MORT DE MATHIEU KEREKOU : Adieu caméléon !
Le Général Mathieu Kérékou a tiré sa révérence hier à l’âge de 82 ans. Au regard de la stature de l’homme et de la place qu’il a occupée par deux fois au sommet de l’Etat, la disparition de ce personnage pour le moins iconoclaste, est un véritable coup de tonnerre dans le ciel béninois. Pour un caméléon, c’en était vraiment un et il avait même choisi pour emblème ce reptile dont il portait le nom en guise de sobriquet. Un sobriquet qui renforçait le halo de mystère dont il aimait volontiers s’envelopper. Un peu à la manière de François 1er qui avait pour emblème la salamandre. Mathieu Kérékou qui s’est abreuvé à la source du marxisme-léninisme, a révolutionné son pays, et c’est peu dire.
Kérékou, c’est une vie bien remplie
Sous sa houlette, le Dahomey devient le Bénin et il fit de ce minuscule pays coincé entre le Nigeria, le Burkina, le Togo et l’Océan Atlantique, le point d’attraction de toute la sous-région entre 1972 et 1991. Et pour cause. Le marxisme-léninisme était la bible de ce bruyant et petit pays fortement désireux de se soustraire des fourches caudines du sous-développement dans lequel l’avaient plongé tous les prédécesseurs du caméléon. Pour installer un régime de ce type à l’époque, il fallait avoir du cran et le Général en avait à revendre. Mais l’homme finit par renoncer à l’idéologie marxiste, pour entrer dans le giron des libéraux, un peu comme gêné aux entournures par un environnement hostile. Mathieu aura eu somme toute, une extraordinaire baraka en politique. Il aura étrenné le fauteuil présidentiel par deux fois avant de le céder à des héritiers politiques plus ou moins méritants. Le Bénin fut le premier sur le continent à organiser une conférence nationale en février 1990, impulsée par le caméléon lui-même comme s’il sentait venir le discours de La Baule qui eut lieu en juin de la même année. Toute chose qui montrait bien à quel point il méritait son surnom de caméléon, du fait de son extraordinaire capacité de reconversion et de réadaptation. Cette conférence nationale allait transfigurer le pays de fond en comble. Ce pays méritera en effet le label de laboratoire de la démocratie sur le continent noir. Kérékou, c’est une vie bien remplie et qui était en fin de cycle. Ce marxiste qui, fort curieusement, croyait au pouvoir des amulettes et des statuettes (il en brûlera des dizaines de kilos en guise de repentir), laisse, à tout considérer, un précieux mémorial pour le Bénin. Il aura profondément marqué l’imaginaire de son peuple qui le lui rend bien aujourd’hui à travers des actions de reconnaissances, notamment une semaine de deuil national. Adieu caméléon !
« Le Pays »