HomeA la uneMARCHE DES FEMMES DU BURKINA CONTRE LA REVISION DE L’ARTICLE 37 :Après la spatule et le pagne, combien de symboles poignants faudrait-il encore à Blaise Compaoré pour comprendre ?

MARCHE DES FEMMES DU BURKINA CONTRE LA REVISION DE L’ARTICLE 37 :Après la spatule et le pagne, combien de symboles poignants faudrait-il encore à Blaise Compaoré pour comprendre ?


Le ressort semble s’être sérieusement cassé entre Blaise Compaoré et les femmes du Burkina. Pour leur prochaine sortie à Ouagadougou, les femmes de l’Opposition et de la société civile entendent défiler, mais en se présentant nues cette fois dans la rue, pour obliger le chef de l’Etat à renoncer à modifier l’article 37 de la Constitution afin de se maintenir au pouvoir.

 

 Lorsque les femmes sortent et brandissent un symbole,    ce sont des problèmes en perspective

 

Les livres d’histoire regorgent de ces faits où les femmes d’Afrique ont dû prendre le flambeau et donner l’exemple de l’habileté, du courage, de la ténacité dans la lutte contre l’envahisseur, mais aussi le prince régnant, lorsque ce dernier abusait de son pouvoir. Le rôle déterminant des femmes dans les combats visant à reconquérir les libertés et à restaurer la dignité des peuples africains, nous est constamment rappelé par la tradition orale. Troubadours et autres chansonniers du terroir  fredonnent toujours de générations en générations, ces hauts faits qui incarnent la droiture, la bravoure et le patriotisme dans une Afrique qui aura toujours su se mobiliser pour dire : « NON ! » à tous ceux qui s’accrochent indéfiniment au pouvoir, abusent de leur autorité, bâillonnent les libertés, massacrent ses fils et filles, et pillent les ressources nationales. Des décennies après, les amazones du Faso refont l’histoire.

En manifestant lundi dernier, les grands-mères, mères, sœurs, épouses et filles avaient brandi des spatules et autres symboles liés à la féminité chez nous, pour exprimer leur ras-le-bol, face aux abus de la quatrième république. Dans certaines sociétés d’Afrique, de tels objets constituent l’arme fatale. On n’y a donc recourt que dans des cas extrêmes. Leur usage condamne irrémédiablement la personne ciblée ; elle peut même en devenir folle, dit-on. Le fait de se dénuder est aussi une symbolique extrême dans les sociétés humaines où la femme et l’enfant occupent une place de choix. Dans la tradition africaine, si riche, et qui constitue le dernier rempart face à l’arbitraire et aux abus de toutes sortes, l’avertissement lancé au président du Faso doit être pris au sérieux. Mais pour autant, la spatule et le pagne  pousseront-ils Blaise Compaoré à céder ?

L’enfant et la femme  constituent des éléments sensibles dans toute société humaine. C’est un sacrilège, que de toucher à un enfant. Et pire encore lorsqu’il s’agit d’une femme. Il y a donc nécessité pour le prince régnant, d’être à l’écoute de ces deux franges de la société  et auxquelles l’adage attribue la protection divine. Quel que soit leur nombre, lorsque les femmes sortent et brandissent un symbole, de surcroît un ustensile de cuisine,  ce sont des problèmes en perspective. Des outils comme la spatule, les pierres servant de support au foyer, sont l’expression du dégoût, pire d’une malédiction dans divers milieux africains. En faire usage signifie que l’exaspération est à son comble. Il ne reste qu’à attendre que se réalise la prophétie.

Pour certains, Blaise Compaoré doit rendre grâce à Dieu, qui lui aura finalement permis de diriger ce pays aussi longtemps ! En 27 ans de règne pratiquement sans partage, l’actuel Chef de l’Etat se sera comporté comme l’enfant gâté des Burkinabè. Cet homme auquel on aura tout permis, s’est laissé entraîner dans les excès par la boulimie du pouvoir et la meute de courtisans insatiables qui l’entourent. Un piège dans lequel pourtant l’homme s’est plu, puisque parvenant à plusieurs reprises à se faire reconduire au gré de la modification de la Constitution. Narguer ses compatriotes est devenu pour lui chose banale, au point qu’il s’est habitué à répondre d’un ton persifleur aux questions des médias, lorsque l’agacement vient à l’habiter.

