HomeA la uneLONA CHARLES OUATTARA, DEPUTE, A PROPOS DE LA GENESE DU GROUPE PARLEMENTAIRE UPC/RD : « Ma part de vérité»

LONA CHARLES OUATTARA, DEPUTE, A PROPOS DE LA GENESE DU GROUPE PARLEMENTAIRE UPC/RD : « Ma part de vérité»


Premier officier burkinabè à étudier à l’école technique n°2 de la Royal Air Force en Angleterre, le colonel à la retraite, Lona Charles Ouattara, est notre invité de « Mardi Politique ». Dans l’arène politique depuis 2011, il est l’un des 13 députés frondeurs de l’UPC qui ont créé le groupe parlementaire UPC/RD. Il nous explique la genèse de la création de ce groupe parlementaire tout en donnant sa part d’analyse de l’actualité politique et sécuritaire au Burkina.

« Le Pays » : Pouvez-vous nous dire comment vous êtes devenu militant de l’UPC?

Lona Charles Ouattara : Quand je prenais ma retraite en 2011, mon épouse, une Américaine qui a travaillé comme moi dans le système des Nations unies, était affectée à Saint-Domingue, en république dominicaine. Je l’ai accompagnée là-bas et quand je suis rentré au pays en vacances, il y a un de mes amis colonels qui m’a approché avec son épouse pour me dire que maintenant que je suis à la retraite, pourquoi ne m’intéresserais-je pas à la politique. Ils m’ont dit qu’il y a un parti politique qui est en
vue et que son chef est très populaire. Je n’avais jamais entendu parler de Zéphirin Diabré d’autant que la politique, pour moi, l’officier devrait s’en écarter au maximum. C’est ce que j’ai fait durant toute ma carrière. D’aucuns diront peut-être que j’ai participé au CMRPN (ndlr : Comité militaire de redressement pour le progrès national) mais pour moi, c’était une mission. Je n’y étais pas en tant que politique avec une vision politique comme des projets de changement de société, mais en tant qu’officier en mission, juste pour servir. Etant donc à la retraite, je me suis dit que les consultations ne pourront pas suffisamment m’occuper et pour ne pas trop m’ennuyer, j’ai accepté la proposition de mon ami et il m’a amené rencontrer Diabré. Nous avons parlé du parti et il m’a donné le manifeste à lire. Comme j’étais là, juste pour deux semaines, je suis reparti à Saint-Domingue. J’ai profité d’une croisière que mon épouse et moi avions organisée aux Bahamas à partir de Miami, pour bien lire ce manifeste. Après lecture, j’ai trouvé que les idéaux du parti correspondaient à mes idées. Parce que le manifeste dit que l’UPC est sans idéologie politique. Effectivement, je ne suis pas pour les partis dogmatiques, qui ont une idéologie marquée. Je suis plutôt pour le pragmatisme, c’est-à-dire le recours à la résolution des problèmes de notre société sans grands slogans, sans être dénommé social-démocrate, social libéral, communiste, libéral, socialiste. C’est donc le manifeste de l’UPC qui m’a convaincu d’adhérer au parti en 2011. Après adhésion, le président Diabré m’a proposé d’être le correspondant provincial du parti dans le Kénédougou qui est ma province d’origine.  C’est à partir de 1997 que ma commune, à savoir Ouéléni, a été détachée du Kénédougou pour être rattachée à la Comoé. Ce qui a, par la suite, permis la création de la province de la Léraba. Le président Zéphirin Diabré avait vu juste en me proposant d’être le correspondant du Kénédougou, parce que c’est là-bas que j’étais le mieux connu. Quand je suis au Kénédougou, je nage comme un poisson dans l’eau. Le rattachement de ma commune à la Léraba, a été fait en mon absence. Quand je suis rentré en 2011, je ne connaissais personne dans la Léraba. Mais si je décidais de faire la politique au Kénédougou, cela n’allait pas être bien perçu par ma commune qui était déjà rattachée à la Léraba. Sur mon insistance, il m’a donc dit de représenter le parti dans la Léraba et de lui trouver quelqu’un qui allait se charger du Kénédougou. Ce n’était pas un problème pour moi, étant donné que le Kénédougou est ma province d’origine. J’ai donc choisi quelqu’un qui se trouvait n’avoir pas été le bon choix. Mais dans toute chose, il arrive que l’on se trompe. Bref. Dès 2011, je commence à organiser le parti dans la Léraba et en même temps, j’aide mon poulain du Kénédougou ainsi que le représentant du parti dans la Comoé. Ma philosophie, c’est une stratégie un peu emprunte à l’armée. Je me dis que pour que je réussisse, il ne suffit pas de me concentrer sur ma partie. Je me concentre, certes, sur ma partie mais il faut que mon aile gauche et mon aile droite soient protégées. Si, sur mon aile gauche, le CDP est trop fort, ça va déteindre sur mes militants. Il en est de même pour mon aile droite. Si le CDP est trop fort dans la Comoé, ça va déteindre sur mes militants. Je suis dans une position pivot, je me dis que le gros de l’effort, c’est certes dans la Léraba, mais il faut que je dépense aussi à gauche et à droite. Et ça a payé. La preuve est que j’ai été élu deux fois député.

