HomeBaromètreLETTRE OUVERTE A MADAME LA MINISTRE EN CHARGE DES DROITS HUMAINS : « Défendre le contenant et faire fi du contenu, c’est faire preuve de mauvaise foi »

LETTRE OUVERTE A MADAME LA MINISTRE EN CHARGE DES DROITS HUMAINS : « Défendre le contenant et faire fi du contenu, c’est faire preuve de mauvaise foi »


L’auteur du point de vue ci-dessous revient sur un problème qu’il avait déjà éditions. Il plaide pour la abordé dans nos précédentes séparation du ministère des Droits humains, ou tout le moins pour la création d’un secrétariat d’Etat comme c’est le cas dans certains pays. Il dit être victime de menaces et d’intimidation de certains responsables censés être les premiers dans la protection des Droits humains. Lisez !

 

Permettez-moi de vous exprimer ma reconnaissance, s’il était vrai que vous aviez pris connaissance de mes précédents écrits et que cela vous a permis de vous rendre compte de la pluralité de points de vue sur la fusion du ministère de la Justice et du ministère des Droits humains. A une autre époque d’un certain régime, cela aurait été inespéré. J’en suis fier et je m’enorgueillis si, à quelque échelle, j’aurais contribué à atteindre vos missions, missions pour lesquelles le peuple a offert sa poitrine aux balles des kalachnikovs, missions pour lesquelles le peuple a passé des nuits blanches à fouiller, tourner et retourner pour dénicher les hommes capables de redresser la gouvernance au Burkina Faso. Mais madame la ministre, ce sont ces écrits qui vous auraient fait dire : « je ne sais pas si c’est vrai mais c’est ce qui est ressorti de la bouche de certains directeurs de l’ex-ministère des Droits humains et de la promotion civique, venus prendre part à la réunion du syndicat parce que administration, personnel et syndicat seraient dans le même bateau qui coule) », mais tout le monde n’était pas contre la fusion. Ceux -ci ont laissé entendre qu’alors que madame la ministre se penchait sur la création d’un secrétariat d’Etat, voilà que des écrits viennent remettre les choses en cause. L’imprudence a été poussée jusqu’à dire: « avant que le syndicat ne se soit prononcé, des gens se permettent de tenir des propos qui ne sont pas de nature à militer en faveur du ministère ». Mais avant cela des réunions de directions se sont surpris, à la fin, d’avoir modifié leur ordre du jour pour examiner des écrits parus dans la presse. C’est pour vous dire, madame la ministre, que des foudres et des tonnerres ont plu sur moi. C’est vraiment dommage que l’intimidation émane de certains responsables censés être les premiers responsables de la protection des droits humains. Qu’ils me laissent m’exprimer ! Qu’il me soit permis de les inviter humblement à apprendre à faire ce qu’ils disent. Mais au nom de ma liberté d’opinion et de ma liberté d’expression, je continuerai de penser, de dire et de faire, tant que je resterai convaincu que les droits de l’homme sont en péril: c’est mon droit, c’est mon devoir.

Madame la ministre, si vous me lisez, permettez-moi de vous demander de prendre des mesures fermes, sans états d’âme, sans émotions, mais seulement guidée par les aspirations du peuple de l’insurrection de fin octobre et de ses martyrs, pour proposer une véritable politique des droits de l’homme au Burkina Faso. « Lorsqu’on veut mettre un sparadrap sur une plaie, rappelait le professeur Bado, on la vide entièrement de son pus ». J’ajouterai : « sans écouter les hurlements et les gémissements du malade ». C’est justement ces hurlements et gémissements de l’ex-ministère des Droits humains et la promotion civique que je me propose d’analyser ici dans le contexte de sa fusion avec le ministère de la Justice. Je m’en voudrais aussi de ne pas vous faire des propositions pour une meilleure réalisation des droits de l’homme au Burkina Faso.

 

