HomeA la uneLIMOGEAGE POUR DETOURNEMENT, DU PATRON DE LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE AU NIGERIA : Buhari lutte-t-il contre des moulins à vent ?

LIMOGEAGE POUR DETOURNEMENT, DU PATRON DE LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE AU NIGERIA : Buhari lutte-t-il contre des moulins à vent ?


 

Le président nigérian, Muhammadu Buhari, ne badine pas avec la corruption. Il avait d’ailleurs fait de ce sujet, un des thèmes de sa campagne pour avoir les suffrages de ses compatriotes en mars dernier. Pour joindre l’acte à la parole, il vient de frapper fort, en démettant de ses fonctions le patron de l’Agence fédérale de lutte contre la corruption, soupçonné de détournement de la bagatelle de 4,65 milliards d’euros soustraits des caisses de l’institution qu’il dirige. Malgré les dénégations de l’intéressé, le chef de l’Etat s’est montré intraitable sur la question, certainement parce qu’il n’a pas été convaincu par ses explications. En le mettant à la retraite anticipée, Buhari a choisi de le châtier pour l’exemple. Mais Ibrahim Lamorde est-il vraiment coupable des faits qu’on lui reproche ou bien s’est-il laissé piéger ? La question mérite d’être posée, en raison de la manière dont le désormais ex-patron de l’agence anticorruption a secoué le cocotier depuis l’accession de Buhari au pouvoir. Il s’agissait pour Ibrahim Lamorde de réveiller une institution inefficace et moribonde sous l’ancien régime, en traquant sans état d’âme les délinquants à col blanc, même ceux qui étaient tapis dans les hautes sphères de l’Etat ainsi que de hauts responsables politiques et économiques. L’actuel président du Sénat était aussi dans son collimateur. Quoi qu’il en soit, il était difficile pour Buhari de maintenir dans le sérail, un homme sur qui pèsent depuis plusieurs mois d’aussi lourds soupçons, sans risquer d’écorner sa propre image. D’autant qu’il a pris l’engagement de faire de la lutte contre la corruption, une des priorités de son mandat.  De ce point de vue, l’on peut comprendre le geste du chef de l’Etat nigérian. Et il faut espérer que ce geste ne soit pas le dernier, tant la corruption a la peau dure au Nigeria. Si fait qu’on peut se demander si Buhari aura les moyens de sa politique, en s’attaquant à un tel monstre.  La volonté seule sera-t-elle suffisante pour  nettoyer toutes les écuries d’Augias ? L’on attend de voir. Une chose est sûre, la première puissance du continent a besoin d’un grand coup de balai.

Il faudra à Buhari  de la volonté, mais aussi du temps et des moyens conséquents

Mais à en juger sur le degré de déliquescence morale de ses concitoyens, l’on a envie de dire que Buhari s’est engagé dans une lutte contre des moulins à vent. Etant donné que la corruption, qui a achevé de désagréger le tissu socioéconomique du pays, n’épargne aucun secteur, y compris l’armée. Ceci expliquerait en partie l’inefficacité de la lutte contre la secte islamiste Boko Haram, qui avait réussi à étendre ses tentacules jusque dans les hautes sphères de la Grande muette. Buhari a donc du pain sur la planche et c’est le moins que l’on puisse dire ! Même si, il est vrai, il n’est pas en terrain inconnu, pour avoir déjà fait face, avec plus ou moins de succès, à la question lors de son premier passage à la tête de l’Etat, dans les années 80. A ce propos, ses compatriotes se souviennent de la fermeté et de l’engagement dont il avait fait montre à l’époque. Il reste que depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.  Et les contextes ont bien changé. Tant et  si bien que les différents gouvernements qui se sont succédé jusque-là, pour autant qu’ils aient eu la volonté de terrasser le minautore, ont quasiment abdiqué ! Certains ne se donnaient même pas la peine d’engager une lutte contre un fléau devenu endémique tant ils n’y croyaient pas. Et pour couronner le tout, la gouvernance de son prédécesseur  Goodluck Jonathan n’est pas pour lui faciliter la tâche ; elle a été, à bien des égards, un terreau fertile à l’enracinement de cette gangrène. Donnant parfois l’impression que la corruption était inscrite dans le gêne même des Nigérians.  Vouloir donc redresser une telle barre tordue, ne sera pas une mince affaire pour le président Buhari. Il lui faudra certes de la volonté, mais aussi du temps et des moyens conséquents pour réussir ce combat difficile. En attendant, avec ce limogeage du policier en chef de la lutte anticorruption, l’on peut dire que Buhari a pris le taureau par les cornes. Réussira-t-il à le terrasser ? C’est tout le mal qu’on lui souhaite, pour que cet exemple puisse faire tache d’huile sur le reste du continent. Car, au-delà du Nigeria, l’Afrique a besoin d’un grand ménage.

Outélé KEITA


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