Pouvez-vous nous faire la genèse de la naissance du groupe parlementaire UPC/RD ?

Une des premières genèses vient de ma pensée politique. Je vous l’ai dit plus haut. J’ai adhéré à l’UPC à partir de ses textes fondateurs qui disent qu’il n’y a pas d’idéologie politique. Mais subitement, à partir de 2015, il y a un changement terrible sans que mon avis n’ait été demandé. On a dit que nous sommes des sociaux-libéraux. Le parti s’étant affilié à un social-libéralisme, cela a posé déjà le premier problème avec ce fait arbitraire qui a consisté à changer subitement l’orientation politique du parti sans avoir consulté, au préalable, les responsables que nous étions. Quand on est secrétaire national à la défense et à la sécurité d’un parti politique, ça veut dire qu’on fait partie quand même des premiers responsables. Ce qui me fait dire qu’il y a une sorte de gouvernance qui se fait de manière personnelle et partisane. C’est le type de gouvernance qui ne tolère pas la transparence dans la gestion des affaires. Il y a le culte de la personnalité qui s’installe progressivement. A maintes reprises, on nous dit que le parti, c’est mon parti. Alors que moi, je ne suis pas entré dans le parti politique avec l’argent de quelqu’un. Je vais vous rappeler que l’UPC, lorsqu’il a obtenu 19 députés pour la première fois, n’avait apporté aucun soutien financier ni matériel à ses cadres qui sont devenus des députés. En tout cas, pas moi. Je ne peux donc pas prendre mon argent, faire de la politique pour me laisser manipuler comme un enfant. Pour encore mieux vous expliquer les causes profondes, parmi les 13 députés que nous sommes, il y a des jeunes qui n’ont pas vécu ce que moi j’ai vécu parce que je suis à mon deuxième mandat. Ces jeunes qui sont députés actuellement, sont à leur premier mandat. Alors comment ça s’est passé pour moi, lors de mon premier mandat ? Nous nous sommes débrouillés avec nos propres moyens financiers et matériels pour nous faire élire député. Par la suite, nous nous sommes battus pour renverser le régime de Blaise Compaoré. Pour le faire, c’était à coûts de fortes cotisations des députés. Les marches et les meetings que nous avions réussi à organiser, c’était avec nos propres financements. Mais à l’époque, Diabré nous écoutait, puisqu’on le faisait de manière collégiale. On était bien informé de nos réunions, de nos prises de décisions et on adhérait. La première décision de combattre de manière ouverte Blaise Compaoré, a été prise en 2013 à Kombissiri. C’était l’appel de Kombissiri. Jusque-là, le président du parti écoutait ses cadres. Mais dès lors que nous sommes arrivés à renverser le régime du CDP et que Diabré a été projeté en avant, c’en était fini de la collégialité. Le 30 octobre 2014, le pouvoir était dans la rue et c’est Diabré qui a appelé l’armée au pouvoir. Ce qui n’était pas l’avis de l’ensemble des officiers. Le 31 octobre 2014, j’étais à la place de la révolution avec la foule qui ne demandait qu’à ce que le chef de file de l’opposition se présente pour prendre le pouvoir. Mais il était où ? Il était au CFOP alors qu’à ce moment, ce n’était pas une action de bureau. C’était plutôt une action de terrain. Moi j’étais  sur le terrain et les jeunes m’ont demandé si je voulais le pouvoir. J’ai eu quelques fractions de secondes pour décider et j’ai décidé de ne pas le trahir. Il y a beaucoup de jeunes qui peuvent témoigner de ce que je dis aujourd’hui. Ce jour-là, je suis allé lire une communication à l’armée pour lui dire de s’abstenir de prendre le pouvoir. Je ne pouvais pas trahir Zéphirin Diabré parce qu’il est le chef de mon parti et il est le chef de file de l’opposition. C’est lui qui devrait être là. C’est face à ce vide que Kwamé Lougué et Sara Séré/Serémé se sont présentés. Ce qui a permis à Zida de prendre le pouvoir facilement. Il n’y avait pas une volonté manifeste d’un homme politique de prendre le pouvoir. Et cet homme-là, en l’occurrence, c’est qui ? C’est Diabré Zéphirin. Et il ne l’a pas fait. Ça c’est une trahison pour moi. Alors, dans l’armée, les chefs militaires qui perdent les guerres, je ne suis pas enclin à les suivre toujours. Ce n’est pas ça seulement que je lui reproche. Une autre faute grave de sa part, c’est le sacrifice de 18 députés. Nous étions 19 députés à l’UPC et Diabré n’a pu envoyer qu’un seul député au CNT, à savoir Armand Ouali. En tant