D’abord, l’analyse des arguments en cours dans l’ex-ministère des Droits humains et de la promotion civique: j’ai ouï dire que vous avez rencontré les premiers responsables dudit ex-ministère. Je n’ai pas entendu ce qui vous a été dit: je n’y étais pas. Mais connaissant ma structure, je suis presque certain que les propos ne s’éloigneront pas fondamentalement de ce que les directeurs présents à la réunion du syndicat du vendredi 12 décembre ont soutenu. Ne se sont-ils pas attelés à défendre la forme de la structure qui doit se charger de la politique des Droits de l’homme? Certainement. N’ont-ils pas répété à la réunion syndicale qu’ils vous avaient presque convaincue de créer un secrétariat d’Etat? C’est la forme de la structure qui semble importer les responsables, et dans cette forme figurent leurs postes et leurs frais de missions. Cela est d’autant vrai qu’une phrase des plus impudiques a été lancée au cours de la réunion: «que deviendront les responsables dans cette fusion ?» J’ai envie de crier «Mon Dieu! »Madame la ministre, c’est tout mon commentaire. Voilà une réflexion à haute voix et en public qui traduit le contenu des poitrines. Avez-vous entendu un instant, madame la ministre, au cours de votre rencontre avec les responsables, l’expression d’un souci relatif au progrès des droits de l’Homme au Burkina Faso? Ou bien n’y a t-il pas un problème des droits de l’Homme au Burkina Faso? Pour moi, je le dis encore que la forme importe peu. Qu’il s’agisse d’un ministère, d’un secrétariat d’Etat, d’une direction… , c’est le contenu qui doit faire l’objet d’attention. Le ministère, le secrétariat d’Etat ou la Direction n’est qu’un contenant. Défendre le contenant et faire fi du contenu, c’est faire preuve de mauvaise foi, c’est être guidé par les avantages qu’on espère. L’on me dira que la forme tient le fond en l’état. Je répondrai que la forme, ici, n’est pas absolue et qu’il peut y avoir meilleure forme. J’en appelle au bon sens du personnel de l’ex-ministère des droits humains pour lui dire que, pour l’idéal des droits de l’Homme, des hommes et des femmes à travers le monde et le Burkina Faso, se sont engagés jusqu’à payer de leur vie; ne pouvons-nous pas, nous, nous surpasser, surpasser nos intérêts immédiats pour voir plus loin? Un acteur des droits de l’Homme est une personne qui voit dans les droits de l’Homme des valeurs qui transcendent ses intérêts et même sa vie.

Et voilà, madame la ministre, avec tous mes respects, ma proposition pour une meilleure réalisation des droits de l’Homme au Burkina Faso. Elle n’est pas nouvelle, elle est au moins solennelle. Elle n’émane pas exclusivement de moi, elle est souvent partagée.

Dans un premier temps, attelez-vous, madame la ministre, à libérer les droits de l’Homme et les libertés qui ont été pendant longtemps confisqués au Burkina Faso:

– la liberté de manifester confisquée par la loi n°26 du 08 mai 2008 portant répression des actes de vandalisme commis lors des manifestations sur la voie publique et par l’instauration d’une zone dite rouge. Je ne sais de quelle manière, madame la ministre, mais posez des actes pour l’abrogation pure et simple de ces textes qui sont liberticides ;

-le droit à la justice par le dénouement exemplaire du dossier Nobert Zongo et ses trois compagnons, du dossier Thomas Sankara, Dabo Boukary, des martyrs de l’insurrection, de Flavien Nébié, du juge Nébié … et par l’abrogation de la loi d’amnistie au profit des anciens chefs d’Etat. Cette loi viole toutes les conventions des droits de l’Homme ratifiées par le Burkina Faso: j’assume ma prise de position. Faites-la abroger;

-le droit à la vie menacée par la loi 017-2009/AN du 05 mai 2009 portant répression du grand banditisme. Au nom de cette loi, l’on peut impunément tirer, en plein centre de Ouagadougou, en plein midi, sur un individu.

Ces tâches, madame la ministre, sont exécutables en période de transition, qui me semble d’ailleurs la période la mieux indiquée, car l’autorité que vous constituez avec les autres n’est pas en principe partisane, et une autre période risque fort d’être empreinte de subjectivité.

Dans un second temps, madame la ministre, œuvrez pour donner peau neuve à la vision de l’Etat en matière des droits de l’Homme. Dire que votre département est chargé de mettre en œuvre la politique du gouvernement en matière des droits humains et de la promotion civique n’est pas le problème. Le problème réside dans la politique elle-même et dans les activités de mise en œuvre de cette politique. Regardez comment les activités sont laconiques et superficielles ! Regardez comment il est impossible de mesurer leur impact sur le comportement des individus. On fait et on refait la même activité sans pouvoir déterminer son impact. En fin de compte s’installer l’immobilisme total. Madame la ministre, employez vous à concevoir une politique efficace et mesurable des droits de l’Homme; une politique dynamique des droits de l’Homme au terme de laquelle les droits de l’Homme deviendront droits. Cela implique une application réelle de toutes les conventions des droits de l’Homme dont notre pays fait partie; cette application réelle implique, non seulement la prise de mesures qui s’imposent, du fait de l’engagement du pays, et les mesures les mieux indiquées, mais surtout la possibilité de juger les droits de l’Homme. La possibilité de juger les droits de l’homme impose de former le personnel judiciaire et de donner pouvoir aux spécialistes des droits de l’Homme pour traquer les délinquants des droits de l’Homme.

