OUMAROU KABORE, ASSISTANT GSP, PORTE-PAROLE DE LA TROUPE
« Si le Directeur général démissionne, nous allons reprendre le travail »
Le Syndicat national des gardes de sécurité pénitentiaire (SYNAGSP) est en débrayage depuis le 22 octobre 2018. Actuellement, les audiences correctionnelles sont suspendues à cause de la grève. Nous avons rencontré Oumarou Kaboré, Assistant GSP, porte-parole de la troupe pour savoir ce qu’il en est de ce mouvement d’humeur qui n’en finit pas.
« Le Pays » : Votre mouvement d’humeur dure depuis plusieurs mois sans succès, n’y-a-t-il pas lieu de changer de stratégie ?
Oumarou Kaboré : notre mouvement dure à peu près trois mois. Avant tout propos, nous allons nous excuser pour ce que nous avons eu à faire au domicile du ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Nous nous excusons auprès du procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouagadougou, le doyen des juges d’instruction. Nous regrettons l’acte, nous l’assumons et nous leur demandons de nous comprendre et de nous pardonner. Dire que le mouvement est sans succès, c’est trop dire. Il y a eu beaucoup d’amélioration. Nous avons appris qu’il y a du matériel roulant et spécifique qui est venu pour renforcer le parc et notre capacité d’intervention. Mais du moment où certains de nos camarades ont été révoqués, nous ne pouvons pas dire que nous sommes satisfaits parce qu’il y a des gens qui ont perdu leur boulot. En ce qui concerne l’arrivée du matériel et la commission qui a été créée pour la gestion des carrières, nous sommes sceptiques. Néanmoins, nous sommes un peu satisfaits à ce niveau. Nous avons vu des gens qui ont été révoqués et qui ont perdu leur boulot pour la même lutte. Et comme nous l’avons dit, nous sommes déterminés et nous pouvons aussi compter sur la Justice pour essayer de résoudre ce problème parce que révoquer dix (10) personnes, c’est révoquer tout un village. Ils ont des familles, ils ont des enfants, ils ont des frères, ils ont des mamans, ils ont des papas.
Pouvons-nous dire que la lutte commence à payer ?
Oui, la lutte commence à payer. Nous avons rencontré le Garde des Sceaux le 8 janvier, et les GSP demandent le départ du Directeur général pour reprendre le service.
Pourquoi réclamez-vous le départ du Directeur général ?
Les éléments réclament le départ du Directeur général pour des raisons diverses. Le 6 septembre, avant la mise en place du nouveau bureau du syndicat, il y a eu une grogne et le Directeur général est venu à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou pour rencontrer les éléments de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP). Les discussions étaient ouvertes et tendues. Et un élément qui fait partie du nouveau bureau, a pris la parole. Ce qu’il a eu à dire n’a pas plu au Directeur général. Et le directeur lui a dit que s’il n’est pas satisfait du corps, il peut rendre sa démission. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous demandons la démission du directeur. La deuxième raison est que le 16 septembre, il y a eu un congrès extraordinaire qui a vu la destitution de l’ancien bureau et la mise en place du nouveau bureau. Et ce congrès a répondu au règlement intérieur du syndicat qui stipule que les 2/3 des membres peuvent destituer le bureau ou que les 2/3 des points focaux peuvent destituer le bureau. Et ce jour-là, il y a eu 18 délégations des points focaux sur 24, qui ont destitué l’ancien bureau du syndicat. Et 88 votants militants ont mis en place le bureau. Mais le Directeur général a dit que les conditions n’étaient pas réunies pour destituer l’ancien bureau et mettre en place un nouveau bureau. En 2011, nous avons enregistré des mutineries policières, militaires. Et aucun responsable d’un corps n’a fait une sortie médiatique pour juger mal ses éléments. Si notre Directeur général ne pouvait garder le silence, c’était de son devoir de dire comment les choses se sont passées. Pour ce qui s’est passé le 1er novembre au domicile du ministre de la Justice, le Directeur général a dit que les éléments en cause ont été sommés d’écrire des lettres d’explication et qu’ils ne se sont pas expliqués. Pourtant, c’était une occasion pour eux de s’expliquer. Alors qu’il n’y a que 4 éléments de la brigade d’intervention qui ont été sommés d’écrire des lettres d’explication le 6 novembre. Et le 7 novembre, le Secrétaire général a écrit une lettre d’explication au nom des 4. Donc, sur les 10 personnes, il n’y a que 4 qui ont été sommés de s’expliquer contrairement à ce que dit le Directeur général. L’une des raisons, ce sont les retenues de salaires. Nous sommes d’accord qu’on retienne nos salaires pour fait de grève, mais nous aurions voulu, pour le mois de décembre, que la hiérarchie sollicite ne serait-ce qu’un report de retenue de salaire. Ils auraient dû attendre après les fêtes de fin d’année. Pour toutes ces raisons, les éléments ont demandé le départ du Directeur général.
Est-ce à dire que la fin de la grève est subordonnée au départ du Directeur général ?
Si le Directeur général démissionne, nous allons reprendre le travail. La gestion de la crise par le Directeur général n’a pas été véridique, elle n’a pas été sociale. Nous ne reprochons rien au gouvernement.
Avez-vous pris langue avec le Directeur général ?
Au temps fort de la crise, le directeur lui-même a créé une commission ad hoc qui s’est réunie les 20 et 21 décembre. Cette commission a recensé 7 points principaux qui ont fait l’objet d’un congrès extraordinaire. Au nombre des 7 points, il y avait la question des retenues, l’annulation des affectations des 17 collègues de Ouahigouya, l’annulation de la suspension des activités du syndicat. Les conclusions des travaux ont été présentées au Garde des Sceaux et un rendez-vous a été fixé. Suite à cette rencontre, le Garde des Sceaux a indiqué que le gouvernement a dit qu’en ce qui concerne la question des retenues de salaire, il n’y a pas de négociations mais les autres points sont négociables. Mais à notre grande surprise, un communiqué a sommé les collègues de Ouahigouya de rejoindre leur poste. Les 10 personnes révoquées ont reçu des attestations de cessation de service. Nous pensons que s’il y a une crise et qu’on met en place une commission pour gérer cette crise, il n’est pas nécessaire de repartir rencontrer celui qui a mis en place ladite commission.
Quel impact votre grève a-t-elle sur le fonctionnement de l’appareil judiciaire ?
Le mouvement d’humeur bloque les audiences correctionnelles, les déferrements.
Etes-vous satisfaits du soutien des autres corporations du monde judiciaire, en l’occurrence les avocats et les magistrats ?
Nous sommes satisfaits en attendant le verdict des 10 personnes révoquées. Les syndicats ont regretté ce qui s’est passé, mais ils ont reconnu que c’est le cœur qui a pris le dessus. L’ensemble des syndicats des fonctionnaires nous ont compris. Les détenus et les parents des détenus nous ont compris.
Que comptez-vous faire si le Directeur général ne démissionne pas ?
Nous pensons que les autorités vont nous comprendre. Nous espérons trouver une solution le plus tôt possible.
Propos recueillis par Françoise DEMBELE