que chef de file de l’opposition, il pouvait en envoyer plus. C’est nous qui avons renversé Blaise Compaoré avec les gars du MPP et autres. Mais le MPP n’avait pas de député. Les 18 des 19 députés de l’UPC qui ont contribué à renverser le régime, se sont donc retrouvés à la rue, sans emploi. Ce qui est plus grave, c’est que Zéphirin Diabré a envoyé des non-militants de l’UPC dans le gouvernement de la transition pour être ministres en lieu et place des députés qui ont lutté avec leur argent et qui ont été sacrifiés. Des députés qui ne sont pas considérés comme frondeurs aujourd’hui, certains sont avec lui parce qu’ils ont vécu de ses prébendes pendant cette période. C’étaient des déshérités qu’il avait subventionnés. Mais on oublie que cet argent venait du fait que les 19 d’entre nous avaient réussi à devenir députés et que l’Etat pourvoit une subvention liée aux résultats. C’est parce que le parti avait 19 députés qu’il a bénéficié, en son temps, d’une subvention d’à peu près de 130 millions de F CFA. Sinon, avant ça, le parti n’avait aucun franc. Voici en résumé la genèse de la création du groupe parlementaire UPC/RD. Mais, cela est ma part de vérité. Parmi les 13 députés qui constituent ce groupe, il y en a qui ont d’autres explications aussi plausibles. Mais l’explication commune aux 13 députés, c’est le fait de décider de manière unilatérale d’une motion de censure pour renverser le gouvernement. Ce sont des choses qui se discutent. Je rappelle qu’en 2013, toute la lutte acharnée contre le régime de Blaise Compaoré, a été orchestrée à Kombissiri de commun accord avec tous les députés de l’opposition de l’époque. C’est lorsque nous avons commencé à déstabiliser le régime que le MPP nous a rejoint en début d’année 2014. Nous nous sommes opposés à cette motion de censure. Furieux, il nous réunit au siège du parti et il nous fait comprendre que ce n’est pas possible que des députés aient, dans un premier temps, signé une motion de censure et qu’après, ils soient revenus sur cette signature. Mais on oublie que la manière dont on organise la collecte de ces signatures, peut être à l’origine du fait que quelqu’un vienne signer et se rendre compte après qu’il s’est agi d’un piège. Nous sommes des hommes et femmes responsables ; donc nous avons le droit de revenir sur nos signatures. Pour lui, si cela s’est passé, c’est que c’est quelqu’un qui nous a influencés. Entendez par là, Salifou Diallo. Nous sommes quand même capables de réflexion. Je lui ai demandé ce que l’UPC gagne à renverser le gouvernement. Puisque quand on a réussi à renverser le régime de Blaise Compaoré, 18 députés sont passés à la trappe. Il s’est enflammé, et il a dit que c’est son parti politique. Il nous a dit ce jour-là qu’il a créé son parti politique pour être président et que nous, les 33 députés que nous sommes, en dehors d’un seul, aucun d’entre nous n’a été bien élu. Parce que, selon lui, être bien élu, c’est d’avoir pu battre le candidat MPP. Ça c’est l’insulte suprême. Pour parler des localités que je connais mieux, dans les Cascades, l’UPC a pourtant obtenu 2 sièges de députés et le MPP, 2. Dans le Kénédougou également, l’UPC est arrivée à diviser la poire en deux. Vous voyez que son raisonnement ne tient pas. La méthode de gouvernance a créé de nombreuses frustrations. Le président de l’UPC tentait de nous mettre la pression pour le vote de certaines lois. Ce qui est contraire à la Constitution et au règlement de l’Assemblée nationale qui stipule la liberté du vote du député. Je ne suis pas un enfant à l’Assemblée nationale, j’ai le sens du discernement. Je sais ce qui peut être bien pour le pays. C’est d’ailleurs la première fois que l’on voit, dans notre pays, une telle dissidence au sein d’un groupe parlementaire du même parti avec la création d’un autre groupe parlementaire. Et je pense qu’il faut plutôt s’en féliciter. Pour dévoyer cette dynamique de débat contradictoire en interne, on a tenté de nuire à notre image en faisant citer nos noms dans un journal de la place comme quoi nous serions de mèche avec Salifou Diallo pour créer un grand parti de gauche. Alors que je vous ai bien dit d’entrée que la question idéologique n’est pas ma préoccupation. Moi, en tant qu’ancien militaire, je suis contre tout ce qui est endoctrinement politique. Les tendances léninistes, marxistes, etc., ce n’est pas ma tasse de thé.

