HomeDossierLAVAGE DE LINGES A DOMICILE   Un métier qui permet aux femmes de s’épanouir

LAVAGE DE LINGES A DOMICILE   Un métier qui permet aux femmes de s’épanouir


Elles traversent les artères de la capitale,   frappent à toutes les portes à la recherche de linge sale. Elles, ce sont les laveuses domestiques   encore  appelées femmes de ménages. Grâce à leur mains, la plupart   gagnent leur vie avec les tarifs qu’elles proposent autour de 100 F CFA le complet, 50 F CFA la chemise ou le pantalon.

 

A Ouagadougou, peu de personnes disposent de temps pour laver leurs vêtements car beaucoup d’entre elles vont au service chaque matin et ne reviennent que tardivement le soir. Ces réalités de la ville obligent certaines femmes ou certains responsables de familles à recourir aux laveuses domestiques communément appelées  femmes de ménages. Vu le nombre de populations vivant dans la capitale, il y va de soi que l’offre  soit  plus élevée que la demande (NDLR: plus de services). Et beaucoup de femmes ayant découvert ce secret ont fait de la lessive dans les ménages un métier. Beaucoup d’entre elles gagnent pleinement leur vie.

Un revenu de 40 000 F CFA par mois, soit plus de   1 000 F  CFA par jour

Et ce n’est pas Brigitte Tondé/Tiendrébéogo qui dira le contraire. Elle, qui exerce ce  métier il y  a plus de 4 ans, se frotte les mains à chaque fin du mois. Dans la cour où nous l’avions rencontrée, elle venait juste de finir de laver les vêtements d’un groupe de jeunes. « Je faisais le tissage et ça n’a pas marché car je n’arrivais pas à liquider mes pagnes. Alors j’ai décidé de me lancer dans le métier de laveuse domestique ; cela a marché. De nos jours, je gagne ma vie car je subviens aux besoins de mes enfants. Au commissariat de police centrale où je nettoie, on me paie 20 000 F CFA par mois. J’ai une deuxième concession où je   lave  les vêtements des enfants et je perçois à ce niveau aussi 20 000 F CFA par mois », a-t-elle confié. Contrairement à Mme Tondé, Assata Nikiéma, elle, préfère qu’on lui paie en fonction des tâches qu’elle accomplit. Avec un air serein, elle a  refusé tout d’abord de se confier à nous, sous prétexte que son mari lui ferait des reproches s’il voyait sa photo dans un journal. Il a fallu expliquer à cette dernière qu’il ne s’agit pas de la politique mais une façon de les aider pour qu’elle finisse par nous dire que dans chaque concession où elle se rend, elle lave le complet à 100 F CFA, le pantalon   jean  ou la chemise à 50 F CFA. « Chaque matin, quand je quitte la maison, je retourne chez moi au minimum avec 2000 F CFA et parfois, avec des vêtements que mes clients m’offrent. Je me sens mieux dans ce travail car, pour moi, il n’y a pas de sous-métier », a-t-elle fait savoir.  Comme elle, Oumou Ouédraogo/Tapsoba préfère ce métier au commerce. Mère de 5 enfants, Mme Ouédraogo s’occupe seule des frais médicaux et scolaires de ses enfants malgré que son mari est soudeur. « Avec la lessive, j’arrive à nourrir mes enfants et à honorer leurs frais de scolarité et leurs frais médicaux. En exerçant ce métier, je suis sûre de pouvoir économiser 30 000 F CFA à la fin du mois. Mais avec le commerce, je ne suis pas sûre de pouvoir économiser une telle somme car c’est un métier à  risque», a-t-elle indiqué. Si Mme Tondé, Mme Nikiéma et Mme Ouédraogo disent gagner leur vie et ne se plaignent pas de leur rémunération, ce n’est pas le cas de Bénédicte Bado/Kaboré, habitante du quartier Bilbalogho (secteur 2 de Ouagadougou). Pauvreté oblige, elle  s’est lancée dans ce métier pour subvenir aux besoins de ses deux enfants scolarisés. Selon ses explications, elle travaille du lundi au samedi ne se repose que les dimanches. Sur son vélo-panier, son bébé de 3 ans au dos, elle sillonne les artères de Ouagadougou. « Je suis issue d’une famille élargie et j’ai appris à laver les vêtements dès l’âge de 7 ans. Souvent, je quitte le quartier Bilbalogho où j’habite pour me rendre à Bendogo ou Tampouy. Quand j’arrive dans une famille et qu’on me donne un lot de vêtements, je les dénombre avant de proposer le prix. Souvent, cela peut s’élever à 1 750 F CFA voire plus », a indiqué Mme Bado.

