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LIBERATION DE LAURENT GBAGBO


 Quelles conséquences pour la Côte d’Ivoire ?

Hier, 13 décembre 2018, la Cour pénale internationale (CPI) tenait une audience à huis clos, pour se prononcer sur la remise en liberté de l’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, et son ancien ministre de la Jeunesse et ex-leader des jeunes patriotes, Charles Blé Goudé, poursuivis et détenus à la Haye pour crimes contre l’humanité depuis bientôt sept ans pour le premier et quatre ans pour le second.

A l’issue d’une demi-heure de débats, le substitut du procureur est resté ferme sur sa décision de maintenir les deux prisonniers derrière les barreaux, parce que, selon la Cour, l’ex-locataire du palais de Cocody bénéficie toujours d’un réseau de soutiens qui pourraient l’aider à prendre la poudre d’escampette le cas échéant. Son compère Charles Blé Goudé s’est vu opposer de  fausses pièces d’identités béninoises et maliennes qui viennent jeter le discrédit sur sa personne et justifier son maintien dans les liens de la détention.

La CPI ne pouvait  pas se tirer une balle dans le pied

Comment pouvait-il en être autrement, quand on sait que l’institution de Fatou Bensouda n’a jamais eu confiance en Laurent Gbagbo et a déjà rejeté plus d’une dizaine de fois, des demandes de liberté provisoire introduites par ses avocats ?

Quoi qu’il en soit, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce verdict vient doucher une fois de plus les espoirs de l’icône du Front populaire ivoirien (FPI) et ses conseils qui ont toujours crié à la vacuité du dossier, allant même jusqu’à plaider récemment l’acquittement pour tirer leur client des griffes acérées de la Justice internationale. Cependant, l’on pouvait comprendre leur optimisme que cette fois-ci serait la bonne, d’autant plus que depuis l’ouverture de son procès, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et aujourd’hui, les vents lui semblent tellement favorables que lui-même se surprend à rêver d’une libération prochaine au point de faire des projets d’avenir politique qu’il ne voit nulle part ailleurs que dans son pays natal.

Toutefois, au-delà du verdict, la question que l’on pourrait se poser est celle de savoir quelles conséquences une éventuelle libération du Christ de Mama pourrait avoir pour son pays, la Côte d’Ivoire. D’autant plus que malgré toutes ces années de détention, l’homme semble avoir gardé toute son aura sur cette partie des Ivoiriens qui ne jurent que par son nom. Et davantage aujourd’hui plus qu’hier, au moment où l’histoire semble parler pour lui et n’est pas loin de lui donner raison sur ses adversaires qui l’ont expédié au cachot. C’est pourquoi cette décision de la CPI est très importante parce que lourde de conséquences. En effet, si après le Congolais Jean-Pierre Bemba acquitté à la surprise générale en appel, l’institution de Fatou Bensouda venait à élargir Laurent Gbagbo après tant d’acharnement à prouver sa culpabilité, une telle décision pourrait sonner le glas de sa crédibilité sur un continent où elle est encore largement perçue comme un instrument utilisé par les Occidentaux contre des Africains, au gré de leurs intérêts. Et il aurait été étonnant que la Cour qui a toujours plaidé pour que le procès aille jusqu’à son terme, freine des quatre fers   en cours de jugement en prononçant une décision qui passerait sans nul doute aux yeux de l’opinion comme une auto-flagellation. L’institution pénale internationale ne pouvait donc pas se tirer une balle dans le pied. C’est donc, pourrait-on dire, sans véritable surprise que ce verdict est accueilli ; avec certainement beaucoup d’amertume pour les partisans de l’ex-président, mais sans doute avec un zeste de soulagement pour les parents des victimes qui fondent beaucoup d’espoirs sur ce procès pour connaître la vérité et bénéficier des bienfaits de la justice.

La seule présence de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire risque de générer des difficultés de gouvernance à Alassane Ouattara

Car, une libération prématurée de Laurent Gbagbo, qui sonnerait à coup sûr comme un blanchiment, reposerait le problème de la responsabilité des 3 000 morts de la crise postélectorale de 2010-2011. Car, s’il n’y a pas de coupable, il y a quand même un responsable. Et en tant que chef d’Etat en exercice au moment des événements, Laurent Gbagbo porte au moins la responsabilité morale de ces morts parce que partie prenante au conflit, même s’il  ne saurait en porter seul toute la responsabilité puisqu’il faut être au moins à deux, pour se  faire la guerre. En cela, l’autre partie au conflit, le camp du chef de l’Etat, a aussi sa part de responsabilités. Mais en attendant, l’on est porté à croire que pour la paix du plus grand nombre en Côte d’Ivoire,  Gbagbo risque de souffrir encore le martyre et sacrifier une partie de sa vie sur l’autel de la paix. Car, s’il est libéré, la probabilité qu’il y ait la tambouille en Côte d’Ivoire est grande, même si lui-même ne le veut pas, avec des répercussions dont nul ne saurait prédire l’ampleur. Car, quoi qu’on dise, Laurent Gbagbo n’est pas n’importe qui. L’ancien chef de l’Etat continue de jouir  de la sympathie d’une grande partie de ses compatriotes voire au-delà. Et sa seule présence en Côte d’Ivoire risque de générer des difficultés de gouvernance à son rival, Alassane Ouattara. Surtout au moment où la scène politique ivoirienne est en pleine recomposition, le divorce étant pratiquement consommé entre ses tombeurs d’hier qui se regardent aujourd’hui en chiens de faïence. Et si, comme on peut le subodorer, le regard de l’extérieur doit aussi peser sur la décision, il n’est pas sûr que Paris qui a de grands intérêts en Côte d’Ivoire, voie d’un bon œil une libération de Laurent Gbagbo. Ceci pourrait donc aussi expliquer cela. Quoi qu’il en soit, tout porte à croire que sorti de son pays par la petite porte pour se retrouver derrière les barreaux à la Haye, Laurent Gbagbo est loin d’avoir hypothéqué ses chances de quitter la prison de Scheveningen par la grande porte. C’est peut-être une question de temps.

« Le Pays » 


Comments
  • Pour la paix libérer un ivoirien est de bonne guerre

    14 décembre 2018
  • Vraiment désolant comme article. un parti pris flagrant. Un choix de mots et un angle delibrement provocateurs.PFFF

    17 décembre 2018

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