HomeRencontrePATRICK GAGNON, président de l’Association des grands exportateurs d’or artisanaux du Burkina Faso: « Il faut changer la loi en matière d’exportation d’or sinon… »

PATRICK GAGNON, président de l’Association des grands exportateurs d’or artisanaux du Burkina Faso: « Il faut changer la loi en matière d’exportation d’or sinon… »


Expatrié exportateur artisanal d’or au Burkina Faso, Patrick Gagnon et ses partenaires se sont fait prendre en fin 2014 dernier à l’aéroport international de Ouagadougou avec 77 kilogrammes d’or qu’ils voulaient l’exporter illégalement. Sorti de cette affaire complètement ruiné après 7 mois passés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), Patrick Gagnon a décidé de se battre pour faire changer la loi en matière d’exportation d’or qui est, selon lui, trop sévère. Toute chose qui ne leur permet pas d’exercer légalement leur activité et occasionne des pertes énormes à l’Etat. Dans l’interview que l’intéressé nous a accordée, il explique comment il compte mener cette bataille, fait des propositions de taxes à l’Etat et raconte sa mésaventure de novembre 2014.

 

« Le Pays » : Depuis quand l’association existe-t-elle et quels sont ses objectifs ?

 

Patrick Gagnon : Avant de répondre à votre question, permettez-moi de remercier le journal « Le Pays » pour l’opportunité qu’il m’offre de pouvoir m’exprimer dans ses colonnes. Nous avons débuté l’association au mois de juillet 2015 et nous avons eu nos papiers officiels en début d’août dernier. L’objectif de l’association est de revendiquer les droits des exportateurs artisanaux      d’or et de faire changer la loi en matière d’exportation de l’or au Burkina Faso pour permettre aux pratiquants de travailler dans la légalité et dans la sécurité. Vous savez, actuellement au Burkina Faso, la loi en matière d’exportation de l’or ne permet pas aux grands exportateurs de faire leur boulot de façon légale. Les taxes appliquées par kilogramme sont très élevées. Elles sont 10 fois plus élevées par rapport à celles de la sous-région. C’est ce qui fait que les Burkinabè et les expatriés vont dans les pays voisins avec l’or pour pouvoir l’exporter à moindre prix, et cela joue énormément sur les recettes du Burkina Faso et sur son produit intérieur brut. Je parle des grands exportateurs d’or que nous sommes. Par exemple au Ghana, pour exporter un kilogramme d’or, les taxes sont approximativement de 50 000 F CFA tandis qu’au Burkina elles sont plus de 500 000 F CFA. Ce prix élevé du kilogramme exporté du Burkina fait que les grands exportateurs travaillent dans l’illégalité en envoyant l’or dans les pays voisins pour pouvoir l’exporter et réussir à s’en sortir sans perte.

 

Cela constitue-t-il une perte pour le Burkina ?

Oui, exactement parce que l’Etat au Burkina cherche à trop gagner et comme on le dit, lorsque l’on veut gagner trop, on perd tout parfois. L’année dernière par exemple, il y a 213 kilogrammes qui ont été exportés légalement alors qu’il y a plus de 10 tonnes d’or artisanal qui sont produites au Burkina et chaque année, c’est la même chose. Les pertes se ressentent non seulement au niveau des taxes, mais aussi des douanes, du commerce général, des banques, des compagnies de sécurité et jouent négativement sur le Produit intérieur brut (PIB).

 

Et quelles sont les propositions que vous faites à l’Etat ?

Nous sommes en train de mener un plaidoyer pour que l’Etat puisse diminuer les taxes de façon significative pour beaucoup. Toute chose qui permettra aux exportateurs de travailler plus dans la légalité et de réussir à s’en sortir car au Burkina, le kilogramme se transige à 200 000 F CFA de profit et l’Etat en demande 500 000 F CFA pour l’exporter. Il faut vraiment que la loi change. La proposition que nous faisons à l’Etat est de fixer un montant fixe par mois pour les grands exportateurs. Et ceux qui arriveront à payer ce montant pourront exporter le nombre de kilogrammes qu’ils peuvent. Ce qui facilitera grandement la légalité et la sécurité de tous. De plus, nous pensons qu’un accord de libre échange dans le domaine de l’or artisanal dans la zone CEDEAO serait aussi une très bonne chose pour améliorer la légalité et la sécurité de tous.