 Les laveuses domestiques, objets d’exploitation et victimes de fausses accusations

 La plupart des femmes qui exercent ce métier sont généralement   mariées et  issues de familles pauvres ; leur âge varie entre 26 et 50 ans. Malgré souvent leur âge avancé, elles sont obligées de supporter les sautes d’humeur de leurs patronnes qui n’ont pas l’âge de leur fille ainée. A 28 ans, Bénédicte Bado/Kaboré a décidé certes de faire de la lessive un métier mais n’arrive pas à   satisfaire  sa clientèle. « J’exerce ce métier il y a 6 mois de cela. Et à chaque fois que je finis le travail, certaines patronnes me reprochent de n’avoir pas  bien lavé les vêtements. Elles me critiquent de n’avoir pas séparé les vêtements de couleur blanche des autres. C’est parce que je n’ai pas autre chose à faire sinon, j’aurai abandonné ce métier  », a-t-elle lancé, avant de nous expliquer qu’elle connaît d’autres femmes qui font le même travail et, comme elle,  subissent les mauvaises humeurs  de leurs patronnes. C’est ainsi qu’elle nous a conduits dans la famille Kabré à Bilbalogho. Là, nous avons pu rencontrer Joceline Kabré/Tiahoun, une quinquagénaire.  « Quand vous vous présentez dans certaines cours pour laver les vêtements de certaines femmes, non seulement elles vous crient  dessus pendant que vous êtes à la tâche, mais aussi passent leur temps à intimer de bien laver leurs vêtements. Je me rappelle ce mauvais souvenir : une fois, j’étais dans une cour pour laver les vêtements d’une dame qui n’a même pas l’âge de ma benjamine. Quand j’ai fini le travail, elle est venue tempêter sur moi en me reprochant de n’avoir pas bien lavé les draps. Pourtant, vous connaissez la lourdeur et l’état de certains draps. Pour les laver, ce n’est pas facile. En guise de récompense, elle m’a remis la moitié de la somme due », a-t-elle révélé. Les Laveuses domestiques ne sont pas seulement victimes de menaces, elles sont  parfois victimes de fausses accusations  de vol. « Je suis allée laver une fois les vêtements d’une  secrétaire dans une société de la place. A 6h 40, j’étais chez elle, même avant qu’elle n’aille au service. Elle a fait sortir les vêtements que je devrais laver et m’a laissée avec ses deux enfants, un garçon et une fille qui devrait avoir 13 ans. A son retour, à midi, elle m’a appelée dans son salon pour me demander si je n’avais pas retrouvé son portefeuille parce que quand elle sortait, elle l’aurait laissé sur la table à manger. J’étais ébahie. Or, depuis que j’exerce ce métier, il y a environ deux ans, c’était la première fois que quelqu’un   m’accuse de la sorte. En plus, je travaille pour elle il y a plus de 7 mois et aucune fois elle ne s’est plaint de mes services », a expliqué Mme Kabré. Selon Oumou Ouédraogo/Tapsoba, toutes les exploitations dont elles font souvent l’objet s’expliquent généralement par le fait qu’elles travaillent individuellement et de manière informelle. « J’ai lavé les vêtements d’un jeune une fois. Au lieu de me donner mes 2 500 F CFA comme on avait conclu, c’est 1 500 F CFA qu’il m’a remis. Je ne pouvais pas me plaindre car si j’étais dans une association,  c’est sûr qu’elle allait plaider pour ma cause », a confié Oumou Ouédraogo/Tapsoba. Ses vœux, les plus chers, c’est de voir les laveuses domestiques s’organiser en association pour mieux coordonner leur métier. Comme partout ailleurs, la naissance d’une organisation faitière bien gérée est susceptible de consolider les acquis et de promouvoir et défendre les intérêts des membres.

Mamouda TANKOANO

 

 

ENCADRE 

Quelques demandeurs des  services des laveuses  domestiques s’expriment

 

Evariste Télesphore Nikiéma, Journaliste culturel

«J’ai l’habitude d’appeler les laveuses domestiques une fois par mois pour laver mes vêtements. Je le fais parce que je n’ai pas quelqu’un à la maison pour le faire. Avant, j’avais des parentes avec qui je logeais qui le faisaient pour moi. En plus, je suis trop pris dans mon métier et je dispose de  peu de temps pour le faire moi-même. Elles lavent les chemises à 25 F CFA et les draps à 100 F CFA. Quand elles viennent, l’eau, le savon nous incombent. Je suis satisfait, à chaque fois, qu’elles finissent le travail. En tout cas, ce sont des professionnelles car elles font correctement leur travail. A mon niveau, je ne me suis jamais plaint. J’apprécie aussi leur courage et leur abnégation parce qu’on sent qu’elles aiment ce travail. Pour moi, ce travail permet de réduire le chômage et il n’y a pas de sous-métier. Je préfère des femmes qui osent faire ce genre de métier que celles qui sont au bord des route pour mendier.»

Oumou Bladé, étudiante Guinéenne-Bissau

« Cela fait un an que je demande leur service et, rarement, j’ai eu des problèmes avec elles. Souvent, elles ne séparent pas les vêtements blancs des autres avant de les laver et c’est ce qui me dérange. Sinon, j’apprécie les prix qu’elles proposent : 25 F CFA la chemise, 100 F CFA le drap et 50 F CFA le complet simple. »

Zénabo Aka, ménagère

« Je demande les services de ces dames quand j’ai beaucoup de tâches ménagères. Lorsqu’elles viennent, je leur laisse la liberté de proposer leur prix. Certaines proposent souvent 50 F CFA le pantalon ou 25 F CFA la chemise et d’autres donnent le prix global. Chaque fois qu’elles font ce travail, je suis satisfaite. Généralement, c’est quand je passe la journée à la maison que je les appelle.»

Propos recueillis par M.T.


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