Dans un troisième temps, madame la ministre, investissez-vous à donner une assise forte à la structure en charge de la politique du gouvernement en matière des droits de l’Homme de sorte qu’elle résiste au temps et aux aléas politiques. Les différentes mutations qu’ont connues les précédentes structures semblent dénoter d’un manque d’intérêt à l’égard des droits de l’Homme, pour ne pas dire d’un mépris. Voici le schéma que je propose: faites de chaque institution, de chaque ministère, de chaque tribunal, de chaque ambassade et consulat… une maison des droits de l’Homme. Créez-y un service, une direction des droits de l’Homme à l’instar des directions des ressources humaines, des directions des affaires financières. La structure des droits de l’Homme ainsi créée aura la charge de veiller à la prise en compte des droits de l’Homme dans tous les projets, programmes, stratégies et politiques des structures d’accueil. Elles y traiteront des questions des droits de l’Homme et transmettront à l’état-major (ministère, secrétariat d’Etat, direction générale..) les informations nécessaires pour l’évaluation de la politique, la rédaction des rapports dus aux instances internationale des droits de l’Homme. Une telle structuration n’empiètera aucunement sur les missions qui nécessitent d’aller à la rencontre des populations, car l’état-major gardera un personnel et un minimum d’organisation qui, du reste, peut toujours faire appel au personnel des structures des droits de l’Homme créées dans les institutions, ministères et autres.

Dans un quatrième temps et enfin, madame la ministre, convainquez-vous que l’avenir des droits de l’Homme dépend en grande partie de la protection accordée aux acteurs privés comme étatiques des droits de l’Homme. Nombreux sont les instances internationales des droits de l’Homme et les pays de démocratie avancée qui ont appelé de leurs vœux cette protection. Au niveau des acteurs étatiques, la protection doit prendre en compte aussi bien le volet sécurité physique que le volet sécurité financière ; sécurité financière, car la misère a fait dire à bien de personnes que la modification de l’article 37 n’était nullement contraire à la philosophie des droits de 1’Homme.

Telle sont, madame la ministre, mes propositions pour accompagner la transition et le régime qui sortira des élections de 2015. Elles n’ont pas la prétention d’être vraies et absolues; elles revendiquent la nécessité de réfléchir sur les droits de l’Homme au Burkina Faso. C’est pourquoi, je voudrais lancer un appel à nos éminents professeurs d’Université pour leur demander de s’impliquer dans la recherche de la détermination de la politique du gouvernement en matière de droits de 1’Homme.

Je vous demande très respectueusement, madame la ministre, de bien vouloir faire fi de mes écarts d’expression.

Zakaria BAYOULOU,

Conseiller en Droits humains


Comments
  • voici un idéaliste perdu qui s’exprime encore!M. BAYOULOU, vous vous adressez au public ou à la Ministre?à ce que je sache, le pays n’est pas la boîte postale de cette dernière ou bien elle a réfusé de la recevoir?tu dis que tu t’exprime parce que c’est ta liberté et tu répète que tu es intimidé tout simplement parce que des gens t’ont adressé des reproches. n’est-ce pas là aussi leur liberté?tu dis que tu ne sais pas ce qui est sorti de la rencontre entre les ministres et les responsables et tu avances des choses par rapport à ça!faut type!

    2 février 2015
  • Dépuis la fusion de l’ex ministère des droits humains, son personnel est agité. D’autres mème commencent à perdre du poids. Rencontre avec mme la ministre par ci, conférence de presse par là. Ceux qui suivent les choses de loin ne peuvent pas comprendre mais pour quelqu’un qui les côtoie, c’est simple à comprendre. Ce ministère bénéficie de plusieurs fonds par an de la part de bailleurs de fonds comme le Danemark, la Suède, l’IDDH…, pour mener des activités à l’intérieur du pays. Vous les voyez certainement très souvent à la télé. Et par an, grace à ces missions à l’intérieur du pays, ces gens empochent des millions. Quand il s’agit d’élaborer un document portant sur les droits humains, là, c’est le vrai gombo. C’est dire qu’avec la fusion, toutes ces rentrées d’argent ne sont plus évidentes.
    Mais, le conseil que j’ai à leur donner, c’est de se taire comme les personnels des autres ministères fusionnés, et travailler seulement au lieu de s’agiter comme ça. Faire preuve de compétence, de savoir, savoir faire et savoir être. Seul le travail paie, mais les petits gains que l’on profite des dons des bailleurs prennent toujours, d’une manière ou d’une autre.

    2 février 2015

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