HomeA la uneMARCHE ET CONTRE-MARCHE AU SOUDAN

MARCHE ET CONTRE-MARCHE AU SOUDAN


Trois ans après la chute d’Omar el Béchir, le Soudan est loin d’avoir enterré ses ‘’démons’’. Bien au contraire, la situation socio-politique semble se dégrader de plus en plus ces derniers mois au point de faire craindre une explosion sociale. Après une marche populaire suivie d’un sit-in de plusieurs jours, pour demander l’éviction des civils du gouvernement, c’était au tour des Forces pour la liberté et le changement (FLC) ainsi que du Parti communiste, de battre le macadam hier, 21 octobre 2021, pour défendre la Révolution. Et l’on pourrait dire que leur combat est légitime. Ce d’autant que les acquis de la Révolution, arrachés au prix du sang, sont fortement menacés. Mais il ne fait pas de doute que les croquants qui réclament à cor et à cri le retour des militaires au pouvoir, veulent ramener le Soudan en arrière. Et quand on sait que les pouvoirs kakis qui se sont succédé pendant des décennies, au Soudan, ont fait voir des vertes et des pas mûres aux Soudanais, l’on peut comprendre la détermination des révolutionnaires à défendre bec et ongles, les institutions civiles qu’ils ont contribué à asseoir. Depuis son accession à l’indépendance en 1956, le Soudan, pays de l’Afrique de l’Est, a connu trois révolutions qui ont abouti à des changements radicaux. La première qui a renversé le régime du maréchal Ibrahim Abboud, en 1964, la seconde qui a mis fin au régime du général Gaafar Nimeiry, en 1985 et la troisième qui a balayé le trône de l’officier Omar El Béchir en 2019. Faut-il s’attendre à une quatrième Révolution ? Rien n’est à exclure.  Ce d’autant que la date choisie pour cette manifestation, n’est pas un fait de hasard. En effet, elle marque celle de la Révolution de 1964 qui symbolise la résistance du peuple soudanais face aux prédateurs des droits humains.

 

Le pays est encore fragile et il faut se garder de le pousser dans l’abîme

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le bras de fer nouvellement engagé fait craindre des lendemains incertains pour le Soudan. Le risque d’une déflagration est d’autant plus grand que les deux camps ont décidé de recourir à la rue pour mesurer leurs forces. Cela dit, si personne ne connaît l’issue de cette confrontation, on peut, cependant, être sûr d’une chose : le célèbre prisonnier de Kober de Khartoum, Omar el-Béchir pour ne pas le nommer, qui est sur le point d’être extradé à La Haye, rit sous cape. Surtout que ce regain de tension pourrait retarder son transfèrement vers la Cour pénale internationale. On est d’ailleurs porté à croire que ses partisans ne sont pas étrangers à cette remise en cause de l’ordre établi qui est censé conduire le pays vers des élections. Demander aux civils de débarrasser le plancher afin que la soldatesque dépose ses pénates au palais présidentiel de Khartoum, c’est porter un coup de canif à la démocratie. Et c’est dommage pour les Soudanais qui nourrissent l’espoir de voir leur pays renouer avec l’ordre constitutionnel normal, l’une des conditions sine qua non pour le remettre sur les rails. A la vérité, ces nouvelles tensions voulues par des nostalgiques de l’ancien régime, n’auront pour effet que de prolonger la souffrance des Soudanais dont nombreux tirent le diable par la queue. Car, on le sait, l’économie du pays est sous perfusion.  Le Soudan post-Béchir, et c’est peu de le dire, est encore fragile et il faut se garder de le pousser dans l’abîme. En appelant à la dissolution du gouvernement, le chef de l’Armée, le général Abdel Fattah Al-Burhane, a mis la Transition en danger. Et il en porterait l’entière responsabilité si le pays venait à basculer dans des violences à grande échelle. Cela dit, le Premier ministre, Abdalla Hamdok et son équipe qui viennent de mettre une cellule de crise en place, vont-ils tenir ? Rien n’est moins sûr. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a danger et ceux qui espèrent tirer les marrons du feu, devraient plutôt se raviser car, ils pourraient y laisser des plumes.

 

Dabadi ZOUMBARA


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