 

Ce montant fixe mensuel peut être de combien ?

Ce que nous proposons au niveau de l’association, c’est que l’Etat crée un agrément de type VIP pour les grands exportateurs. Cet agrément aurait un coup supplémentaire X et un coup mensuel fixe. Ce coût mensuel fixe permettrait d’exporter le nombre de kilogrammes illimité par mois par titulaire d’agrément de type VIP avec un ajout de 1000 F CFA symbolique par kg via le Trésor public lors des exportations pour permettre de contrôler la quantité réellement exportée. Le montant mensuel que nous proposons est de 10 millions par mois, ce qui correspondra à une somme totale de 120 millions de F CFA par titulaire d’agrément de type VIP. Un seul agrément VIP représenterait le total des sommes perçues par l’Etat burkinabè au cours des trois dernières années.

 

Avez-vous porté vos propositions à la connaissance de l’Etat?

Oui, bien sûr ! Avant le coup d’Etat, j’ai rencontré le ministre des Mines, le directeur des mines et je les ai tous invités à la conférence de presse de lancement de notre association. Je les ai aussi fait savoir nos revendications et nos propositions. Ils étaient représentés à la conférence de presse que nous avons organisée le 15 septembre dernier pour non seulement montrer que l’association existe, mais aussi faire connaître nos propositions. En somme, nous collaborons bien avec le gouvernement et nous avons bon espoir que les choses aboutiront.

 

Personnellement, avez-vous déjà eu des embrouilles avec l’Etat dans l’exercice de votre activité ?

Oui, en effet. Je me suis décidé, après avoir exercé un temps dans l’humanitaire, de me lancer dans l’exportation de l’or. Au début, je travaillais légalement mais, quand je me suis rendu compte que je perdais énormément, je me suis mis à exercer de façon illégale comme bon nombre d’exportateurs expatriés et burkinabè. Et mon partenaire s’est fait prendre un certain moment avec 77 kilogrammes d’or à l’aéroport international de Ouagadougou en fin 2014. Certainement que vous avez entendu parler de cette affaire.

 

Où est-ce que vous étiez en train d’envoyer l’or qui a été saisi ?

En Belgique. En réalité ce n’est pas moi qui me suis fait prendre directement mais mes partenaires qui étaient venus chercher l’or. L’affaire est naturellement venue jusqu’à moi parce que j’étais le titulaire de l’agrément.

 

Avez- vous été arrêté ?

Oui, j’ai été arrêté et j’ai même fait 7 mois de prison à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. En plus, j’ai perdu les 77 kilogrammes d’or qui ont été saisis. L’affaire nous a fait perdre 1 milliard 500, mes partenaires et moi. Je ne sais pas quel était l’objectif du gouvernement précédent en fixant aussi haut le montant de la taxe mais ce que nous constatons, c’est que cela fait fuir les exportateurs et les incite à travailler dans l’illégalité.

 

Quelle a été la suite de l’affaire ? Comment avez-vous procédé pour sortir de la prison ?

Finalement l’Etat et moi avons fait une entente douanière comme le prévoit le Code de la douane entre le fautif et l’Etat. L’entente était que l’Etat gardait l’or et moi, j’ajoute un montant supplémentaire. Et c’est ce que nous avons fait pour que je sois libéré.

Combien avez-vous ajouté comme supplément ?

Un peu plus de 100 millions. C’est au vu de tout cela que je me bats actuellement pour que les choses changent.

Propos recueillis par Yannick SANKARA

 

 

 

 


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  • La réalité était que eux tous fraudaient depuis par la benediction de Francois compaore dont le gros dealer a eté par une organisation suisse. Attendons de voir la suite de tous ces gens qui passent allègrement de l’humanitaire à l’exportation de l’or drole de reconversion.

    23 octobre 2015
  • La réalité était que eux tous fraudaient depuis par la benediction de Francois compaore dont le gros dealer a eté épinglé par une organisation suisse. Attendons de voir la suite de tous ces gens qui passent allègrement de l’humanitaire à l’exportation de l’or drole de reconversion.

    23 octobre 2015

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