Alors comment se porte l’UPC/RD aujourd’hui ?

Jusque-là, il n’y a pas de problème. C’est un groupe parlementaire qui fonctionne très bien avec les 13 députés qui le composent. Nous venons de tenir nos journées parlementaires à Houndé.

Est-ce que l’UPC/RD et l’UPC se parlent depuis la rupture ?

II y a la communication entre tous les députés à l’Assemblée nationale. Il n’y a aucun problème entre nous et ceux qui sont toujours restés soumis à la manière de faire de Diabré. Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas d’accord avec l’UPC, mais nous n’approuvons pas la manière dont l’UPC est gérée. Avec les autres députés, nous nous parlons mais nous n’avons aucune communication avec Diabré. Il ne nous parle pas. Et s’il ne nous parle pas, nous aussi nous ne pouvons lui parler, d’autant que nous sommes égaux.

Est-ce que les frondeurs de l’UPC ont été invités au dernier congrès de l’UPC ?

Pas du tout. Ne nous ayant pas exclu, nos noms sont sur un mailing par le biais duquel tout ce qu’il décide nous arrive. Mais nous n’avons pas été invités de manière formelle. L’acceptation d’une telle invitation supposerait que nous ne craignons plus pour notre sécurité. Comme vous l’avez suivi, je suis un des rares à n’avoir pas été violé dans son intimité. Sans doute, c’est parce qu’ils se sont dit que ce ne serait pas facile pour eux en débarquant chez moi. Mais la plupart de nos camarades ont été menacés, violentés. Ils ont instrumentalisé quelques voyous et escrocs pour aller ternir mon image dans ma province alors qu’il s’agit de gens que j’ai personnellement fabriqués en des politiques pour les mettre en selle. Il y en a même que j’ai contribué à positionner dans le bureau politique national. En dehors de ça, je n’ai pas reçu de menace directe. Ce qui est sûr, il y a eu une cabale généralisée et violente montée contre nous. Donc, si nous ne sommes pas rassurés, nous ne sommes pas fous pour aller participer à une telle rencontre.

Avez-vous été donc surpris de n’avoir pas été sanctionnés par le congrès ?

