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MEDIATION DE L’UA EN RD CONGO : Un dialogue qui n’a pas sa raison d’être


 

Nommé  facilitateur du dialogue national en RDC par la présidente de l’Union africaine (UA), Nkosazana Dlamini Zuma, l’ancien Premier ministre togolais Edem Kodjo n’a pas eu besoin de round d’observation avant de se jeter dans le combat. Face aux médias congolais, le 11 avril dernier, le grand sorcier appelé en faiseur de paix,  a déballé la formule magique qu’il a concoctée pour faire fumer aux frères ennemis congolais, le calumet de la paix : convocation d’un Comité préparatoire dans la semaine en cours et tenue très prochainement du dialogue avec une durée envisagée de deux semaines. Et pendant que ce processus se met en place, Edem Kodjo se propose de continuer à travailler pour persuader les anti-dialogue à monter à bord de la barque. Et déjà, ce pêcheur sur le fleuve Congo a déjà dans la nasse une grosse prise. L’opposant emblématique Tchisékédi a, en effet, répondu à l’appel. Prenant acte de la nomination de Edem Kodjo, il l’a exprimé dans un communiqué : « Je reste fidèle à ma vision quant à la nécessité d’utiliser le dialogue comme la voie royale pour sortir le processus électoral de l’impasse dans laquelle le pouvoir de Kinshasa l’a plongé ».  On comprend alors l’optimisme du facilitateur qui martèle que le dialogue va démarrer, même sans ceux qui hésitent. Mais on s’en doute bien, les choses ne seront pas aussi simples. D’abord parce que l’accord de principe de Tchisékédi est assorti de conditions. Car, tout en exigeant des garanties sur le respect de la Constitution, il pose un ultimatum clair au régime de Kabila. « Si d’ici le 24 avril, il n’y a rien de convaincant, je compte demander à mon parti, aux forces de changement et à l’ensemble du peuple (…), de tirer toutes les conséquences de la persistance de l’impasse, dont on sait qu’elle a été artificiellement créée autant qu’entretenue par le pouvoir (…) ».

L’Afrique a d’autres chantiers plus urgents

Ensuite, parce que l’autre partie du Front anti-Kabila et  qui n’est pas des moindres, notamment la Dynamique regroupant les Organisations de la société civile et le G7, groupement des partis politiques, estime qu’elle n’a pas été concertée au préalable sur la composition du «comité préparatoire» de ces éventuels pourparlers et reste hostile au dialogue. Il existe donc dans la forme, comme on le voit, de grosses lézardes  dans cette médiation de l’UA, mais dans le fond, les divergences sont abyssales. Pendant, en effet, que l’objectif affiché du gouvernement congolais à travers ce dialogue qu’il a vainement convoqué lui-même, c’est de faire accepter l’idée selon laquelle le président Kabila doit rester à la tête de l’Etat au-delà du terme de son second et dernier mandat constitutionnel, l’opposition tient rigoureusement au respect de la Constitution. Même si le médiateur se défend de toute idée de violation de la Constitution congolaise, il reconnaît que le respect du délai constitutionnel est un problème pesant sur l’organisation de la présidentielle. Et c’est justement là toute l’ambiguïté de la médiation de l’UA. Le dialogue qu’elle a appelé de tous ses vœux n’est pas une disposition constitutionnelle et ne saurait se substituer à la loi fondamentale congolaise qui règlemente la succession au sommet de l’Etat congolais. Tout se passe comme si elle caressait le dictateur dans le sens du poil. Pire, en pressant l’opposition d’aller au dialogue avec le risque de cautionner un tripatouillage constitutionnel, on lui fait jouer le mauvais rôle.  Généralement taxée de « jusqu’au-boutiste » et d’irresponsable en cas de refus, l’opposition pourrait finir par être traitée par les populations de corrompue et de vendue, au sortir de ces pourparlers. Elle subirait alors le sort de la galette « brûlée sur les deux faces ».  On dénaturerait même  les choses, d’autant plus que l’objectif de la médiation n’est pas d’amener l’opposition à accepter le tripatouillage constitutionnel, mais de contraindre le dictateur à lâcher prise. Et pourtant, il suffisait d’appliquer la Charte de la bonne gouvernance et des élections. Enfin, il est moralement indécent de dépenser l’argent du contribuable pour négocier une sortie honorable pour un dictateur qui s’accroche au pouvoir alors que la Constitution le lui interdit. L’Afrique a d’autres chantiers, et des plus urgents, où ces fonds que l’on dilapide seraient plus utiles. Pour toutes ces raisons, on peut affirmer que si la médiation de l’UA en RD Congo a un objet, elle n’a pas de raison d’être.

SAHO


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