HomeA la unePARTICIPATION DE TSHISEKEDI AU DIALOGUE POLITIQUE EN RD CONGO : A quel jeu joue le vieux lion ?  

PARTICIPATION DE TSHISEKEDI AU DIALOGUE POLITIQUE EN RD CONGO : A quel jeu joue le vieux lion ?  


 

L’opposant historique congolais, Etienne Tshisekedi,  président de l’Union pour la démocratie et le progrès social  (UDPS), dans un communiqué diffusé depuis la Belgique où il subissait des soins médicaux, a annoncé son prochain retour au bercail pour prendre part au dialogue politique sous l’égide du facilitateur togolais, Edem Kodjo. Il justifie sa décision par le fait que, pour lui, le dialogue est la seule issue pour tirer le pays de l’impasse où l’ont conduit les errements du régime Kabila. Ainsi, après avoir été solidaire de toute l’opposition dans son refus d’aller sous l’arbre à palabres, le vieux lion fait bande à part. Ce faisant, il permet au dialogue tant souhaité par le régime mais  qui s’apparentait à un serpent de mer, de devenir une réalité. Mais, au-delà de l’argument officiel qui est de voler au secours du navire Congo qui tangue, balloté par les vagues et les tempêtes, quelles peuvent être les motivations profondes de l’icône de l’opposition congolaise?

Tshisekedi ne souhaite pas laisser en legs aux jeunes générations le chaos

La sagesse africaine affirme que « lorsqu’on voit une vieille femme courir dans les champs, si elle n’est pas pourchassée par quelque chose, c’est qu’elle pourchasse quelque chose ». Analysant l’attitude du vieil opposant, l’on peut dire que le revirement de Tshisekedi s’opère sous l’effet conjugué de contraintes et de calculs politiques. Dans le chapelet des contraintes, la plus apparente semble le poids de l’âge. Du haut de ses 84 ans, l’homme sait qu’il n’est plus l’avenir du pays, même s’il demeure l’homme politique le plus populaire du Congo du fait de son opposition aux régimes successifs du Maréchal Mobutu, de Laurent-Désiré Kabila et de Joseph Kabila. N’ayant sans doute plus les jambes pour les « combats de rue » ou pour  les mouvements de foule, la seule arme dont il a encore la maîtrise, c’est le dialogue, pour sauver pacifiquement son pays. En effet, connu pour son attachement à la mère-patrie dont il défend l’unité avec acharnement, Tshisekedi ne souhaite pas, comme il le dit, laisser en legs aux jeunes générations le chaos. Il  s’est  ainsi fait à l’idée d’Alphonse Karr qui avance que «ne pas honorer la vieillesse, c’est démolir la maison où l’on doit coucher le soir ».  La seconde contrainte qui n’est pas des moindres, est la situation interne de son parti, l’UDPS. En effet, le parti est balloté par des vents contraires liés à la succession au sommet du parti et à  l’opportunité ou pas de participer au dialogue politique national. Il en est résulté des départs et une certaine désorganisation qui font planer sur le parti, des risques d’implosion ou d’explosion. Le vieux, bien conscient qu’il ne dispose plus de toute la cohésion d’action de son parti du fait de ces divergences, a opté de jouer balle à terre. Peut-être même en fin calculateur, essaye-t-il de le vendre pendant que le parti vaut encore quelque chose. Enfin, la dernière contrainte est celle bien connue des opposants sur le continent.  Sauf exception, il n’est pas agréable d’être opposant en Afrique, en raison de l’indigence financière à laquelle on est contraint. Il n’est pas exclu que le vieux ait donc été « enfeuillé » et qu’il se soit laissé aller à la manœuvre pour la raison bien humaine qu’il doit surtout se préoccuper du sort de sa progéniture après lui. Robert Charbonneau disait que «ce n’est que dans la vieillesse que l’homme devient vraiment lui-même».

Kabila n’est pas à l’abri du scénario burkinabè

En tout cas, il plane dans l’air, un fort soupçon de deal entre Kabila et Tshisekedi, rien qu’à se référer au traitement de faveur accordé aux militants de l’UDPS et aux missions dépêchées à Paris pour rencontrer les membres de la famille de l’opposant. Au-delà de ces contraintes plus ou moins personnelles, le ralliement du vieux lion à la cause du dialogue national, n’est pas exempt de visées politiques. Il n’est pas, en effet, exclu que Tshisekedi ait un agenda caché en allant au dialogue. Son projet est peut-être d’y aller  et d’y provoquer un clash pour en ressortir. En réussissant ce coup, il prendrait le pouvoir à son propre jeu et le mettrait bien dans l’embarras. En plus, il décuplerait son capital sympathie auprès du peuple congolais opposé dans sa plus grande majorité aux velléités de pouvoir à vie de Kabila, tout en soldant ses comptes avec la communauté internationale qui presse les acteurs politiques d’aller à ce dialogue. L’exemple n’est pas inédit, car on l’a vu ailleurs sur le continent, avec le succès engrangé par l’opposition burkinabè après l’échec du dialogue initié par la médiation autosaisie de l’ancien chef d’Etat Jean-Baptiste Ouédraogo. Mais, il ne faut pas exclure des objectifs moins nobles pour la cause de la démocratie, que pourrait être une alliance sur le dos du peuple contre  quelques maroquins ministériels. On le sait, la loyauté politique au peuple et aux idéaux en Afrique de façon générale et en Afrique centrale de façon particulière, est aussi rare que les larmes d’un chien. Quelles que soient ses motivations, la décision de Tshisekedi de prendre part au dialogue au grand dam des autres opposants, en plus de couronner de succès les manœuvres  politiques de Kabila,  est un soutien inespéré pour le régime qui ne peut pas manquer de l’exploiter à fond. Mais Tshisekedi doit savoir qu’il joue gros. Si, par ironie du sort, la RDC sombre dans le chaos et implose, Etienne Tshisekedi et son UDPS seront jetés dans la poubelle de l’Histoire. Quant à Kabila, il serait trop tôt de se réjouir du succès de sa manœuvre, car il se peut qu’il ait accordé trop de poids au vieux lion alors que la vraie opposition pourrait être ailleurs. S’il réussit  son glissement du calendrier électoral et son dialogue, les perspectives peuvent être tragiques. Il n’est en effet pas à l’abri du scénario burkinabè, c’est-à-dire une insurrection populaire qui, dans cette atmosphère congolaise sentant le souffre, serait plus qu’explosive. Mais, c’est vrai que dans l’univers des satrapes du continent, la maxime est bien connue : «ça n’arrive qu’aux autres».

 

« Le Pays »


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