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Panel du CMNL sur le thème du changement politique


Dr YARGA LARBA, JURISTE

« C’est le petit frère, c’est la belle-mère… qui gouvernent »

La Coordination nationale du manifeste pour la liberté (CNML) a organisé un panel le 22 février 2014 au Centre de presse Norbert Zongo à Ouagadougou. Les débats qui ont porté sur le thème «Le changement politique» s’inscrivent en droite ligne de leurs activités et de la situation nationale, selon le manifeste.

Si changement il doit y avoir, de quel changement s’agira-t-il ? En introduction au panel tenu au Centre de presse Norbert Zongo le 22 février dernier, le modérateur Alain Sanou a tenu d’abord à rappeler la nécessité du changement vu l’histoire politique et les récentes agitations dans le paysage politique burkinabè. Pour le manifeste, le bilan du long règne de Blaise Compaoré est celui d’une profonde crise aux niveaux politique, économique et culturel, traduite par des révisions multiples de la loi fondamentale pour conforter l’empreinte du régime sur le pays, l’installation de la vie chère avec sa cohorte de drames et de misère, la corruption et l’enrichissement illicite. Il a ensuite confirmé la position du CNML qui est défavorable à la modification de l’article 37 de la Constitution et à la mise en place du Sénat. Mais, pour la coordination, le changement ne saurait se limiter à ces deux aspects. Pour elle, il ne faut pas s’y méprendre car, ce qui est à l’ordre du jour c’est moins le remplacement des hommes que la destruction d’un système qui, jusque-là, n’a apporté que misère et injustice au peuple. «Il faut aller plus loin et lutter pour l’avènement d’un ordre nouveau qui consacrera la souveraineté du peuple et prendra en main son destin. Le droit à la révolte contre les conditions de vie précaire et le manque de démocratie est légitime», a ajouté le modérateur.

Du désir de modifier la Constitution

Les panélistes Luc Marius Ibriga, Larba Yarga et Mahamadé Savadogo ont, à leur tour, éclairé les participants sur la question du changement à savoirs les enjeux et les acteurs qui y sont liés. Pour Dr Larba Yarga, la situation actuelle n’est pas nouvelle dans l’espace de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Certains présidents dont Mamadou Tandja du Niger et Abdoulaye Wade du Sénégal ont voulu modifier la Constitution à leurs desseins. Il a ajouté que, pour le cas du président nigérien, Blaise Compaoré lui avait dit qu’il fonçait droit dans le mur. Il a poursuivi que le président Compaoré se trouve aujourd’hui dans la même situation de désir de modifier la Constitution. Il s’est interrogé si ces velléités de se maintenir au pouvoir ne procèderaient-elles pas de sa volonté de protéger des biens mal acquis ou encore de la peur des dossiers pendants comme celui de l’implication du président Compaoré dans l’affaire du Libérien Charles Taylor. « Le président, élu en 2010 par les Burkinabè, ne gouverne plus aujourd’hui. C’est l’entourage qui gouverne et l’entourage c’est le petit frère, c’est la femme, c’est la petite sœur, c’est la belle-mère et par rapport aux différents marchés, il faut être du petit cercle pour pouvoir en bénéficier», a fait noter Dr Larba Yarga. « Les démissionnaires du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo et Simon Compaoré, attendaient de Blaise Compaoré qu’il fasse une déclaration pour dire qu’il ne va pas se présenter à l’élection de 2015, depuis juin dernier. Ce dernier est resté silencieux jusqu’aux festivités du 11- Décembre à Dori où il a manifesté son intérêt de briguer un autre mandat. Se sentant trahi, le trio a donc démissionné », a confié Dr Larba Yarga.

Quels types d’alternance ?

Quant au Dr Luc Marius Ibriga, membre du Forum citoyen pour l’alternance (FOCAL), la question du changement politique évoquée ce jour (Ndlr 22 février) est tributaire de la soif de changement remarquée dans la société. Pour lui, le changement politique est perçu à plusieurs niveaux dont le changement de gouvernement, le changement de régime ou le changement de société. Dr Ibriga a mentionné que vu dans le cadre du régime démocratique, le changement politique se manifeste par le biais de l’alternance au pouvoir. Laquelle alternance, pour lui, est de deux types : la « petite alternance » qui est la modification du rapport de force ; et la «grande alternance» qui est absolue ou relative. « L’alternance n’est pas une succession dynastique ; l’alternance n’est pas une succession au sein d’un même parti ou de partis à la même mouvance, l’alternance n’est pas un coup d’Etat, l’alternance n’est pas une chasse aux sorcières ».
L’alternance suppose une rupture politique dans le cadre républicain, l’alternance suppose une rupture au plan social, l’alternance suppose une rupture en matière de politique économique», a-t-il indiqué. Au Burkina, les conditions objectives de l’alternance, a-t-il souligné, sont réunies mais il n’est pas certain que les conditions subjectives le soient. Les conditions objectives sont, à son avis, la soif de changement et la reconfiguration du paysage politique actuel. Mais, selon lui, ce ne sont pas des préalables à une véritable alternance car les forces de l’opposition en vue sont d’une manière ou d’une autre comptables dans la gestion depuis 27 ans. Il a conclu en disant que, pour qu’il y ait une véritable alternance, il faudra que les forces de changement se mobilisent et se coalisent pour pouvoir imposer les aspirations du plus grand nombre, au risque de se trouver dans une situation où on aura qu’un changement d’équipe.
« Le changement politique a pour suprême enjeu la direction de l’Etat, le contrôle des institutions qui ont en charge l’orientation de la vie collective», selon Pr Mahamadé Savadogo du Manifeste pour la liberté. Dans ce contexte, le Professeur a situé le changement à plusieurs niveaux. « Si aujourd’hui le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) ou l’Union pour le progrès et le changement (UPC) arrive au pouvoir, on dira qu’il y a changement à la tête de l’Etat burkinabè. Car ce sont des organisations politiques différentes qui sont dirigées par des hommes différents. Mais si je pose la question de savoir, est-ce qu’au niveau de leurs orientations idéologiques fondamentales, il y a une différence entre ces partis, on peut constater que la nuance n’est pas radicale», a expliqué le Pr Savadogo. Pour lui, le changement le plus radical n’est pas seulement un changement d’organisation politique mais aussi d’orientation idéologique et de modèle de société.
Les participants au panel, issus de plusieurs couches socioprofessionnelles, ont aussi exprimé leur vision sur la question du changement politique. Pour Moussa Diallo, enseignant en philosophie, non seulement le système de gestion au Burkina est mauvais mais les acteurs le sont aussi. Donc, si changement il y a, il doit être radical et non réformiste. Il faut une révolution nationale démocratique et populaire, a martelé Moussa Diallo.

Adama SIGUE

Légende

1- Luc Marius Ibriga, membre du FOCAL, a affirmé que pour qu’il y ait alternance, il faut une alternative (Ph. N.M.)

2- Le modérateur Sanou Alain (micro) et les panelistes (de g. à d.), le Dr Luc Marius Ibriga, le Pr Mahamadé Savadogo et le Dr Larba Yarga (Ph. N.M)

3- Les participants ont suivi avec intérêt les commentaires sur le changement politique (Ph. N.M)


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