Ça ne peut pas être une surprise pour nous. C’est peut-être une surprise pour les naïfs. Puisqu’il a déjà sanctionné, dans sa précipitation, Elysée Kiemdé en l’excluant du parti. Et ce dernier vient de créer son parti politique. Sachant qu’une fois exclu du parti, le député garde son mandat. Comme il tient toujours à nos mandats, donc il ne nous exclut pas.

Mais l’UPC a déposé une plainte par rapport à l’utilisation des symboles du parti par le groupe parlementaire UPC/RD. Et la Justice vous interdit de toute référence au parti de Zéphirin Diabré. Que comptez-vous faire maintenant ?

Pensez-vous normal qu’on nous interdise d’utiliser le logo et les symboles du parti ?

C’est une décision de justice…

Quel que soit celui de qui émane la décision, est-ce que c’est juste de considérer qu’un patrimoine qui jouit d’un caractère d’indivision nous soit interdit. L’UPC est une propriété commune et nous en sommes toujours membres. Etant toujours membres de l’UPC, le patrimoine du parti appartient collégialement à chaque membre. Qu’on arrive à tourner un problème d’indivision en propriété privée, je trouve cela curieux. Je ne m’y connais pas en matière de justice mais ce que je constate, c’est qu’il y a un problème d’indivision dans cette affaire. Maintenant, nous interdire d’utiliser le logo alors qu’on ne nous a pas exclus du parti et que nous n’avons pas démissionné, cela me dépasse purement et simplement.

Toujours est-il qu’il vous est imparti un délai au-delà duquel des amendes vous seront appliquées si vous ne vous conformez pas à la décision de justice. Pensez-vous payer ces pénalités ou bien l’UPC/RD va-t-il rejoindre le bercail ?

Au stade actuel de la procédure, nous n’avons pas l’intention de payer quoi que ce soit. Et nous n’avons pas l’intention de rejoindre le groupe parlementaire UPC, non plus. Parce que nous n’avons pas quitté le parti. La question ne se pose donc pas là. Le patrimoine est commun et nous l’utilisons au même titre que les autres. Maintenant, pour rejoindre le groupe parlementaire d’origine, il faudrait que les conditions changent, que Monsieur Diabré accepte qu’il a eu tort. Puisque c’est lui qui préside aux destinées du parti, c’est à lui de prendre les initiatives nécessaires.

Est-ce là une manière de dire que vous ne voulez pas vous soumettre à une décision de justice ?

Non, je ne dis pas cela mais nous attendons la décision finale de la justice, étant donné que nous avons fait appel.

Si c’était à refaire, le referiez-vous?

Je vous ai dit que j’ai été sacrifié en 2014. Même si vous n’aviez pas été à ma place, vous devriez comprendre cela. Alors si c’était à refaire, je le referais plusieurs fois. C’est peut-être que je regrette d’avoir pu supporter une telle gestion. Généralement, en Afrique, les politiciens ameutent les gens pour les amener dans un parti et après, ils disent que c’est leur parti. Alors que le parti doit être un patrimoine commun. Voyez-vous, j’ai dépassé l’âge de me faire diriger de la sorte. J’ai été un chef militaire et j’ai occupé plusieurs portes de responsabilités à l’échelle internationale. Je ne peux donc, pour cela, tolérer ce type de gouvernance.

Comment avez-vous accueilli la création de l’URD, le parti de Elysée Kiemdé, un ancien militant de l’UPC ?

Chacun est libre de créer un parti politique dès l’instant qu’il estime être en mesure de mobiliser un certain nombre de militants derrière lui. La loi le lui autorise.

Mais faut-il croire que l’URD est le nouveau parti des frondeurs ?

Non. Pas du tout.

Et si vous étiez exclus de l’UPC, l’URD serait-elle votre point de chute ?

C’est possible que des camarades y aillent. Mais ce n’est pas une question qui me préoccupe pour l’instant.

Pour les prochaines législatives, inutile de dire qu’il sera difficile pour vous de vous présenter sous la bannière UPC. Alors comment allez-vous vous y prendre ?

