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MALI, BURKINA, GUINEE : L’ultimatum expiré, que fera maintenant la CEDEAO ?


Les autorités militaires du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée avaient, aux termes de l’ultimatum lancé par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) lors de son dernier sommet tenu à Accra, jusqu’au 25 avril dernier pour dissiper les doutes sur leur volonté de rendre au plus vite le pouvoir aux civils à travers un chronogramme acceptable de transition, faute de quoi de lourdes sanctions économiques et financières s’abattraient  sur leurs pays respectifs. En outre, injonction a été faite aux dirigeants burkinabè de libérer sans condition le président déchu Roch Marc Christian Kaboré, sous peine de sanctions individuelles similaires à celles déjà appliquées contre leurs voisins du Mali. Si l’on en croit les conclusions du dernier sommet, il n’est pas nécessaire que les chefs d’Etat et de gouvernement se réunissent pour scruter à la loupe l’évolution de la situation au Mali et en Guinée avant de sortir le sabre, d’autant que les sanctions prévues, dans le cas d’espèce, seront maintenues pour l’un, et automatiquement appliquées pour l’autre. C’est vrai que les anciens présidents burkinabè et guinéen ont été récemment libérés, mais on peut s’interroger, à juste titre, si cela suffira à calmer l’ire des dirigeants de la CEDEAO et à annuler les sanctions projetées.  Rien n’est moins sûr, surtout que les lignes n’ont pas fondamentalement bougé sur la question de la durée de la transition dans les trois pays bannis de la sous-région, malgré la réalité des menaces qui planent sur eux. Au Mali, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a, dans un discours « cash » et sans langue de bois devant le Conseil national de transition le 21 avril dernier, martelé que la durée de la transition en cours dans son pays, ne saurait être inférieure à deux ans, alors que la CEDEAO est jusqu’ici inflexible sur le délai de douze à seize mois au terme duquel lui, son gouvernement et son président devront débarrasser le plancher au profit de nouvelles autorités démocratiquement élues.

 

Le président Nana Akufo-Addo du Ghana et ses pairs devront faire preuve de tact et de prudence

 

Dans ce Mali sérieusement menacé d’un effondrement économique et social, ce discours rigide du Premier ministre vient a priori accentuer la crise d’autant qu’il percute le chronogramme proposé ou imposé par les dirigeants ouest-africains. Toutefois, beaucoup d’observateurs pensent qu’il ne s’agit, en réalité, que d’un bluff comme Choguel Maïga sait si bien le faire, juste pour entrer en résonance directe avec son opinion publique majoritairement hostile à toute forme de concession à la France et à ses supposés suppôts de la CEDEAO. Il est donc probable que les sanctions soient maintenues contre le Mali jusqu’à ce que ses dirigeants se résignent à faire passer symboliquement la durée de leur séjour au sommet de l’Etat sous la barre de vingt mois afin de sortir de cette impasse qui profite aux terroristes. Ces derniers ont d’ailleurs fait une véritable démonstration de force hier matin à l’aube, en lançant des attaques complexes et simultanées contre les camps militaires de Sévaré, de Bapho et de Niono dans le Centre du pays, qui ont occasionné d’énormes dégâts, malgré l’acquisition récente et sans précédent d’équipements militaires par le Mali, et la présence controversée des mercenaires russes qui ne font pas dans la dentelle quand il s’agit de casser du terroriste. Si le Mali et dans une moindre mesure la Guinée sont coutumiers de ces sanctions prises par la CEDEAO, le Burkina Faso, lui, risque d’en faire les frais pour la première fois dans les prochaines semaines. D’autant que la réponse à l’ultimatum à lui adressé pourrait être perçue, au mieux comme une roublardise, au pire comme un bras de fer volontairement engagé contre l’organisation sous-régionale. Ce serait, en tout état de cause, un désastre pour le pays des Hommes intègres, déjà englué dans une crise sécuritaire sans précédent avec son flot ininterrompu de déplacés internes, et une recrudescence des attaques terroristes comme celle perpétrée très tôt hier matin, contre le détachement militaire de Gaskindé dans la zone périurbaine de Djibo, qui aurait fait une dizaine de morts, des portés disparus, des blessés et des dégâts matériels importants si l’on en croit le tweet de Sahel Security Alerts. Les responsables de la CEDEAO qui ont jusqu’ici fait preuve d’une relative indulgence vis-à-vis du Burkina et le régime actuel sont tous conscients que si on ajoute des sanctions économiques aux nombreux problèmes déjà existants, on aboutirait fatalement au délitement total de ce pays enclavé et sans ressources. Au regard donc de cette extrême fragilité de la situation, il est fort possible que dans les prochains jours, un accord sur la durée de cette transition soit trouvé dans l’intérêt de toutes les parties. Car n’oublions pas que de par sa position géographique, le Burkina Faso est un rempart pour les pays côtiers du Sud contre l’inexorable avancée des hordes terroristes. Quant à la Guinée, la probabilité de la voir subir plus durement et plus longuement les mesures punitives de la CEDEAO est plus grande ; ses dirigeants étant plus autistes, plus arrogants et plus attachés à un souverainisme de prétexte. Mais qu’il s’agisse de la Guinée, du Mali ou du Burkina, le président Nana Akufo-Addo du Ghana et ses pairs devront faire preuve de tact et de prudence afin que le remède qu’ils préconisent pour ramener ces trois pays dans le jeu démocratique ne soit pas pire que le mal. Car, à force de les acculer sans ménagement, ils risquent de favoriser involontairement l’avènement d’autres régimes d’exception, qui pourraient eux-mêmes susciter des vocations dans d’autres pays de la sous-région.

 

Hamadou GADIAGA


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