HomeFocusLUTTE CONTRE LE TERRORISME ET PROTECTION DES LIBERTES EN RCI ET EN TUNISIE:Comment faire des omelettes sans casser les oeufs

LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET PROTECTION DES LIBERTES EN RCI ET EN TUNISIE:Comment faire des omelettes sans casser les oeufs


L’état d’urgence a été décrété en Tunisie pour trente jours renouvelables à l’effet de lutter contre le terrorisme. La veille, c’est la Côte d’Ivoire, qui avait été récemment l’objet de menaces des djihadistes d’Ansar Dine, qui a adopté une loi antiterroriste. Toutes ces décisions, qui accordent des pouvoirs d’exception à la police et à l’armée, sont censées contrer le terrorisme. L’enjeu donc en vaut la chandelle. En Tunisie, le président Béji Caïd Essebsi s’en est expliqué : « Nous sommes en état de guerre. Les circonstances exceptionnelles justifient des mesures exceptionnelles », a-t-il déclaré dans une adresse à la nation. Les autorités ivoiriennes sont aussi dans cette logique. Essebsi et Ouattara sont donc dans leur bon droit de chercher à protéger leur pays contre les attaques terroristes par la prise de mesures drastiques.

 

Il faut espérer que Béji Caïd Essebsi et Alassane Ouattara ne se trompent pas de cible

A priori, personne ne devrait leur en vouloir pour cela et ce d’autant plus qu’avant eux, bien des pays, de par le monde, dont certains ont pourtant une longue tradition démocratique, avaient pris des mesures de ce genre pour mieux traquer le terrorisme. Toutefois, l’on ne peut s’empêcher de s’interroger sur de possibles dérives liberticides que pourraient occasionner ces décisions. En Tunisie comme sur les bords de la lagune Ebrié, des craintes ont été formulées par certaines associations des droits de l’Homme. Et cela est normal. Car, au nom de la lutte contre le terrorisme, la porte pourrait s’ouvrir à toutes les dérives. Ces craintes sont d’autant plus justifiées que sous nos tropiques, des amalgames sont souvent faits à dessein pour réprimer toutes les manifestations publiques dirigées contre la gouvernance des régimes en place. En Tunisie, les citoyens craignent le retour des pratiques liberticides des années où le satrape Ben Ali était aux affaires et pendant lesquelles pour un oui ou pour un non, l’on pouvait être arrêté et jeté en prison. En Côte d’Ivoire également, le régime d’Alassane Ouattara pourrait s’abriter derrière la loi antiterrorisme, pour sévir contre l’opposition. L’on a déjà vu, par exemple, en RDC, les autorités croiser le fer contre certaines organisations de la société civile sous le prétexte que leurs actions s’inscrivaient dans le registre terroriste.

C’est pourquoi il faut espérer que Béji Caïd Essebsi et Alassane Ouattara ne se trompent pas de cible dans leur riposte vigoureuse contre le terrorisme. Au-delà de la Tunisie et de la Côte d’Ivoire, cette inquiétude pourrait être formulée à l’endroit de tous les pays démocratiques ou supposés tels, qui ont déjà mis en place un arsenal juridique restrictif des libertés individuelles à l’effet de contrecarrer le phénomène djihadiste. Tous courent le risque de mettre à mal le bien le plus précieux hérité des philosophes du siècle des lumières et sur lequel repose toute démocratie digne de ce nom, c’est-à-dire la liberté. Et ce bien n’a pas été octroyé. Il a été arraché et sacralisé au terme d’une lutte âpre et sans répit, engagée par les peuples depuis la Révolution française de 1789 contre l’arbitraire et l’absolutisme. Malheureusement, cette liberté est utilisée aujourd’hui par les terroristes qui écument les pays démocratiques pour assassiner la liberté des autres. Les partisans du djihad, en effet, se servent de la liberté d’aller et de venir pour franchir allègrement les frontières de leur pays en direction d’autres nations où ils se livrent, en toute impunité, à l’apprentissage du djihad. L’apprentissage terminé, ils se répandent dans le monde pour mettre en pratique leur funeste idéologie. Ce faisant, ils mettent leur pays face à deux possibilités comportant toutes des inconvénients. La première consiste, pour les traquer, à envisager des mesures fortes mais restrictives des libertés individuelles et collectives comme celles qui ont été prises par la Tunisie et la Côte d’Ivoire.

A cet effort de riposte contre le terrorisme, toutes les bonnes volontés doivent être associées

La deuxième consiste, au nom de la démocratie justement, à éviter de prendre des mesures d’exception et de ce fait, à courir le risque de voir le terrorisme prospérer. C’est pourquoi l’on peut dire à propos de la lutte contre le terrorisme et la protection des libertés, que la Tunisie et la Côte d’Ivoire sont face à un grand dilemme. Et en optant pour la méthode forte, quitte à mettre à mal certaines libertés individuelles et collectives, ces deux pays ont choisi le moindre mal. Il leur revient de ne pas s’installer pendant longtemps dans cette situation pour ne pas donner aux populations le sentiment qu’elles vivent dans une satrapie. Le tout répressif pourrait vite montrer ses limites face au terrorisme. Il faudrait donc, parallèlement à cela, envisager des mesures allant dans le sens de trouver de l’emploi à tous ces jeunes désoeuvrés, si les autorités de ces deux pays ne veulent pas les pousser dans les bras des djihadistes. Dans leur riposte contre le terrorisme, ces deux Etats ne doivent pas non plus oublier que la collaboration saine des populations et celle des leaders religieux éclairés sont indispensables. Les premiers sont efficaces pour le renseignement, et les seconds peuvent contribuer, par leurs prêches et sensibilisations, à outiller les fidèles musulmans contre l’endoctrinement.

A cet effort de riposte contre le terrorisme, toutes les bonnes volontés doivent être associées, y compris celles de l’opposition politique et des organisations de la société civile.

« Le Pays »

 


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