LA NOUVELLE DU VENDREDI : Jaloux et très soupçonneux
Madame Yama est une femme exceptionnelle. Le genre de femme qui illumine de leur présence l’avenir d’un homme. Secrétaire dans une administration publique à Ouagadougou , madame Yama est épouse et mère de famille attentive, instruite, croyante et très pratiquante.
A quarante deux ans, je pourrai emprunter la formule de l’autre pour la qualifier :
- Sacrée bout de femme !
J’ai rencontré cette femme exceptionnelle à l’occasion d’une foire de livres au pays des hommes intègres. Avec ses deux enfants qui l’accompagnaient, elle acheta mes livres que je dédicaçai. Ce genre de rencontre très chaleureuse mais souvent sans lendemain est très fréquentes dans le métier d’écrivain. Et ce genre de rencontres pendant ces foires d’expositions nous offre des amis pour toujours et des amis d’un jour. C’est le réalisme professionnel qu’il faut accepter.
Un mois après, je reçu un message très fraternel de madame Yama.
« La Famille Yama a lu et apprécié votre livre. Sincères encouragements.»
Je répondis et conservai l’adresse dans un carnet que je garde pour certaines occasions. Nous étions au mois de février. Dans le courant de l’année, un soir, je rencontrai comme le hasard sait si bien le faire, un charmant homme de cinquante ans dans la boutique de Mado, la jeune tante d’un ami.
- Monsieur Yama… un ami !
Après cette brève présentation l’homme s’en alla et Mado l’accompagna vers sa belle voiture. Le couple discuta un bon moment devant la voiture et Mado revint. Mado, la jeune tante de mon ami était une mère célibataire. Entreprenante et très dynamique, c’était une belle femme du monde des affaires. Libre, pas très à cheval sur la morale lorsqu’il y’a une bonne raison d’empocher du fric. Malgré son gout pour les affaires, Mado est une personne très combative que j’admire énormément.
- Mado tu es intraitable. Une de tes conquêtes ? plaisantai-je. Nous avions l’habitude de nous taquiner.
- Je connais Yama depuis le lycée. Avant le père de mon enfant. C’est la vie. Il est marié mais on se voit quand on veut. Les vieux amours ne brûlent jamais en cendre. Ecrit ceci dans tes livres !
Nous rions et j’oubliai l’évènement. Un jour Mado me dit.
- Tu sais j’ai vu un de tes livres signé dans la voiture de Yama.
Je fis le rapprochement et dit à Mado.
- Je me rappelle en effet ! j’ai signé un livre pour une femme et ses enfants du même nom. Madame Yama… je crois…
- Tu as raison. Sa femme comme tu le dit. N’empêche que Yama vient me voir souvent… c’est la vie…
Nous avions éclaté de rire. Ne voulant pas m’illustrer dans une vie privée et sacrée, je changeai de conversation. Le temps passa et j’oubliai la chose dans le train-train quotidien de la vie active.
Le 1er janvier, pour le nouvel an, je pris mon agenda et envoya un message regroupé à une centaine de personnes. Juste pour leur souhaiter une bonne et heureuse année. Dans la pure tradition des choses.
Le lendemain matin, je reçu un coup de fil.
- Bonjour, vous êtes monsieur Intel…
- Oui ! répondis-je.
- Vous avez envoyé un SMS hier soir à ma femme.
- Cela peut-être possible, c’est le nouvel an et des vœux qu’on échange cordialement.
- Je comprends, époux très attentif, je veux seulement savoir les fréquentations de ma femme…
- Je n’ai aucun lien avec votre femme cher monsieur… et pour commencer…je me présente…. A votre tour cher monsieur….
- Je suis monsieur Yama…
- Ah monsieur Yama… je vois ! j’ai rencontré votre femme et vos enfants à la foire du livre. Et vous aussi !
- Moi ?
- Oui, chez Mado !
Au bout du fil, j’entendais la respiration du mari soupçonneux. Après un instant de silence, il balbutia :
- Toutes mes excuses… très bonne année et merci !
Il raccrocha.
Je restai un moment très pensif.
Souvent dans la vie, l’homme ou la femme sincère au foyer à une confiance aveugle et absolue envers l’autre. Ne voulant pas trahir la confiance de l’autre on pense que l’autre observera la même prudence en s’imposant des règles de conduite irréprochable. Et dans un couple, la confiance est une chose indispensable pour la survie et l’épanouissement du vivre en commun.
Comble de l’ironie.
Dans la vie conjugale, souvent le partenaire fautif est parfois le plus soupçonneux…
On se demande.
Ousseni Nikiema, [email protected] 70-13-25-96