 

Blaise  Compaoré  doit prendre conscience de la gravité de la situation

 

S’il existe encore quelques sages autour de Blaise Compaoré, il leur revient de faire entendre raison au Chef de l’Etat. Même pleins d’assurance, les propos malveillants de certains de ses proches ne doivent pas l’endormir au point de vouloir continuer à défier le peuple en colère. Le Burkina Faso a soif d’alternance, pour avoir trop reculé au plan moral,  du fait de l’ampleur de la corruption, de l’abus de biens sociaux, de l’insécurité, de l’impunité et des injustices, etc. Dans ce pays, seuls bénéficient de marchés publics, les opérateurs économiques qui ont les faveurs du régime, et ceux qui adhèrent au principe éhonté du « donnant donnant ». Dans ce pays, aucun opérateur économique digne de ce nom ne milite dans un parti d’opposition.  Le partage des richesses nationales s’effectue au gré d’un clanisme outrancier et d’un régionalisme scandaleux. Trop, c’est trop !

Le président du Faso doit cesser d’écouter tous ces courtisans soucieux de continuer à manger. Ceux-ci se disqualifient chaque jour aux yeux de l’opinion, en tant que responsables républicains. Ils savent pertinemment que l’heure est grave, et que les faits sont sérieux. Mais, ils s’entêtent à pousser Blaise Compaoré vers l’abattoir. Lui, n’a pas intérêt à s’endurcir. Il doit éviter d’attendre de voir les femmes défiler nues dans les rues du Faso. Une vraie malédiction ! Il ne faut pourtant pas dépasser les bornes. Las d’avoir trop longtemps attendu, le peuple qui se sent floué et méprisé, exigera de plus en plus, qu’il soit mis fin au tripatouillage de la Constitution, et que soient respectés ses droits et sa dignité. Les partisans du président continueront probablement à lui pomper l’air, en avançant que tout est sous contrôle. Après, les mêmes diront : « On a tenté en vain de le convaincre, rien n’y fit» ! En cas de changement, ces professionnels du verbe, de la démesure et de l’illusion, n’hésiteront pas à reprendre les mêmes refrains auprès du nouveau prince régnant.

Après ces cris de colère et de désapprobation, l’on verra si Blaise Compaoré va rester sourd, et oser défier les traditions. Après la spatule et le pagne, combien de symboles poignants lui faudra-t-il encore pour comprendre que l’ambiance est délétère  et mortifère? En tout cas, libre à lui de ne pas prêter oreille à ses opposants. Mais, pour le message des femmes en particulier, il doit prendre conscience de la gravité de la situation. Qu’il y croit ou pas, les présages sont mauvais pour le Faso. Il lui appartient de prendre ou pas le risque de devoir affronter les femmes nues, venant crier leur désespoir. Moussa Traoré du Mali en 1991, et dans un passé plus récent, Laurent Koudou Gbagbo en Côte d’Ivoire, ont perdu le pouvoir pour avoir feint d’ignorer la forte mobilisation des femmes, ou pour les avoir réprimées dans le sang. S’il maintient le cap, et donc se détourne de l’invitation des femmes, Blaise Compaoré survivra-t-il à la prophétie ?

Il y a quelques années, avant et après la chute du colonel Kadhafi en Libye, nous soulignions dans ces mêmes colonnes que plus rien n’arrêtera les peuples africains dressés contre les dictatures qui les asservissent. Il est en effet très difficile d’arrêter un peuple mobilisé. Tout a une fin. Question de temps et d’opportunité. Nul doute donc, qu’après ce ras-le-bol du peuple du Faso, d’autres peuples d’Afrique se mobiliseront pour barrer la route de la forfaiture à leurs bourreaux ! Il est révolu le temps où, sur ce continent, l’on contemplait les dirigeants piller les ressources nationales, disposer de la vie d’autrui et mener le pays à leur guise, quitte à ce qu’il aille à la dérive. « Si tu ne peux protéger le peuple et braver l’ennemi, donne ton sabre de guerre aux femmes qui t’indiqueront le chemin de l’honneur», dit en substance l’orchestre Bembeya Jazz National de Guinée, dans sa célèbre chanson -« Regard sur le passé »- qui exalte la lutte patriotique, tout en vantant les mérites des héros et héroïnes de l’Afrique d’hier.

 

« Le Pays »

 


Comments
  • Chapeau bas à votre “canard”. C’est du balèze cette analyse. DIEU vous bénisse pour ce travail ôh combien salutaire pour le peuple.

    28 octobre 2014
  • Tres bel editorial remppli de sens. Le predient du Faso doit entendre le cri de coeur du peuple. Les evenements qui se succedent sont des signes premonitoires de la decheance. Il n’ya pas de honte a reconnaitre son erreur et a faire marche arriere. Il doit ecouter le peuple.

    29 octobre 2014
  • Bonjour
    Mr Blaise croit que le Burkina est sa natte comme pensait le Feu Maurice YAMEOGO plier ou se coucher sur ça comme il veut. Si la révision passe à l’assemblée nationale, il n’y aura pas de paix. Nous sommes prêts à défendre la constitution au prix d’un grand sacrifice. La constitution ne sera jamais modifiée au plaisir d’une seule personne ou d’un clan. LE BURKINA N’EST PAS LA PROPRIÉTÉ DE Mr Blaise. La lutte va continuer et intensifier.