Ce dont je peux vous rassurer, c’est que je suis simplement serein. Je n’ai pas été élu deux fois député par hasard. Je sais comment j’ai fait ma campagne. Personne ne m’a fait élire. J’attends donc de voir les conditions qui vont se présenter aux prochaines élections. Comme j’avais choisi librement d’être un candidat de l’UPC, ce qui a été accepté de manière unanime au niveau de ma base, autant je peux encore me présenter sur une autre liste, si ce choix m’était imposé par la direction du parti. Le seul problème, c’est la santé.

Quelle est actuellement la posture politique du groupe parlementaire UPC/RD par rapport à la majorité et à l’opposition ?

C’est une posture de neutralité idéologique. Nous sommes militants de l’UPC, et l’UPC étant dans l’opposition politique, nous sommes dans l’opposition. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes systématiquement contre tous les projets politiques de la majorité. Pour moi, l’opposition veut se réserver la possibilité de pouvoir avoir une option différente. C’est d’ailleurs ce que dit le manifeste de l’UPC. Il est écrit, dans le manifeste, que nous sommes là pour corriger ce que le pouvoir ne fait pas bien, mettre en place ce qui devrait être fait et qui n’a pas été fait. Mais cela ne veut pas dire une opposition systématique ou dogmatique. Nous sommes des constructifs en somme.

Que pensez-vous de la gouvernance actuelle de Roch ?

Il y a des choses qui me vont très bien. A commencer par le caractère pacifiste de ce système politique. Voilà un régime qui, pour l’instant, n’a pas commis de crimes de sang. Rappelez-vous, sous le régime de Blaise Compaoré, je ne remonterais même pas à la révolution, comment c’était sanguinaire. Depuis que Roch est au pouvoir, les gens parlent comme ils veulent. Cela me rappelle la période de Sangoulé Lamizana où les grévistes allaient se masser devant le camp où il logeait, pour l’insulter. C’est presque la même chose que nous vivons. Lamizana n’a pas touché au cheveu d’un seul homme. Roch, depuis qu’il est au pouvoir, n’a pas touché, pour l’instant, au cheveu de qui que ce soit. Pour moi, cela est considérable. Il y a des régimes en Afrique qui, quand bien même ils n’arrivent pas à créer les conditions adéquates de développement pour leurs populations, à les sortir de leur pauvreté ou misère, les privent du seul bien précieux qu’est la liberté. Et méfiez-vous de ne pas chercher à perdre cette liberté. Donc, pour moi, ce régime fait beaucoup dans ce sens. Cela me va parfaitement. J’ai quitté mon pays en 1984, parce que j’avais horreur des dictateurs. Ce régime n’a pas de dictateur. C’est très important. Le reste, ils font ce qu’ils peuvent. Ils réussissent dans certains domaines, ils ne réussissent pas dans d’autres. Moi j’ai des conditions qui me permettent de suivre un système ou pas. Parmi ces conditions, il y a d’abord la liberté, la démocratie. Quand je parle, personne ne m’inquiète. Il y a donc beaucoup de choses qui me plaisent.

Vous ne vous êtes donc pas senti concerné par la marche du 29 septembre ?

Non. J’ai déjà beaucoup marché. En marchant, j’ai fait renverser Blaise Compaoré et je n’ai rien eu. La conséquence est que j’ai été plutôt sacrifié.

En tant que Colonel, comment expliquez-vous le regain de violences terroristes dans la région de l’Est? Quelle est, selon vous, la solution ?

Je vais d’abord faire une remarque d’ordre général. Ce qui devra pouvoir trouver la solution à toutes les questions : quel que soit le format militaire utilisé dans un pays, le modèle global est le plus à privilégier. Et c’est par le maillon faible du modèle que l’on perd les guerres. Autrement dit, c’est la globalité de la performance du modèle qui garantit la victoire : les personnels recrutés, formés et entraînés, les équipements technologiquement supérieurs et modernisés, la logistique au bon endroit au bon moment dans toutes ses dimensions, que ce soit la maintenance, les systèmes d’information, les munitions, le soutien de l’homme, la santé, les pièces de rechange, les carburants et lubrifiants, etc. C’est le modèle qui convient à toute armée. Quand ce modèle global est fonctionnel, on gagne la guerre.

