GUEGUERRE AU SEIN DU FPI : Jusqu’où ira la fracture au sein du parti de Gbagbo ?
Alors que le congrès du Front populaire ivoirien (FPI), prévu pour se tenir en début décembre approche, les dissensions au sein du parti se font de plus en plus criardes. Le très controversé président actuel du parti, Pascal Affi N’Guessan, dont le mandat arrive à échéance, est candidat déclaré à sa propre succession. Pour lui porter la contradiction, ses contempteurs n’ont rien trouvé de mieux que de brandir la candidature du célèbre prisonnier de la Haye, Laurent Gbagbo lui-même, pour prendre la tête du parti. A cet effet, quatre cadres du parti dont Michel Gbagbo, le fils du leader historique du FPI, ont déposé fin octobre, la candidature du Woody, alors même que ce dernier se trouve dans les geôles de la Cour pénale internationale-(CPI) aux Pays-Bas, attendant son procès dont l’ouverture a été fixée pour Juillet 2015.
On l’aura compris, rien ne va plus au FPI. Alors qu’au RHDP, l’on cherche à resserrer les rangs, malgré les difficultés, pour aller à la présidentielle de 2015, au FPI, c’est le contraire. La guéguerre entretenue entre les radicaux et les modérés est en train de prendre les allures d’une scission profonde et irréversible. Ce que l’on ne comprend pas dans tout ce rififi, c’est que tout le monde prétend agir pour la cause de Gbagbo. Aussi bien Affi N’Guessan que ses pourfendeurs.
Et tous les moyens semblent bons pour parvenir à leurs fins. Mais, si l’on peut comprendre la position de Affi N’Guessan qui fait preuve de réalisme et de pragmatisme dans sa lutte, l’on a du mal à suivre la logique des irréductibles qui soutiennent vaille que vaille la candidature du père fondateur du parti, dans la mesure où ce dernier ne jouit pas d’une liberté de mouvement. Du reste, qu’en dit l’intéressé lui-même ? Est-ce un simple appel de militants à son endroit ou bien est-il vraiment intéressé par le poste ? Lui seul pourrait répondre à cette question.
Mais une chose est sûre, à moins de diriger par procuration, l’on ne voit pas comment Laurent Gbagbo pourrait efficacement mener le combat de son parti, du fond de sa cellule de Scheveningen.
Les querelles byzantines des héritiers de Gbagbo fragilisent le parti
Le FPI manque-t-il de cadres à même de relever le défi, ou de répondre aux attentes des militants ? La vérité, c’est que le FPI semble avoir du mal à survivre à son fondateur. En l’absence de ce dernier qui est détenu à la Haye, certains militants semblent avoir perdu leurs repères.
Par ailleurs, il y a lieu de croire que derrière cette fronde contre Affi N’Guessan, se cachent d’autres raisons. En effet, beaucoup de tenants de la cause du « Gbagbo ou rien » soupçonnent Affi N’Guessan de vouloir tourner la page de leur mentor afin de se positionner pour la présidentielle de 2015. Chose à laquelle ils tiennent à faire barrage, pour ne pas légitimer une éventuelle victoire du président Ouattara en 2015. Leur attitude tiendrait plus d’un « anti-Ouattaraïsme» primaire que d’un véritable désaveu de Affi N’Guessan. Car si ce dernier se ravisait, il y a fort à parier qu’il soit à nouveau accepté par ses camarades. Aussi beaucoup voient-ils d’un mauvais œil les accointances entre Affi N’Guessan et le pouvoir d’ADO, qui s’apparentent à de la compromission à leurs yeux, étant donné que le contentieux de 2010 n’est pas encore vidé. Est de ceux-là, le porte-parole de Laurent Gbagbo, Koné Katinan Justin, qui, de son exil ghanéen, continue d’entretenir la flamme de la contestation. Car, dit-il, il n’y a pas de page Gbagbo à tourner, parce que « tout le livre est écrit de la même page : Gbagbo ».
Il faut bien le dire, bien plus que le manque d’ambition et de vision, c’est le courage et le réalisme qui manquent à certains faucons du FPI. Pourtant, il faut bien avancer, pour ne pas rester en rade de l’histoire.
Aussi, soutenir la candidature de Gbagbo, tout en sachant qu’il lui sera très difficile voire impossible de prendre part aux élections de 2015, est tout simplement dénué de bon sens. Autant dire que le FPI n’ira pas aux élections. A moins que l’enjeu ne soit ailleurs et que ces partisans ne pensent qu’ils pourraient réussir le tour de force de faire élire leur mentor, malgré son incarcération, pour montrer aux yeux de la CPI et de la Communauté internationale tout le tort qui est fait à leur mentor. Ce serait un pari bien osé. En attendant, le FPI continue sa descente aux enfers. Et les querelles byzantines auxquelles se livrent les héritiers du christ de Mama, sèment le désarroi au sein des militants, fragilisent le parti et affaiblissent Laurent Gbagbo lui-même. A ce rythme, l’on se demande si le parti ne va pas vers une implosion. En tout cas, le FPI est à la croisée des chemins. Et l’on se demande jusqu’où ira la fracture en son sein.
Outélé KEITA