à l’agent de liaison et qui par l’éducation reçue évite d’insulter les autres!

      19 septembre 2016
  • Commentaire…Il ne sert à rien de faire des disputes sur les conflits de competences.A chaque echelon chacun a un role specifique à jouer. Il n’y a donc pas de subordination entre ceux du primaire et du secondaire mais plutot des relations de complementarité,sans le primaire pas du secondaire encore moins du superieur. C’est donc un travail de chaine où chacun joue un role sine qua non.Ce qui est demandé à chacun c’est d’accomplir de façon efficiente son travail.Pour ainsi minimiser ses conflits steriles sans issue honorable pour les ordres d’enseignement,il serait juducieux de repenser l’organigramme du MENA car tous les assignments font un travail au-delà de la reproduction sociale. Notre tâche est donc delicate où il n’y a pas de place pour des querelles sans fondements

    22 novembre 2016
  • Commentaire…

    22 novembre 2016

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