    QUE LE SEIGNEUR BÉNISSE LE BURKINA. AMEN
    PAIX ET JOIE A TOUS LES BURKINA. AMEN

    NON AU REFERENDUM
    NON AU SÉNAT
    NON A LA RÉVISION DE L’A37
    NON AU POUVOIR A VIE D’UN PRÉSIDENT
    VIVE LE PEUPLE BURKINABÉ
    VIVE LA DÉMOCRATIE A 2 MANDATS
    VIVE L’ALTERNANCE 2015

    ACHILLE TAPSOBA LE BOBOLAIS
    Partisan inconditionnel de l’Alternance

    ACHILLE TAPSOBA LE BOBOLAIS
    Partisan inconditionnel de l’alternance

    29 octobre 2014
  • Le Burkina Faso et son peuple sont encore à un tournant historique et à la croisée des chemins! Le peuple a besoins certes de démocratie mais surtout de développement économique et social qui lui permette de résoudre des problèmes sociaux économiques ! Depuis vingt-trois années on peut dire que le processus démocratique se déroule sans trop de problème mais il existe un sérieux problème au niveau de la gouvernance interne et où il s’est développé un laisser-aller du régime qui a permis une à une certaine classe politique et administrative de s’enrichir au détriment du peuple burkinabé. Cette présente crise en est la résultante! Alors, les difficultés actuelles du pays du pays ne peuvent se résoudre uniquement par des marches et des meetings des uns et des autres mais par des décisions directes ou indirectes en faveur du peuple burkinabé! Dans cette situation, est ce que les leaders de l’opposition sont-ils capables d’opérer une alternative en dehors des politiques économiques actuellement menées ? Ou bien faut-il malgré les griefs de l’opposition continuer tout de même avec Blaise Compaoré en inventant d’autres politiques plus sociales ? Car le changement ne doit pas se limiter à une question de personne! Salut

    29 octobre 2014
  • Dès cette nuit jusqu’à demain matin, rassemblement sur toutes les voies qui mènent à l’Assemblée Nationale. Debut du sit-in sur l’A.N à 9h00.
    – Ceux qui viennent de l’Est (Wayalghin, Bendogo, Zogona, Dasasgho, Karpala, etc.) rassemblement sur le Boulevard Charles De Gaule et route de l’Hopital Yalgado Ouedraogo.
    – Ceux du Sud (Pissy, Pattes-d’oie, Ouaga 2000, Cissin, Koulouba, Kamsonghin etc.) rassemblement devant Bank of Africa jusqu’à l’hôtel Indépendance.
    – Ceux de l’Ouest (Gounghin, Samandin, Dapoya, Larlé, Nosin, etc), rassemblement de la Maison du Peuple au Round-point des Nations-Unies.
    – Ceux qui viennent du Nord (Tanghin, Tampouy, Somgandé, Kossodo, etc.), rassemblement devant le Lycée Zinda.
    Cette fois-ci, si les CRS nous empêchent de nous rassembler devant l’A.N, c’est l’affrontement avec toutes ces conséquences qui peuvent en découler.
    A bas le pouvoir à vie ! A bas le pouvoir en famille, dans le clan !
    La Patrie ou la Mort, Nous vaincrons !

    29 octobre 2014
  • Je souscris entièrement à cette analyse. Blaise est à la croisée des chemins. Il ne peut continuer à vouloir tromper le peuple. Il faut respecter les règles convenues. Le peuple ne se laissera pas faire. Le pouvoir appartient au peuple.

    29 octobre 2014
  • très très belle analyse que dieux vous donne le courage de continuer à éclairer le peuple détenteur du pouvoir. bravo à nos maman. qu’elle rentre avec leurs ustencils de cuisine pour préparer l’après blaise.
    nous sommes fières de l’ensemble de la population BURKINABè

    29 octobre 2014
  • Très belle analyse. Félicitation à vous. Vos écrits ne m’étonnent pas car j’ai vu un peu comment le journal’ Le Pays s’est battu en son temps contre l’imposture au Niger sous la présidence de TANDJA. Après le coup d’Etat, des Nigériens sont venu remerciés votre journal pour le soutien dans leur lutte contre la folie de Monsieur TANDJA. Quand à Blaise COMPAORE, il faut qu’il sache qu’aucune dictature n’a eu raison du peuple depuis l’histoire antique jusqu’à nos jours. Sa chute est inévitable au regard de la protestation nationale et internationale. Mais si les femmes arrivaient à marcher nues, sa chute sera dans le déshonneur et la honte. On ne se dresse pas contre son peuple, on le respecte et on se plie à sa volonté pour son bonheur. Une maxime nous enseigne que l’arrogance de l’homme fera de lui la risée de tout le monde.

    29 octobre 2014

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