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LIBRE CIRCULATION DANS L’ESPACE CEDEAO :Jusque-là un mirage !


« Il faut faire quelque chose. Je ne mange pas papier ». Sur les routes de l’espace de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ils sont nombreux les voyageurs à entendre encore ce genre de propos des agents de sécurité aux barrages et barrières formels ou informels. Ces agents publics demandent ainsi aux voyageurs de payer une sorte de droit de passage. Ce qui est tout le contraire de l’esprit et de la lettre des dispositions communautaires sur la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace CEDEAO. Les rackets des forces de police, de gendarmerie et des douanes sur les axes routiers et surtout aux frontières terrestres, restent une réalité et une préoccupation au sein de la Communauté. En tout cas, ces tracasseries sont monnaie courante et c’est un doux euphémisme de dire que la libre circulation demeure jusque-là un mirage dans l’espace communautaire ouest-africain. C’est ce qui ressort d’ailleurs des travaux du Forum régional sur la libre circulation des personnes et des marchandises, qui s’est achevé le week-end dernier à Ouagadougou.

 

La mise en œuvre des dispositions communautaires est encore trop balbutiante

 

Certes, certains Etats font des efforts et il convient de le relever. Par exemple, la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara a pris des dispositions pour éradiquer ou au moins réduire à leur plus simple expression, les tracasseries sur les routes ivoiriennes. Bien entendu, des efforts restent à faire, mais c’est déjà cela de gagner pour un pays réputé, il y a encore quelques années de cela, pour être l’un des pires élèves de la Communauté en termes de libre circulation des personnes. Encore plus exemplaire est le Burkina Faso. En effet, il est notoire que le pays des Hommes intègres s’illustre positivement en termes de libre circulation des citoyens communautaires et de leurs biens. En effet, sur les routes du Faso, il y a très peu de barrages et barrières de police, gendarmerie et douanes. Les rackets et autres tracasseries à l’endroit des voyageurs, s’ils existent, sont moins récurrents que dans d’autres pays de la sous-région. Ce n’est pas encore parfait mais il ne serait pas non plus juste d’ignorer ces efforts. Ce serait jeter le bébé avec l’eau du bain. Ces rares bons exemples et acquis en la matière devraient être considérés à leur juste valeur et consolidés.

Mais, bien qu’il y ait ces acquis et malgré le fait que la situation de la libre circulation est à ce jour, nettement meilleure en Afrique de l’Ouest qu’en Afrique centrale par exemple, le bilan est hélas encore bien insuffisant pour la CEDEAO qui s’y attelle depuis 1975, date de sa création. Contrairement à ce qui se passe dans l’espace Schengen, la mise en œuvre des dispositions communautaires relatives à la libre circulation dans l’espace CEDEAO est encore trop balbutiante. Il faut dire que c’est la CEDEAO des Etats qui est encore prééminente. Tout se passe comme si les Etats membres de la CEDEAO, dans leur ensemble, veulent une chose et son contraire. Exception faite des cas déjà relevés, très peu de choses sont faites à l’échelle des Etats pour que cessent les tracasseries.

Les dirigeants sont pourtant au courant de l’existence de ces rackets, intimidations et harcèlements dont les populations sont victimes sur les routes et aux frontières des Etats. Ils savent ce qui se passe avec ces barrages et barrières illégaux. L’engouement de bien des agents de police, de gendarmerie et de douanes pour les postes frontaliers, est notoire et en dit long du reste sur l’aspect « juteux » de ces postes.

 

C’est un défi également de savoir conjuguer libre circulation et sécurité

 

En effet, le sentiment est bien répandu dans ces corps de métiers et par-delà, au sein des populations, que ce n’est pas n’importe quel agent qui peut avoir la chance d’être affecté à un poste frontalier ou de sécurité routière. Ce sont des postes où l’argent liquide circule, où les agents ont des occasions de s’enrichir. En d’autres termes, ce sont des postes très disputés au regard des opportunités de « bonnes affaires » qu’il y a pour les agents qui ont la bénédiction d’y être affectés. Car, bien trop souvent, cet argent issu des amendes, des marchandages, ne va pas dans les caisses des Etats.

Aux postes frontaliers et aux autres barrages et barrières routiers, on marchande donc tout ou presque. Des transporteurs ou des voyageurs sans document d’identification poursuivent leur route moyennant le paiement de quelques billets de banque aux agents. Cela pose bien entendu un autre problème récurrent en matière de libre circulation : la sécurité des personnes et des biens. En effet, ce laxisme en matière de contrôle peut également créer un terreau fertile à l’action de terroristes et autres individus peu recommandables. C’est donc un défi également de savoir conjuguer libre circulation et sécurité, de veiller à ce que la libre circulation ne soit pas elle-même victime de ce manque de sécurité. Pour ce faire, il appartient à la CEDEAO de mettre l’accent sur la sensibilisation des citoyens. Il faudra faire en sorte que chaque citoyen dispose d’un document d’identification fiable, notamment la carte d’identité biométrique de la CEDEAO, et prenne conscience de ses responsabilités vis-à-vis de la Communauté, de ses droits et devoirs dans cet espace.

En plus de ce dispositif qui devrait permettre à terme l’avènement, la concrétisation de la CEDEAO des peuples que bien des gens appellent de tous leurs vœux, il y a lieu de mettre l’accent sur les dispositifs qui permettent de s’assurer que toutes les ressources issues d’éventuelles amendes vont de façon effective dans les caisses publiques et non dans les poches ou les comptes bancaires de quelques agents corrompus. Pour lutter également contre cette propension à la corruption des populations, il faudra également veiller à rendre les taxes moins prohibitives. Cela pourra contribuer à atténuer la tentation de contourner les dispositifs officiels de taxation. Ce qui, par voie de conséquence, serait de nature à augmenter les ressources au profit des Etats qui, en l’état actuel des choses, ont un manque à gagner inimaginable sur les taxes et amendes régulières du fait des pratiques en cause.

 

« Le Pays »


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