Interview réalisée par Drissa TRAORE

 

Carte de visite (C.V)

Lona Charles Ouattara est colonel de l’armée de l’air burkinabè. Secrétaire national à la défense de l’UPC, et député. Il est actuellement le 5e vice-président de l’Assemblée nationale.  Ancien élève du Lycée Ouézzin Coulibaly puis du Prytanée militaire du Kadiogo (PMK), il a reçu sa formation d’officier à l’école Spéciale Militaire de Saint-Cyr en France. Remarqué à Saint Cyr pour ses aptitudes en anglais par l’officier de liaison britannique, le major de Remusat, il est le premier officier burkinabè à étudier dans un pays autre que la France. Il est admis en 1977 à l’Ecole des télécommunications de l’armée de terre britannique à Blandford. Il en ressort ingénieur des télécommunications et entre ensuite à l’école technique n°2 de la Royal Air Force pour en sortir ingénieur en aéronautique. Il est affecté à l’armée de l’air. Il poursuit ses études à l’Ecole nationale d’aviation civile (ENAC) à Toulouse pour sortir ingénieur de l’aviation civile. Après Saint Cyr, il est commandant de compagnie de la compagnie Boulgou3 au front dans le premier conflit contre le Mali. En 1977, il est chef d’état-major du 1er régiment d’infanterie commando. En 1980, il est chef adjoint des Moyens Opérationnels de l’armée de l’air, directeur adjoint des transmissions de l’armée, et nommé secrétaire permanent du Secrétariat Permanent du Comité Directeur du CMRPN. En 1983, le président Thomas Sankara lui fait appel pour être Secrétaire Général National du secrétariat général national des Comités de défense de la révolution mais, il décline cette offre qu’il juge politique. En 1984, il est retiré de l’état-major général des armées pour être nommé chef de projet de la cité du 4 août, mission qu’il parachève avant tout le monde, mais sera tout de même suspendu. Après la levée de cette suspension, levée inspirée par le capitaine Blaise Compaoré, il est affecté dans les mêmes capacités à Ziniaré, mais il rejette cette affectation et quitte le pays pour le Kenya.  A Nairobi, il est consultant du Programme des Nations Unies pour l’environnement, chargé des nuisances acoustiques des réacteurs d’avions. Titulaire d’un doctorat en anglais, d’un Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en Droit du transport aérien, d’un Diplôme d’études supérieures en économie et gestion du transport aérien (Doctorat d’université), il est chef de projet aéronautique à Etudes et Réalisations Industrielles (ERI), un sous-traitant de l’aérospatiale (Airbus industries) à Toulouse et à Paris, Clamart, chargé de la rédaction technique des components maintenance manuals (CMMs) des avions airbus, mirage, jaguar, etc. . Il est par la suite chef des opérations aériennes des Nations Unies sur plusieurs missions de paix dont le Rwanda, l’Angola, la RCA, le Congo RDC, et Directeur Logistique et Matériel de l’Organisation d’interdiction des armements chimiques (OIAC), puis Conseiller aéronautique du gouvernement congolais chargé de réformer le système d’aviation civile congolais. Il est consultant aéronautique de la banque africaine de développement chargé de l’étude de faisabilité de la mise en place d’un système de navigation aérienne fiable, d’une nouvelle aérogare et de la réparation des pistes d’envol des aéroports de Kinshasa, Kisangani et Lubumbashi, Goma. Entré au pays en 2011, il intègre l’Union pour le progrès et le changement (UPC). Il est élu député-maire de Ouéléni dans la Léraba à l’issue des élections couplées de 2012. Il est réélu en 2015 comme député. Depuis 2011, ce haut gradé à la retraite, « Monsieur Défense » de l’UPC, a toujours démontré la nécessité de dissoudre le RSP, de réformer l’armée et de démilitariser la scène politique.


Comments
  • In député one game oui! Toi qui fut les débats et tu accuses les autres. Ahnnn tu es du kenedougou? Bien reçu. Viens nous remettre Notre mandat. Espèce de traître! On t’attend!

    11 octobre 2018

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