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NIGERIA :L’étau se resserre-t-il autour de Boko Haram ?


Les incursions incessantes de Boko Haram dans les pays limitrophes du Nigeria, sont aujourd’hui source de réelles inquiétudes. Ce brusque changement de stratégie d’une organisation aux accents terroristes, fait que se multiplient les rencontres au sommet, les réunions de crise au niveau des ministres africains chargés de la Défense ou de la Sécurité, et les concertations entre  chefs d’état-major des armées.

 

Boko Haram aspire à s’installer dans des zones frontalières

 

Après les enlèvements et l’occupation de plusieurs villes et villages, voilà que Boko Haram cherche à s’étendre. Ce changement de stratégie se manifeste aussi par des incursions périodiques dans les pays voisins du Nigeria. Le Cameroun, le Niger et même le Tchad, se trouvent ainsi dans la ligne de mire de l’organisation terroriste. Au-delà de l’occupation de pans entiers du territoire fédéral nigérian, Boko Haram aspire à s’installer dans des zones frontalières. L’on peut comprendre pourquoi le président nigérian a entrepris de rencontrer certains de ses pairs du voisinage immédiat du Nigeria. Un vrai appel au secours, qu’on n’a point besoin de dissimuler à l’étape actuelle de la lutte.

Ces derniers temps, Goodluck Jonathan a échangé avec Idriss Déby Etno du Tchad. Sans doute, afin de pouvoir bénéficier du soutien de l’armée tchadienne dont l’efficacité est légendaire sur le continent. Jusque-là, le chef de l’Etat nigérian a surtout bénéficié de l’appui du voisin Paul Biya. Un soutien consécutif aux concertations de Paris, sur fond de médiation française. Entrée sur le tard en action, l’armée camerounaise a fait des prouesses. Elle dit avoir plusieurs fois mis en déroute des éléments de Boko Haram qui s’étaient infiltrés à l’intérieur du Cameroun.

Les sollicitations de Goodluck Jonathan prennent sans doute en compte les mésaventures de son armée. Boko Haram semble avancer sans coup férir. A chacun de ses mouvements, l’on enregistre de nombreuses désertions de soldats nigérians. De quoi s’interroger sur la nature réelle de l’armée nigériane aujourd’hui. Est-ce la même armée qui, par le passé, avait fait les beaux jours de l’Ecomog aux temps sombres des guerres civiles en Afrique de l’Ouest ? Comment le « Great Nigeria » est-il devenu subitement un colosse aux pieds d’argile ? En tout cas, il semble avoir rejoint le peloton des pays africains qui s’occupent si peu de leur armée qu’elle est devenue une véritable coquille vide.

Les débâcles de l’armée nigériane face à Boko Haram, témoignent de l’état de déconfiture et de la capitulation des armées africaines face à l’ennemi. Presque toujours, à l’outrecuidance de mouvements de rébellion, répond malheureusement l’indolence de dirigeants militaires peu patriotes et incompétents. Habitués des salons feutrés, la plupart d’entre eux ont oublié que le métier des armes n’est franchement pas de tout repos. Exigeant, il l’est. Et il n’est pas donné à tout le monde d’y venir. Il faut éviter de confier la défense de nos territoires à un ramassis de pleutres dont le manque évident de savoir-faire, se remarque au premier choc avec des caïds. Le risque est grand de les voir transmettre leur couardise et leurs irresponsabilités aux jeunes soldats. En cela, les reculades de l’armée nigériane, censée être l’une des mieux équipées et des plus solides d’Afrique, achèvent de convaincre qu’il ne faut pas toujours se fier à ceux qui sont chargés de défendre les populations civiles. Boko Haram qui le sait, montre chaque jour un peu plus les dents, et tente de grignoter du territoire.

Toutefois, le changement de stratégie de Boko Haram peut se révéler payant pour le Nigeria et l’Afrique. Car, cela va entraîner la nécessaire conjugaison des forces. L’on se rappelle il y a quelques mois à peine, l’Elysée avait donné le ton, en invitant plusieurs chefs d’Etat africains à venir échanger à Paris sur les crises consécutives à l’évolution du terrorisme dans nos pays. Certains y avaient vu, comme toujours, des relents d’un paternalisme bon teint, ou d’un néo-colonialisme à peine dissimulé.

 

C’est, de la conjugaison des efforts que viendra la victoire sur Boko Haram

 

Au plan national, il faut d’abord assurer l’union sacrée autour du soldat Goodluck Jonathan. En effet, l’actuel chef de l’Etat a du mal à rassembler les forces vives autour de sa personne, pour mener le combat contre les terroristes. Or, plus que jamais, le Nigeria en danger, a besoin d’appuis réels au plan sous-régional et régional. Aussi faut-il se féliciter du soutien manifesté jusque-là par des pays comme le Cameroun, le Niger et le Tchad, pour ne citer que ceux-là. L’Union africaine (UA) qui, jusque-là, avait fait preuve de laxisme et d’irresponsabilité à l’égard du phénomène Boko Haram, a entrepris de mobiliser les Africains. Ne dit-on pas qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire ? Son engagement dans le combat contre Boko Haram est d’autant plus important qu’il s’agit de livrer une guerre asymétrique à une organisation assistée de l’étranger. Chaque jour, en effet, les « djihadistes » nigérians font la preuve qu’ils bénéficient d’appuis sans limites, de la part de l’international du terrorisme et de ses financiers. Sinon, comment expliquer cette nouvelle stratégie consistant à domestiquer des villes entières, à s’étendre à des régions et à mener l’aventure jusqu’à l’extérieur du Nigeria ?

La nouvelle stratégie de Boko Haram confirme qu’il s’agit bel et bien d’une organisation terroriste cherchant à s’étendre et à s’enraciner durablement. En somme, un appendice d’Etat islamique à l’image de celui que les Occidentaux entendent bien détruire aux confins de l’Irak et de la Syrie. Comme tel, ce bout de khalifat en émergence, se fera nécessairement anéantir grâce à la conjugaison des forces africaines et des alliés occidentaux.

En changeant de stratégie, donc en s’exposant davantage, l’organisation terroriste prend plus de risques. Certes, les incursions en territoire étranger lui donnent plus de visibilité ; elles font même croire que le mouvement prend de l’ampleur. Cela facilite l’octroi de ressources sur tous les plans, au niveau des bailleurs. Toutefois, à terme, le changement de stratégie pourrait lui coûter cher. En s’attaquant aussi effrontément à des pays voisins, Boko Haram ne fait-il pas une erreur de trop ? Sans conteste, les incursions « djihadistes » font prendre conscience aux peuples africains, de la réalité et de l’ampleur du danger terroriste. En même temps, cela donne des munitions aux forces internationales coalisées dont l’intervention se justifiera pleinement.

C’est, en effet, de la conjugaison des efforts que viendra la victoire sur Boko Haram, et sur tous ces intégristes qui profitent de la mal gouvernance pour multiplier les crises qui retardent le continent.

 

« Le Pays »

 


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